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Turquie : l’ONU s’inquiète du rétrécissement de l’espace civique et d’un manque de participation démocratique

La ville d'Istanbul en Turquie.
Unsplash/Fatih
La ville d'Istanbul en Turquie.

Turquie : l’ONU s’inquiète du rétrécissement de l’espace civique et d’un manque de participation démocratique

Droits de l'homme

L'annonce par la Turquie de son retrait de la Convention d'Istanbul portant sur la lutte contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes, préoccupe le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme qui s’inquiète d’un rétrécissement de l'espace civique et d’un manque de participation significative et démocratique à la prise de décision dans le pays.

« L'annonce par la Turquie, ce week-end, de son retrait de la Convention d'Istanbul, un important traité régional relatif aux droits humains portant sur la lutte contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes, met en lumière des préoccupations plus larges concernant la situation des droits humains dans le pays, notamment le rétrécissement de l'espace civique et le manque de participation significative et démocratique à la prise de décision », a déclaré Liz Throssell, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).

« La décision de se retirer de la Convention d'Istanbul a été prise sans débat parlementaire et, semble-t-il, sans consultation plus large de la société civile, notamment des groupes de femmes et des défenseurs des droits des femmes », a-t-elle ajouté, lors d’un point de presse à Genève.

La Haut-Commissaire Michelle Bachelet a exprimé sa consternation face à ce retrait, qui représente un recul important dans les efforts déployés par la Turquie pour faire progresser les droits des femmes, d'autant que l'inégalité entre les sexes et la violence sexiste à l'égard des femmes restent une préoccupation majeure dans la société turque.

La Turquie a joué un rôle actif dans la négociation de la Convention, qui a été adoptée à Istanbul, et a été le premier État à la ratifier en mars 2012, ce qui rend sa décision de l'abandonner maintenant d'autant plus choquante.

La décision de la Turquie de se retirer de ses obligations au titre de la Convention d'Istanbul envoie également un mauvais signal au monde, à un moment où l'engagement mondial et la volonté politique d'éradiquer la violence contre les femmes sont nécessaires, fait valoir le HCDH.

L'augmentation de la violence basée sur le genre et le retour de bâton sur les droits des femmes que nous avons vu dans le monde entier pendant la pandémie de Covid-19 rendent ces efforts plus vitaux que jamais.

« Nous appelons la Turquie à revenir sur son retrait, à mener des consultations avec la société civile et les groupes de femmes, et à faire des efforts tangibles pour promouvoir et protéger la sécurité et les droits de toutes les femmes et filles en Turquie », a déclaré la porte-parole.

Le prétexte de la lutte antiterroriste

Le Haut-Commissariat est également préoccupé par des événements survenus ces dernières semaines dans le pays. Des personnalités politiques de l'opposition et des défenseurs des droits de l'homme ont été arrêtés à leur domicile, et des accusations liées au terrorisme, vaguement définies, continuent d'être portées pour cibler et réduire au silence ceux qui sont perçus comme des détracteurs.

« Nous réaffirmons que toute opération antiterroriste doit être conforme au droit international relatif aux droits humains et ne doit jamais servir de prétexte pour étouffer la dissidence », a déclaré Liz Throssell.

Selon le Haut-Commissariat, le 17 mars, une procédure judiciaire a été engagée pour demander la dissolution du Parti démocratique des peuples (HDP), parti d'opposition. Le même jour, le Parlement a décidé d'expulser le membre du HDP Ömer Faruk Gergerlioğlu et de révoquer son immunité parlementaire, en invoquant sa condamnation pour avoir diffusé ce qui a été qualifié de "propagande terroriste" dans l'un de ses messages sur les médias sociaux en 2016.

L'infraction pour laquelle Gergerlioğlu a été condamné semble large et non conforme aux normes internationales, fait valoir le HCDH. Sa porte-parole se dit profondément préoccupée par le fait que les procédures judiciaires engagées à son encontre semblent s'inscrire dans une tendance plus large en Turquie consistant à utiliser des mesures antiterroristes qui peuvent avoir un effet paralysant sur la jouissance des libertés fondamentales et des droits humains.

« Nous réitérons l'importance pour la Turquie de prendre des mesures conformes à ses obligations en vertu du droit international des droits de l'homme, notamment en ce qui concerne la liberté d'opinion et d'expression, le droit de réunion pacifique, la liberté d'association, y compris le droit de former des partis politiques et d'y participer, le droit de participer aux affaires publiques et le plein respect des droits de l'homme dans toute mesure antiterroriste », a souligné la porte-parole du Haut-Commissariat.

« Au début du mois, la Turquie a adopté un plan d'action pour les droits de l'homme et nous insistons sur le fait qu'il doit être mis en œuvre conformément à ces obligations internationales », a conclu Liz Throssell.