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Russie : des experts de l'ONU estiment que l’opposant Navalny est en grave danger et appellent à une évacuation médicale

Une manifestation de soutien à Alexeï Navalny, à Londres, au Royaume-Uni.
Unsplash/Liza Pooor
Une manifestation de soutien à Alexeï Navalny, à Londres, au Royaume-Uni.

Russie : des experts de l'ONU estiment que l’opposant Navalny est en grave danger et appellent à une évacuation médicale

Droits de l'homme

Des experts des droits de l'homme indépendants de l'ONU ont exprimé, mercredi, leur inquiétude face à la détérioration de l’état de santé de l’opposant russe Alexeï Navalny, qui se trouve en détention, et ont appelé à son évacuation médicale d'urgence de la Russie.

« Nous pensons que la vie de M. Navalny est en grave danger », ont déclaré, dans un communiqué de presse, ces experts indépendants nommés par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Ils ont noté qu’il est incarcéré dans des conditions difficiles dans une colonie pénitentiaire de haute sécurité et qu’il s'est vu refuser l'accès à des soins médicaux adéquats. Bien qu'il ait récemment été transféré dans un hôpital, les médecins de son choix n'ont pas été autorisés à lui rendre visite.

« Nous sommes profondément troublés par le fait que M. Navalny soit détenu dans des conditions qui pourraient être assimilées à de la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans un établissement qui ne répondrait pas aux normes internationales », ont dit les experts.

Ils rappellent qu’en vertu du droit international relatifs aux droits de l'homme, lors de la détention d'une personne, quelle que soit la raison de la détention, l'État a l'entière responsabilité de prendre soin de sa vie et de son intégrité corporelle. « En raison de ce devoir de diligence accru, le gouvernement de la Fédération de Russie doit prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale et le bien-être de M. Navalny », ont dit les experts.

« Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que le danger actuel pour la vie de M. Navalny, son incarcération la plus récente et les attaques passées contre lui, y compris une tentative contre sa vie en août dernier avec l'agent neurotoxique Novichok, sur laquelle les autorités russes n'ont pas encore enquêté efficacement, fassent partie d'un modèle délibéré de représailles à son encontre pour sa critique du gouvernement russe et constituent une violation flagrante de ses droits de l'homme », ont-ils ajouté.

Placé en détention en janvier 2021

Alexeï Navalny a été arrêté et placé en détention en janvier 2021 immédiatement à son retour d'Allemagne en Russie, où il avait passé cinq mois à se remettre d'une grave tentative d'assassinat par empoisonnement. En février 2021, il a été condamné à deux ans et demi de prison pour violations présumées de la libération conditionnelle alors qu'il était à l'étranger pour des soins médicaux, et envoyé dans une colonie pénitentiaire de haute sécurité à Pokrov.

Au début du mois de mars, une forte détérioration de son état de santé a été signalée. Selon les informations reçues par les experts, après que les autorités pénitentiaires ne lui ont pas fourni de soins médicaux adéquats ou n'ont pas permis à ses propres médecins de lui rendre visite, M. Navalny a entamé, le 31 mars, une grève de la faim en signe de protestation. Après avoir appris qu'il était exposé à un risque imminent de lésions rénales irréversibles et d'un possible arrêt cardiaque, il a été transféré à l'hôpital, le 19 avril, mais n'a toujours pas accès aux experts médicaux de son choix.

Il n’existe aucune base légale valable pour l’arrestation, le procès et l’emprisonnement de M. Navalny à Pokrov

« Comme nous l’avons noté précédemment, à la lumière des décisions et mesures provisoires de la Cour européenne des droits de l’homme, il n’existe aucune base légale valable pour l’arrestation, le procès et l’emprisonnement de M. Navalny à Pokrov », ont déclaré les experts.

« Les violations apparentes de l’interdiction de la torture ou d’autres mauvais traitements, de son droit à un avocat, et plus particulièrement de son droit à des soins médicaux rapides et efficaces pendant sa détention, ne font qu’exacerber nos préoccupations déjà profondes concernant la vie et la sécurité de M. Navalny », ont-ils ajouté. « Nous exhortons les autorités russes à veiller à ce que M. Navalny ait accès à ses propres médecins et à lui permettre d'être évacué pour des soins médicaux urgents à l'étranger, comme ils l'ont fait en août 2020. Nous réaffirmons que le gouvernement russe est responsable de la vie et la santé de M. Navalny pendant qu'il est en détention ».

Les experts de l'ONU ont fait part de leurs préoccupations au gouvernement russe, notamment par le biais de deux lettres officielles envoyées en août et décembre 2020.

Les experts sont : Irene Khan, Rapporteure spéciale sur la liberté d’opinion et d’expression ; Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; Morris Tidball-Binz, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ; et Tlaleng Mofokeng, Rapporteure spéciale sur le droit à la santé physique et mentale.

NOTE : 

Les Rapporteurs spéciaux font partie de ce qu’on appelle les Procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand organe d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d’enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel de l'ONU et ne reçoivent pas de salaire. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et servent à titre individuel.