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Myanmar : la répression de la junte pourrait être qualifiée de crimes contre l'humanité, selon un expert de l’ONU

Vur sur Yangon, la principale ville du Myanmar
ONU Info/Nyi Teza
Vur sur Yangon, la principale ville du Myanmar

Myanmar : la répression de la junte pourrait être qualifiée de crimes contre l'humanité, selon un expert de l’ONU

Droits de l'homme

La répression brutale des manifestations pacifiques par la junte birmane a probablement atteint le seuil juridique pour être qualifiée de crimes contre l’humanité, a déclaré, jeudi, un expert indépendant de l’ONU devant le Conseil des droits de l’homme.

Devant l’organe onusien siégeant à Genève, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, Tom Andrews, a appelé à une réponse mondiale unie sur la situation dans ce pays d’Asie du Sud-Est.

« Le peuple du Myanmar a besoin non seulement de paroles de soutien mais d’action de soutien », a déclaré M. Andrews devant le Conseil. « Il a besoin de l’aide de la communauté internationale, maintenant ».*

Le Rapporteur spécial a souligné qu'un nombre croissant de rapports indique que les forces de sécurité de la junte militaire commettent des actes de meurtre, d'emprisonnement, de persécution et d'autres crimes dans le cadre d'une campagne coordonnée, dirigée contre une population civile, de manière généralisée et systématique. Le tout en connaissance de cause, ce qui fait que ces exactions peuvent être qualifiées de crimes contre l'humanité.

Thomas Andrews, expert indépendant des droits de l'homme des Nations Unies sur le Myanmar.
ONU Info
Thomas Andrews, expert indépendant des droits de l'homme des Nations Unies sur le Myanmar.

Les Etats membres de l’ONU invités à agir ensemble pour le peuple du Myanmar

Alors que Conseil de sécurité semble peu disposé à invoquer son autorité en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies (action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression), M. Andrews a déclaré que les États membres de l’ONU doivent s’unir pour agir.

« Aujourd'hui, je demande donc instamment au plus grand nombre possible d'États membres de s'engager à prendre des mesures fortes, décisives et coordonnées en tant que coalition de nations - une coalition d'urgence pour le peuple du Myanmar », a-t-il déclaré.

Devant le Conseil des droits de l’homme, l’expert indépendant onusien a présenté cinq pistes pour qu'une telle coalition puisse immédiatement voir le jour :

  •  Arrêter les flux de fonds vers les militaires birmans, notamment en imposant des sanctions ciblées aux entreprises commerciales de la junte et à la Myanmar Oil and Gas Enterprise, la principale source de revenus de l’État;
  • Imposer un embargo international sur les armes;
  •  Etablir la responsabilité pour les crimes, par le biais des tribunaux nationaux ayant recours à la compétence universelle si le Conseil de sécurité refuse de renvoyer l'affaire devant la Cour pénale internationale (CPI);
  •  Travailler directement avec la société civile locale et les organisations humanitaires pour fournir une aide humanitaire dans la mesure du possible;
  •  Ne pas reconnaître la junte militaire en tant que gouvernement légitime représentant le peuple du Myanmar.

« J'espère sincèrement que la communauté internationale se montrera à la hauteur de ce moment de l'histoire en suivant l'exemple et l'inspiration du peuple du Myanmar et en venant à son aide de manière coordonnée, en ce moment où il en a besoin », a dit M. Andrew.

Dans un rapport au Conseil des droits de l'homme, le Rapporteur spécial a expliqué comment l'armée birmane a illégalement renversé le gouvernement civil le mois dernier et a attaqué le peuple du Myanmar en commettant des crimes de meurtre, d'agression et de détention arbitraire. Il a également détaillé les violations des droits de l'homme précédant le coup d'État dans une annexe au rapport.

L’ONU maintient son aide humanitaire

S’exprimant devant le Conseil des droits de l’homme, vendredi, le Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique au sein au Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix de l’ONU, Mohamed Khaled Khiari, a souligné que depuis le coup d’Etat du 1er février dernier au Myanmar, les Nations Unies ont entrepris un réexamen de leurs programmes au Myanmar.

Seule l’assistance humanitaire basée sur les besoins se poursuivra, pour maintenir la solidarité de l’ONU avec le peuple du Myanmar, alors que tous les autres programmes seront soumis à un strict examen au regard d’un certain nombre de critères, y compris celui de diligence raisonnable s’agissant de la politique des droits de l’homme suivie par le pays, a-t-il indiqué.

M. Khiari a lancé un appel à tous pour s’unir dans la condamnation de la tentative de coup d’Etat afin de promouvoir collectivement le retour à l’ordre constitutionnel, soulignant qu’« en ce moment critique, une solution pacifiquement négociée de la crise en cours au Myanmar dépend de notre unité ».

NOTE :

Les rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et les groupes de travail font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. Le terme « procédures spéciales », qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et exercent leurs fonctions à titre individuel.