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Colombie : des experts condamnent la répression des manifestations pacifiques et demandent une enquête

Des manifestants dans les rues de Bogota, la capitale de la Colombie
Jeimmy Celemín
Des manifestants dans les rues de Bogota, la capitale de la Colombie

Colombie : des experts condamnent la répression des manifestations pacifiques et demandent une enquête

Droits de l'homme

Des experts des droits de l'homme des Nations Unies et de l'Organisation des Etats américains (OEA) ont condamné, vendredi, la violente répression des manifestations pacifiques en Colombie.

Dix-huit experts indépendants ont appelé le gouvernement colombien à mener une enquête approfondie et indépendante sur les meurtres, violences sexuelles et allégations la torture et les cas présumés de détention arbitraire et de disparition forcée.

« Nous sommes profondément affligés par l'usage excessif et illégal de la force par la police et les membres de l'ESMAD (Escadron mobile anti-émeutes) contre des manifestants pacifiques, des défenseurs des droits humains et des journalistes à travers la Colombie », ont déclaré les experts dans un communiqué.

Les experts ont reçu des informations faisant état d'au moins 26 meurtres, dont la plupart concernaient des jeunes, 1.876 cas de violence policière, 216 cas de blessures dont des policiers, environ 168 disparitions, 963 détentions arbitraires présumées, au moins 12 cas de violence sexuelle, ainsi que des allégations de torture. En outre, il y a eu au moins 69 agressions contre des défenseurs des droits humains.

Le 28 avril 2021, les travailleurs colombiens, dirigés par une alliance de syndicats et de groupes sociaux, ont commencé à manifester pacifiquement dans toute la Colombie contre une série de mesures prises par le gouvernement, notamment un projet de loi de réforme fiscale qui aurait pour effet d'aggraver les inégalités. Malgré l'annonce par la présidence le 2 mai de l'abandon du projet de loi sur la réforme fiscale, les manifestations se sont poursuivies. La grande majorité des manifestations étaient pacifiques, mais des violences ont également été signalées.

Les experts se sont déclarés préoccupés par l’implication de l’armée dans la réponse du gouvernement. Ils ont souligné que le personnel militaire est principalement formé et entraîné pour défendre le pays contre les menaces de nature militaire et ne devrait pas être utilisé pour des activités de police lors de rassemblement.

Attaques contre les populations autochtones et les médias

Les experts indépendants ont également exprimé leur inquiétude face aux attaques violentes signalées contre les indigènes Minga à Cali. « Nous rejetons toute tentative d’accuser les peuples autochtones de participer avec les armes aux manifestations pacifiques. En outre, nous appelons les autorités à prendre des mesures pour empêcher la propagation de la stigmatisation contre les manifestants », ont déclaré les experts.

Des informations font état d'une répression des médias, notamment de la censure, des restrictions d'Internet, ainsi que des attaques et du harcèlement de journalistes. « Les autorités colombiennes doivent respecter la liberté d'expression et de la presse, et veiller à ce que les journalistes puissent couvrir l'actualité en toute sécurité », ont déclaré les experts.

Les experts ont souligné que le recours à une force potentiellement mortelle est une mesure extrême, à laquelle on ne peut recourir que lorsque cela est strictement nécessaire pour protéger la vie ou empêcher des blessures graves causées par une menace imminente. Les armes moins meurtrières, en revanche, ne doivent être utilisées que sous réserve d'exigences strictes de nécessité et de proportionnalité, là où des mesures moins nocives seraient inefficaces.

Ils ont appelé les autorités à mener des enquêtes approfondies, rapides, efficaces, impartiales et indépendantes sur toutes les violations présumées des droits de l'homme, à demander des comptes aux responsables et à garantir des réparations adéquates, y compris une indemnisation, aux victimes et à leurs familles. Ils ont également exhorté le gouvernement à divulguer le lieu où se trouvaient toutes les personnes détenues.

Les experts, qui ont récemment eu des contacts avec le gouvernement colombien, ont exhorté les autorités concernées à respecter le droit de réunion pacifique lors des prochaines manifestations et à veiller à ce que la force ne soit utilisée que dans le respect des principes de précaution, de nécessité et de proportionnalité. « Nous continuerons de suivre de près l'évolution de la situation », ont-ils assuré.

LES EXPERTS DES NATIONS UNIES

M. Clément Voule, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association; Mme Irène Khan, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression; Mme Mary Lawlor, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme; Le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires: M. Tae-Ung Baik (président), M. Henrikas Mickevičius, (vice-président), Mme Aua Balde, M. Bernard Duhaime et M. Luciano Hazan; le Groupe de travail sur la détention arbitraire: Mme Leigh Toomey (présidente), Mme Elina Steinerte (vice-présidente), M. Mumba Malila, Mme Miriam Estrada-Castillo et Mme Priya Gopalan; M. Morris Tidball-Binz, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires; M. Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et M. Francisco Cali Tzay; Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones.

LES EXPERTS DE L'OEA

Pedro Vaca Villarreal est le Rapporteur spécial de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) pour la liberté d'expression. Le Bureau du Rapporteur spécial sur la liberté d'expression a été créé par la CIDH pour encourager la défense du droit à la liberté de pensée et d'expression dans l'hémisphère, étant donné le rôle fondamental que ce droit joue dans la consolidation et le développement du système démocratique.

Mme Soledad García Muñoz est la Rapporteure spéciale de la CIDH sur les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Le Bureau de la Rapporteure spéciale sur les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux a été créé par la CIDH pour guider, développer et approfondir son travail de promotion et de protection des droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux dans les Amériques, en tenant compte de l'interdépendance et du caractère indivisible de tous les droits de l’homme.

NOTE

Les Rapporteurs spéciaux font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand organe d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d’enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire. Ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et servent à titre individuel.