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Chine : des experts de l'ONU profondément préoccupés par les allégations de détention et de travail forcé des Ouïghours

Vue générale de la salle de l'Alliance des Civilisations qui abrite le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève (archive).
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
Vue générale de la salle de l'Alliance des Civilisations qui abrite le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève (archive).

Chine : des experts de l'ONU profondément préoccupés par les allégations de détention et de travail forcé des Ouïghours

Droits de l'homme

Des experts des droits de l'homme des Nations Unies* ont exprimé lundi leur vive inquiétude concernant les allégations de détention et de travail forcé de Ouïghours musulmans en Chine. Ils ont demandé un accès sans entrave au pays pour mener des missions d'enquête et ont exhorté les entreprises nationales et internationales à examiner de près leurs chaînes d'approvisionnement.  

Plusieurs experts nommés par le Conseil des droits de l'homme ont déclaré avoir reçu des informations établissant un lien entre plus de 150 entreprises chinoises et étrangères domiciliées dans le pays et de graves allégations de violations des droits de l'homme à l'encontre de travailleurs ouïghours.

« Nous sommes profondément préoccupés par ces allégations qui, si elles sont prouvées, constitueraient de graves violations des droits de l'homme », a déclaré le Groupe de travail sur les entreprises et les droits de l'homme, l'un des huit mandats indépendants des Nations Unies en matière de droits de l'homme à faire part de leurs préoccupations concernant le traitement des membres de la minorité ouïghoure.

« Nous sommes prêts à renforcer notre dialogue avec le gouvernement chinois dès que possible et nous nous félicitons de la réponse rapide du gouvernement à ces allégations ainsi que de sa volonté de poursuivre un engagement constructif avec nous », ont ajouté les experts.

En tant qu'experts indépendants nommés par le Conseil des droits de l'homme, dont la Chine est un État membre, ils considèrent qu'une visite officielle en Chine (y compris dans la région du Xinjiang) serait l'occasion idéale pour un tel dialogue et pour évaluer la situation par eux-mêmes sur la base d'un accès libre et sans entrave.

Selon des sources, les travailleurs ouïghours auraient été soumis à des conditions de travail et de vie abusives pouvant constituer une détention arbitraire, une traite des êtres humains, un travail forcé et une réduction en esclavage par le recours au travail forcé.

Des centaines de milliers d'Ouïghours seraient détenus

Ces sources affirment que des centaines de milliers de membres de la minorité ouïghoure sont détenus dans des centres de « rééducation ». Beaucoup auraient également été transférés de force pour travailler dans des usines de la région autonome ouïghoure du Xinjiang et d'autres provinces chinoises.

« Des travailleurs ouïghours seraient employés de force dans des industries à forte intensité de main-d'œuvre et peu qualifiées, telles que l'agroalimentaire, le textile et l'habillement, l'automobile et les secteurs technologiques », a déclaré Dante Pesce, Président du groupe de travail.

« Si le gouvernement chinois justifie ses actions relatives au traitement des Ouïghours par la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent, la réduction de la pauvreté ou des objectifs de développement, nous demandons néanmoins respectueusement au gouvernement de cesser immédiatement toute mesure de ce type qui ne serait pas pleinement conforme au droit international, aux normes et standards relatifs aux droits de l'homme, y compris les droits des minorités », a poursuivi Dante Pesce.

Les experts ont ajouté que de nombreuses entreprises et usines impliquées dans les pratiques abusives feraient partie des chaînes d'approvisionnement de nombreuses marques mondiales bien connues.

Les experts de l'ONU ont écrit au gouvernement chinois ainsi qu'à des entreprises privées, tant en Chine qu'à l'étranger, qui pourraient être impliquées dans les abus présumés. Ils ont également écrit aux gouvernements de 13 pays où les entreprises sont domiciliées ou ont leur siège social, rappelant les obligations des États d'origine en vertu des principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, qui doivent veiller à ce que les entreprises relevant de leur territoire et/ou de leur juridiction respectent tous les droits de l'homme dans le cadre de leurs activités.

« De nombreuses entreprises sont également impliquées dans ces allégations, soit directement, soit par le biais de leurs chaînes d'approvisionnement. Les entreprises ne doivent pas fermer les yeux sur cette situation et doivent mener une véritable diligence raisonnable en matière de droits de l'homme, conformément aux Principes directeurs de l'ONU, afin d'identifier, de prévenir, d'atténuer et de rendre compte des violations des droits de l'homme causées, contribuées ou directement liées à leurs opérations, produits ou services au Xinjiang et dans d'autres provinces chinoises », a déclaré Surya Deva, Vice-président du groupe de travail.

« Dans le même temps, le gouvernement chinois doit créer un environnement propice à toutes les entreprises opérant en Chine pour mener une diligence raisonnable en matière de droits de l'homme, conformément aux normes internationales », a noté Surya Deva.

Les experts de l'ONU ont déclaré que plusieurs mandats ont des demandes de longue date pour effectuer des visites officielles en Chine, et le gouvernement est encouragé à répondre positivement à ces demandes.

*Les experts : Le Groupe de travail des Nations Unies sur les droits de l'homme et les sociétés transnationales et autres entreprises (connu sous le nom de Groupe de travail sur les entreprises et les droits de l'homme) : Dante Pesce (Président), Surya Deva (Vice-président), Elżbieta Karska, Githu Muigai, et Anita Ramasastry ; Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; Ahmed Shaheed, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction ; Tomoya Obokata, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d'esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences ; Groupe de travail sur la détention arbitraire : Leigh Toomey (Présidente-rapporteure), Elina Steinerte (Vice-présidente), Miriam Estrada-Castillo, Mumba Malila et Seong-Phil Hong ; Siobhán Mullally, Rapporteure spéciale sur la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants ; Fernand de Varennes, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités ; Karima Bennoune, Rapporteure spéciale dans le domaine des droits culturels.

NOTE :

Les rapporteurs spéciaux font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Composées du plus grand nombre d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, les procédures spéciales sont le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de surveillance du Conseil, qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et servent à titre individuel.