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Méditerranée centrale : l’ONU exhorte l’UE et la Libye à mieux protéger les migrants

Des migrants continuent de faire la périlleuse traversée maritime de la Méditerranée entre la Libye et l'Europe.
SOS Méditerranée/Flavio Gasper
Des migrants continuent de faire la périlleuse traversée maritime de la Méditerranée entre la Libye et l'Europe.

Méditerranée centrale : l’ONU exhorte l’UE et la Libye à mieux protéger les migrants

Migrants et réfugiés

La cheffe des droits de l’homme de l’ONU a exhorté, mercredi, la Libye et l’Union européenne (UE) à agir pour mieux protéger les migrants qui cherchent à traverser la partie centrale de la mer Méditerranée. 

La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a appelé Tripoli et Bruxelles à réformer de toute urgence leurs politiques de recherche et de sauvetage des migrants, affirmant que leurs pratiques privent ces derniers de leurs droits et de leur dignité. « La véritable tragédie est qu’une si grande partie de la souffrance et des morts le long de la route de la Méditerranée centrale est évitable », a déclaré Mme Bachelet, alors que ses services publiaient un rapport sur la recherche et le sauvetage et la protection des migrants dans cette région.

« Chaque année, des personnes se noient parce que les secours arrivent trop tard, ou n’arrivent jamais », a fait valoir la Haut-Commissaire. Selon le rapport, les preuves suggèrent que le manque de protection des droits humains pour les migrants en mer « n’est pas une anomalie tragique, mais plutôt une conséquence de décisions politiques et de pratiques concrètes des autorités libyennes, des États membres et des institutions de l’UE, et d’autres acteurs qui se sont combinés pour créer un environnement où la dignité et les droits de l’homme des migrants sont en danger ».

L’UE a délégué à Tripoli ses tâches de recherche et de sauvetage des migrants

Intitulé « Mépris fatal : recherche et sauvetage et protection des migrants en Méditerranée centrale », le rapport de 37 pages étudie la période allant de janvier 2019 à décembre 2020. D’une manière générale, le document note que les États membres de l’UE ont réduit leurs opérations de recherche et de sauvetage, tandis que les organisations humanitaires ont été empêchées de mener des opérations de sauvetage. Il ajoute que les navires commerciaux privés évitent de plus en plus de venir en aide aux migrants en détresse en raison « des retards et des blocages concernant leur éventuel débarquement dans un port de sécurité ».

Selon le rapport, les politiques et les pratiques en œuvre « échouent à donner la priorité à la vie, à la sécurité et aux droits de l’homme des personnes qui tentent de passer d’Afrique en Europe ». « Ceux qui sont secourus sont parfois contraints d’attendre des jours ou des semaines avant d’être débarqués en toute sécurité ou, comme c’est de plus en plus souvent le cas, sont renvoyés en Libye qui, comme cela a été souligné à d’innombrables reprises, n’est pas un port sûr », a fait remarquer Mme Bachelet.

Une façon de pointer du doigt Bruxelles car l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (FRONTEX), la force navale de l’UE pour la Méditerranée (opération IRINI) et les États membres de l’Union ont ainsi encouragé Tripoli à assumer une part plus importante des tâches de recherche et de sauvetage dans les eaux internationales.

Plus de 10.300 migrants interceptés par les gardes côtes libyens en 2020

Cependant, cette externalisation des opérations de recherche et de sauvetage s’est produit « sans une diligence raisonnable et des garanties suffisantes en matière de droits de l’homme ». Ce qui a conduit à une augmentation des interceptions et des retours en Libye, où les migrants continuent de subir de graves violations des droits de l’homme et des abus.

En 2020, au moins 10.352 migrants ont été interceptés par les gardes côtes libyens en mer et renvoyés en Libye, contre au moins 8.403 en 2019. Or le rapport conclut que le territoire libyen n’est pas un lieu sûr pour le débarquement des migrants sauvés en mer et que les politiques et pratiques actuelles en Méditerranée centrale permettent violations et abus à l’encontre des migrants plus qu’elles n’y mettent fin.

A noter que malgré une baisse significative du nombre total de migrants arrivant en Europe par la route de la Méditerranée centrale ces dernières années, des centaines de personnes continuent de mourir - au moins 632 jusqu’à présent en 2021. Pour les personnes secourues, les retards dans le débarquement dans un lieu sûr ont causé des souffrances supplémentaires, les migrants étant parfois laissés pendant des jours ou des semaines à bord de navires peu adaptés à un hébergement à long terme.

« Personne ne devrait se sentir obligé de risquer sa vie » sur des bateaux de fortune

« Personne ne devrait se sentir obligé de risquer sa vie, ou celle de sa famille, sur des bateaux en mauvais état à la recherche de sécurité et de dignité », a déclaré Mme Bachelet. « Mais la réponse ne peut se résumer à empêcher les départs de Libye ou à rendre les voyages plus désespérés et dangereux », a-t-elle ajouté.

La cheffe des droits de l’homme de l’ONU s’est inquiétée de ce qu’elle a qualifié de « mépris mortel pour des personnes désespérées ». Elle a donc réaffirmé la nécessité d’une action plus déterminée pour déployer des opérations de recherche et de sauvetage suffisantes en Méditerranée centrale.

La Haut-Commissaire e a également appelé à soutenir le travail des ONG humanitaires et à adopter un arrangement commun et fondé sur les droits de l’homme pour le débarquement rapide de toutes les personnes sauvées en mer. « Tant qu’il n’y aura pas suffisamment de canaux de migration sûrs, accessibles et réguliers, les gens continueront à essayer de traverser la Méditerranée centrale, quels que soient les dangers ou les conséquences », a-t-elle affirmé.

Mme Bachelet a ainsi exhorté « les États membres de l’UE à faire preuve de solidarité pour que les pays de la ligne de front, comme Malte et l’Italie, n’aient pas à assumer une responsabilité disproportionnée ».