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Ebola : certains pays voisins de la Guinée ne sont pas prêts à affronter une nouvelle épidémie (OMS)

Le virus Ebola est très susceptible de se propager dans les pays voisins de la Guinée, estime l'OMS
Photo OMS/M.Winkler
Le virus Ebola est très susceptible de se propager dans les pays voisins de la Guinée, estime l'OMS

Ebola : certains pays voisins de la Guinée ne sont pas prêts à affronter une nouvelle épidémie (OMS)

Santé

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé, vendredi, que le virus Ebola est très susceptible de se propager dans les pays voisins de la Guinée et que certains de ses voisins d’Afrique de l’Ouest n’étaient pas complètement préparés à l’éventualité d’une nouvelle épidémie.

Selon l’OMS, une récente évaluation sur l’état de préparation des pays voisins de la Guinée - le Sénégal, la Guinée-Bissau, le Mali, la Côte d’Ivoire, la Sierra Leone et Libéria - a révélé des lacunes. « La Guinée a six pays voisins, et nous avons procédé à une auto-évaluation de l’état de préparation », a déclaré Abdou Salam Gueye, Directeur des urgences du bureau régional de l’OMS pour l’Afrique lors d’une vidéoconférence organisée depuis Brazzaville (République du Congo).

« Deux des pays ne sont pas prêts, un pays est à la limite et trois pays sont plus ou moins prêts », a-t-il ajouté. Selon l’agence onusienne, l’impréparation de certains des pays voisins de Conakry se manifeste aussi dans la logistique pour la vaccination.

Des systèmes de santé assez fragiles

Les vaccins contre Ebola, comme ceux contre le coronavirus, requièrent un stockage en chaîne ultra-froide qui présente des défis logistiques.

« Nous sommes confrontés à des systèmes de santé assez fragiles, notamment à un manque de capacité à relever de nombreux défis de santé publique, de sorte que la gestion des vaccins contre la Covid-19 et Ebola reste un défi », a déclaré le Dr Michel Yao, Directeur des opérations sanitaires stratégiques à l’OMS.

« Mais ces pays voisins se sont mis d’accord sur une coopération et une coordination transfrontalières pour contrôler l’épidémie », a-t-il fait valoir, relevant l’importance d’une approche régionale dans la réponse.

« Cette épidémie survient dans des zones frontalières », a affirmé de son côté, le Dr Ibrahima Soce Fall, Sous-Directeur général chargé des interventions dans les situations d’urgence à l’OMS. « C’est pourquoi, il est important que les pays voisins aient les capacités de détection, de surveillance, d’isolement et de traitement rapide des cas pour éviter une expansion de l’épidémie », a détaillé le Dr Fall. 
La dernière épidémie d’Ebola en Guinée, qui a débuté en 2014, s’est rapidement étendue aux pays voisins, le Libéria et la Sierra Leone, avec quelque 28.000 cas et 11.000 décès.

18 cas d’Ebola signalés dont quatre décès en Guinée

Par ailleurs, les experts de l’OMS s’accordent sur la valeur ajoutée de l’expérience. Avoir déjà été confronté à des épidémies d’Ebola apporte « un avantage considérable aux autorités sanitaires ». « Il est important de tirer les leçons de ces épidémies », a déclaré le Dr Georges Alfred Ki-Zerbo, Représentant de l’OMS en Guinée, en évoquant la nécessité d’obtenir l’adhésion des communautés locales dans toutes les zones où des campagnes de vaccination sont prévues.

L’agence onusienne entend ainsi s’appuyer sur les capacités nationales. « Nous mettons en priorité l’engagement des communautés locales pour qu’elles s’approprient la réponse », a précisé le Dr Fall.

Avec 18 cas d’Ebola signalés dont 14 confirmés et quatre décès à ce jour, la Guinée, a lancé une campagne de vaccination. Plus de 1.600 personnes ont été vaccinées jusqu’à présent. Mais cette campagne de vaccination appelle à la prudence. « Là où nous lançons la campagne de vaccination à Gouecke, à quelques kilomètres de là se trouve le village de Wome. C’est là qu’une équipe de fonctionnaires et d’intervenants a été piégée et effectivement tuée lors de la dernière épidémie en 2015. Nous devons donc en tenir compte lorsque nous nous engageons auprès des communautés pour nous assurer que nous les écoutons », a détaillé le Dr Ki-Zerbo.

Pas assez de vaccins contre Ebola

« Nous utilisons la vaccination en anneau », a poursuivi le Dr Ibrahima Socé Fall, en faisant référence à la stratégie qui consiste à inhiber la propagation d’une maladie, en ne vaccinant que les cas contacts et les personnes les plus susceptibles d’être infectées.

« Nous vaccinons les contacts des cas, les contacts des contacts, et leurs contacts. Grâce à cette stratégie, nous sommes en mesure de contrôler ce type d’épidémie. Mais nous allons avoir besoin de plus de vaccins », a-t-il ajouté.

Quelque 30.000 vaccins contre le virus Ebola sont actuellement disponibles pour la Guinée, sur un stock mondial d’un demi-million. Et si l’épidémie devrait s’étendre à d’autres pays, se posera l’équation de la disponibilité face à des stocks limités.

« Mais il faut souligner que nous n’avons pas encore assez de vaccins et le plaidoyer doit continuer pour la production de vaccins, comme Ebola, comme on l’a vu avec la Covid-19. Mais pas seulement pour Ebola Zaïre parce que nous avons des souches d’Ebola pour lesquelles nous n’avons pas de vaccin », a prévenu le Dr Fall.

De multiples épidémies concomitantes dans le futur

Alors que la Guinée et la République démocratique du Congo (RDC) sont confrontés en même temps aux virus Ebola et coronavirus, le Dr Fall a estimé que le monde sera de plus en plus confronté à un nombre croissant d’épidémies sanitaires, en particulier du fait que les habitats humains empiètent sur les zones forestières.

« Nous devons nous attendre à avoir de multiples épidémies concomitantes dans le futur. Il est important que les pays et le monde aient les capacités de répondre à plusieurs évènements en même temps », a fait remarquer le Dr Fall.

A ce sujet, il cite le cas de la région africaine de l’OMS où « tous les trois jours, il y a une nouvelle épidémie ». « Chaque année, il y a au moins plus de 120 épidémies qui sont enregistrées. Quand on regarde bien, au moins 75% de ces épidémies sont d’origine zoonotique », a alerté le Sous-Directeur général chargé des interventions dans les situations d’urgence à l’OMS.

Pour le Dr Fall, il faut donc que les pays soient en mesure de faire face à de multiples épidémies, mais surtout de façon préventive pour éviter qu’on arrive à de larges épidémies.