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Ouganda : l’ONU condamne la criminalisation des personnes LGBT, prostituées et séropositives

Keem Love Black, une femme transgenre ougandaise, dirige Trans Positive Uganda, une organisation communautaire qui s’occupe des travailleuses du sexe transgenres et des réfugiées vivant avec le VIH.
ONUSIDA
Keem Love Black, une femme transgenre ougandaise, dirige Trans Positive Uganda, une organisation communautaire qui s’occupe des travailleuses du sexe transgenres et des réfugiées vivant avec le VIH.

Ouganda : l’ONU condamne la criminalisation des personnes LGBT, prostituées et séropositives

Droits de l'homme

Les Nations Unies ont fait part de leur profonde inquiétude suite à l’adoption en Ouganda d’une loi criminalisant les personnes LGBT, prostituées et séropositives.

 

Adopté en début de semaine par le parlement ougandais, le projet de loi de 2019 sur les infractions sexuelles comprend des dispositions ciblant davantage des groupes entiers de personnes en Ouganda : la communauté lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre (LGBT), les travailleurs et travailleuses du sexe et les personnes séropositives.

Le projet de loi criminalise les relations sexuelles entre personnes de même sexe, élargit la criminalisation du travail du sexe et impose un dépistage obligatoire du VIH ainsi que des peines plus sévères aux personnes vivant avec le VIH que la population générale accusée de certains crimes similaires. L’adoption de cette loi intervient quelques semaines à peine avant larRéunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le sida, qui se tiendra du 8 au 10 juin 2021. 

Pour l’ONU, cette loi est discriminatoire et soulève de graves préoccupations en matière de droits de l'homme.

« Bien que la peine pour avoir eu des relations homosexuelles consensuelles a été réduite à 10 ans de prison au lieu de la réclusion à perpétuité, il n'en demeure pas moins que ces relations sont toujours criminalisées », a déploré Rupert Colville, le porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), lors d’un point de presse vendredi à Genève.

La stigmatisation, la discrimination et la violence contre les personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre sont déjà monnaie courante en Ouganda et « souvent commises en toute impunité étant donné que les victimes ont souvent trop peur de signaler toute attaque contre elles », a ajouté M. Colville.

Dépistage obligatoire et forcé du VIH

Le Programme conjoint des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a, pour sa part, condamné une « loi qui criminalise et marginalise davantage les groupes vulnérables » en Ouganda et dénient ainsi leurs droits humains, y compris leur droit à la santé.

« Cibler les personnes vivant avec le VIH, les communautés LGBTet les travailleurs du sexe augmente la stigmatisation et la discrimination et sape la riposte au VIH, en empêchant les personnes de recevoir les services de traitement, de prévention et de soins du VIH dont elles ont si urgemment besoin », a alerté la Directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima, dans un communiqué publié jeudi.

Cibler les personnes vivant avec le VIH, les communautés LGBTet les travailleurs du sexe augmente la stigmatisation et la discrimination et sape la riposte au VIH - Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA

L’ONU est alarmée par le fait que la loi permet d’imposer un dépistage obligatoire et forcé du VIH des accusés et traite la séropositivité comme un facteur aggravant lorsqu'une personne est accusée d'infractions sexuelles spécifiques.

« De telles dispositions violent les obligations de l'Ouganda en matière de droits humains et risquent de nuire à la santé publique », a déclaré M. Colville. Selon le porte-parole du HCDH, les gens auront désormais peur de se présenter pour des tests et des traitements essentiels, affectant ainsi les efforts critiques de prévention et de traitement du VIH. Il a également prévenu que les dispositions de la loi risquent également d'alimenter davantage la propagation du VIH en Ouganda et en Afrique subsaharienne.

Peine de mort

Le HCDH s’est également dit profondément préoccupé par le fait que la loi prescrive la peine de mort pour certaines infractions, y compris celles qualifiées de « viol aggravé ». « L'application de la peine de mort aux crimes, y compris les infractions sexuelles qui n'impliquent pas de meurtre intentionnel, est une violation du droit à la vie et des obligations conventionnelles de l'Ouganda », a rappelé M. Colville.

L'application de la peine de mort aux crimes, y compris les infractions sexuelles qui n'impliquent pas de meurtre intentionnel, est une violation du droit à la vie et des obligations conventionnelles de l'Ouganda - Rupert Colville, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme

L’ONU juge également « profondément troublantes » les définitions du viol et du consentement dans la loi. Une clause importante qui reconnaissait qu'une personne pouvait retirer son consentement avant ou pendant les rapports sexuels a été supprimée après que les parlementaires ougandais ne sont pas parvenus à un accord.

La loi criminalise également les personnes qui se livrent à des activités sexuelles, ce qui peut pousser les travailleurs et travailleuses du sexe dans la clandestinité et augmenter considérablement les risques auxquels elles sont confrontées.

Le HCDH exhorte l'Ouganda à modifier les dispositions de la loi qui ne sont pas conformes aux normes et standards internationaux relatifs aux droits de l'homme, à dépénaliser les relations homosexuelles consensuelles dans toute législation et à lutter contre la violence, la discrimination et la stigmatisation à l'encontre des personnes vivant avec le VIH/sida, des travailleurs et travailleuses du sexe et des LGBT. « Nous appelons en outre à un cadre juridique qui puisse soutenir les approches centrées sur les victimes dans les enquêtes et les poursuites relatives à la violence sexuelle, y compris le viol, conformément au droit et aux normes internationales », a dit M. Colville.

Ce faisant, l’Ouganda « rejoindrait le nombre croissant de pays en Afrique et dans le monde qui suppriment les lois injustes de leurs codes pénaux », a souligné l’ONUSIDA.