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Haïti : des conditions de détention inhumaines exigent une action urgente, selon Michelle Bachelet

Des détenus emprisonnés au pénitencier national d'Haïti (Archives)
Photo ONU/Victoria Hazou
Des détenus emprisonnés au pénitencier national d'Haïti (Archives)

Haïti : des conditions de détention inhumaines exigent une action urgente, selon Michelle Bachelet

Droits de l'homme

Les prisonniers en Haïti passent souvent de longues années en détention dans des conditions inhumaines, soumis à des mauvais traitements et à la torture et, dans de nombreux cas, encore en attente du début de leur procès, selon un nouveau rapport des Nations Unies publié mercredi.

Le rapport, publié par le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, documente les conditions de détention et le traitement des détenus. Il appelle à la mise en œuvre urgente de solutions pour répondre aux problèmes des conditions de détention ainsi que la situation du nombre élevé de personnes en détention préventive.

Le rapport se fonde sur des visites effectuées par le personnel de l'ONU dans 12 centres de détention entre janvier et mars 2021, ainsi que des entretiens individuels menés avec 229 hommes, femmes et enfants actuellement privés de liberté.

Le rapport note que le recours excessif à la détention préventive, associé à la capacité limitée du système judiciaire à juger les affaires pénales, a conduit à des retards importants dans le traitement judiciaire des dossiers et la possibilité pour les personnes détenues d’être entendues devant un tribunal, mais a aussi des conséquences sur la surpopulation dans les centres de détention. Actuellement, 82% des personnes privées de liberté en Haïti n'ont pas encore été jugées.

Des celllules dépourvues de fenêtres

Le rapport explique comment, dans certains cas, jusqu'à 60 personnes sont entassées dans des espaces d'à peine 20 mètres carrés, sans pouvoir s'allonger sur le sol pour dormir. Certaines cellules sont dépourvues de fenêtres, laissant les détenus dans l'obscurité pendant des heures ; et l'absence de latrines obligent les prisonniers à faire leurs besoins dans des seaux. En outre, les détenus sont souvent maintenus dans leurs cellules pendant près de 24 heures, soit par manque de cour d'exercice, soit par mesure de sécurité.

Dans la plupart des centres de détention, les détenus n'ont pas accès à des soins de santé ni aux médicaments adéquats, ce qui les met en danger en cas d'urgence médicale et les rend dépendants de l'aide des membres de leur famille. Enfin, selon le rapport, les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont couramment utilisés comme mesure disciplinaire dans toutes les prisons visitées, y compris contre les enfants.

Parmi les détenus interrogés, 27,9% ont déclaré avoir été maltraités par des agents pénitentiaires ou par des détenus avec l’acquiescement des gardiens, et 44,5% ont dit avoir été témoins de mauvais traitements.

Des mesures prises par l’Etat mais pas suffisantes

Le rapport reconnaît que l'État a pris certaines mesures pour réduire le recours à la détention provisoire, notamment par l’adoption d’un nouveau Code pénal et Code de procédure pénale, qui devraient entrer en vigueur en juin 2022. Ceux-ci ont le potentiel de réduire la population carcérale en favorisant les mesures alternatives à la détention.

« Ce sont des mesures importantes qui vont dans la bonne direction, mais il faudra du temps pour qu'elles produisent les effets envisagés. Pendant ce temps, le gouvernement devrait prendre des mesures immédiates pour remédier aux conditions dans lesquelles les personnes sont détenues », a déclaré la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet.

« Les autorités devraient également prendre des mesures pour réduire le nombre total de personnes détenues, notamment en accordant une libération anticipée ou provisoire aux personnes ayant commis des infractions mineures, aux femmes enceintes, aux mineurs et aux personnes particulièrement vulnérables à la Covid-19 ou aux maladies associées », a-t-elle ajouté.

Alors que la propagation initiale de la Covid-19 en Haïti était limitée, les cas augmentent rapidement dans tout le pays, y compris dans la population carcérale. Ces dernières semaines, plus de 500 détenus du Centre pénitencier national de Port-au-Prince ont eu de la fièvre, des diarrhées et d'autres symptômes de la Covid-19.  En mai seulement, 16 détenus y sont décédés de complications sanitaires.

Cependant, l'absence d'une stratégie de dépistage appropriée pour les personnes privées de liberté empêche les autorités et d'autres acteurs de déterminer le niveau réel des infections liées à la Covid-19 dans les prisons.

Les conditions documentées dans le rapport, notamment le degré élevé de surpopulation, le manque de ventilation et d'accès à l'air frais, ainsi que l'accès limité à l'eau, à l'assainissement et à l'assistance médicale, risquent de compliquer encore plus le contrôle de la propagation du virus.

Mme Bachelet a réitéré sa volonté de continuer à collaborer avec les autorités haïtiennes pour œuvrer à l'amélioration de la situation des droits de l'homme dans le pays.

La Haut-Commissaire a également appelé le gouvernement haïtien à créer un mécanisme national de prévention de la torture et à ratifier la Convention des Nations Unies contre la torture et son protocole facultatif.