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Les ravages causés par la pandémie de Covid-19 intensifient les obstacles à la paix et à la sécurité internationales

Une femme et sa fille passent devant les restes de maisons détruites lors de l'attaque de mars 2019 du village d'Ogossagou par des hommes armés Dogon, au cours de laquelle plus de 150 civils ont été tués.
UNICEF/Seyba Keïta
Une femme et sa fille passent devant les restes de maisons détruites lors de l'attaque de mars 2019 du village d'Ogossagou par des hommes armés Dogon, au cours de laquelle plus de 150 civils ont été tués.

Les ravages causés par la pandémie de Covid-19 intensifient les obstacles à la paix et à la sécurité internationales

Paix et sécurité

Depuis septembre, les ravages causés par la pandémie de Covid-19 se sont aggravés, infectant près de 100 millions de personnes, entraînant des pertes de salaires équivalant à plus de 3.000 milliards de dollars et intensifiant les obstacles à la paix et à la sécurité dans le monde, a déclaré lundi la cheffe des affaires politiques des Nations Unies devant le Conseil de sécurité.

« La pandémie a « entravé l'action diplomatique et compliqué nos efforts de rétablissement de la paix », a déclaré Rosemary DiCarlo, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, par  vidéoconférence, estimant que la Covid-19 avait « amplifié le défi de la prévention » et aggravé la dynamique sous-jacente des conflits armés.

En outre, « de nouvelles souches du virus sont sur le point de déclencher des vagues d'infection plus graves à un moment où les systèmes de santé et les réseaux de sécurité sociale sont déjà au bord du gouffre », a-t-elle fait valoir lors d'une réunion du Conseil de sécurité sur la mise en œuvre de l'appel du Secrétaire général des Nations Unies à un cessez-le-feu mondial.

Or, l'impact de la pandémie sur la paix et la sécurité est une « préoccupation urgente », a déclaré Mme DiCarlo.

En bouleversant des vies et des économies, en remettant en cause les relations communautaires et en sapant la confiance dans les institutions censées en traiter les retombées, « la pandémie a exacerbé les inégalités et la corruption, a engendré la désinformation, la stigmatisation et les discours de haine, et a créé de nouveaux foyers de tension et des risques accrus d'instabilité », a-t-elle ajouté.

La situation est particulièrement précaire pour les femmes, les jeunes et les populations marginalisées, qui sont particulièrement vulnérables à la perte de revenus et à l'escalade de la violence sexiste et domestique.

 Un centre de santé détruit par des bombardements dans l'est d'Alep, en Syrie.
OCHA
Un centre de santé détruit par des bombardements dans l'est d'Alep, en Syrie.

Appel à un cessez-le-feu mondial

En soulignant l'élan généré par l'appel à un cessez-le-feu mondial pour que les nations puissent se concentrer sur la lutte contre la Covid-19, Mme DiCarlo a cité la Libye comme exemple de la manière dont un engagement politique soutenu, un soutien plus unifié de la communauté internationale et un engagement des parties peuvent conduire à des progrès tangibles.

Elle a également évoqué l'opportunité que cela a apporté aux négociations de paix en Afghanistan pour « mettre fin à des décennies d'instabilité et de conflit », les efforts de désarmement en cours au Mozambique et l'espoir de paix dans l'est de l'Ukraine.

La pandémie a servi de test politique autant que structurel et de santé publique - Rosemary DiCarlo, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix

Malgré ces développements positifs, certaines situations ont connu une dangereuse escalade, comme les affrontements entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan dans le Caucase du Sud.

« Une chose est claire : la pandémie a servi de test politique autant que structurel et de santé publique. Elle a mis à nu les cas où une crise aiguë est considérée comme une occasion de prendre l'avantage sur le champ de bataille ou comme un prétexte pour perpétuer ou enraciner des pratiques oppressives », a déclaré Mme DiCarlo.

« Cela a également confirmé que là où il existe une réelle volonté politique de faire et de maintenir la paix, presque aucun obstacle n'est insurmontable, surtout si la communauté mondiale apporte son soutien », a-t-elle ajouté.

Des femmes afghanes font la queue au point de distribution du Programme alimentaire mondial (PAM) à Herat, en Afghanistan, pour collecter des sacs de pois chiches cassés, de blé et d'huile de cuisson distribués par le PAM.
Photo : ONU/Eric Kanalstein
Des femmes afghanes font la queue au point de distribution du Programme alimentaire mondial (PAM) à Herat, en Afghanistan, pour collecter des sacs de pois chiches cassés, de blé et d'huile de cuisson distribués par le PAM.

La pointe de l'iceberg

À ce jour, près de 99 millions de personnes ont contracté le coronavirus dans le monde, selon les chiffres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Près d'un quart d'entre elles vivent dans des pays confrontés à des crises humanitaires ou de réfugiés, a déclaré de son côté, Mark Lowcock, chef de l'humanitaire de l'ONU.

« Comme la partie émergée de l'iceberg, la plupart des cas ne se traduisent pas encore dans les chiffres », a-t-il déclaré, notant que de nombreux pays pauvres sont au milieu d'une deuxième vague dangereuse et que de nouveaux variants plus infectieux vont aggraver la situation.

Reconnaissant que si les vaccins « montrent la voie à suivre », il a déclaré que « personne n'est en sécurité tant que tout le monde ne l'est pas, et le risque que les pays les plus fragiles se retrouvent au bout d'une longue et lente file d'attente pour le vaccin nous met tous en danger ».

En évaluant les effets économiques de la pandémie, M. Lowcock a dressé un sombre tableau pour les plus vulnérables, estimant que 235 millions de personnes auront besoin d'aide humanitaire et de protection, « presque entièrement à cause de la Covid-19 ».

Personne n'est en sécurité tant que tout le monde ne l'est pas - Mark Lowcock, chef de l'humanitaire de l'ONU

Le Coordonnateur des secours d’urgence a brossé un tableau sombre de la pire contraction économique mondiale en 90 ans, d'une décennie de croissance perdue du revenu par habitant, de défauts de paiement de la dette souveraine imminents, d'une extrême pauvreté qui augmente pour la première fois en 20 ans, déclenchant une forte poussée de l'insécurité alimentaire et de multiples famines, et de la disparition des services publics.

« Dans plus de 20 pays où mon bureau est présent, l'interruption des campagnes de vaccination de routine laisse des millions d'enfants vulnérables à des maladies mortelles comme la rougeole et le choléra », a-t-il déclaré.

Si la communauté humanitaire a réussi à accroître l'aide, les efforts ont été dépassés par l'ampleur croissante de cette crise, selon M. Lowcock. « Les six prochains mois seront cruciaux. Les décisions d'aujourd'hui détermineront notre parcours pour les années à venir », a-t-il conclu.

Des Casques bleus de la MINUSCA en patrouille dans la préfecture d'Ouham-Pendé, dans le nord-ouest de la République centrafricaine (RCA)
MINUSCA/Leonel Grothe
Des Casques bleus de la MINUSCA en patrouille dans la préfecture d'Ouham-Pendé, dans le nord-ouest de la République centrafricaine (RCA)

Répercussions de la Covid-19

Pour sa part, le chef des opérations de paix, Jean-Pierre Lacroix, a déclaré devant les quinze membres du Consseil que des situations politiques déjà complexes ont continué à subir les pressions de la pandémie de Covid-19 - retardant le processus de paix au Soudan du Sud, limitant les contacts entre les deux communautés à Chypre, exacerbant la situation politique et économique au Liban et servant de prétexte pour établir une transition présidentielle anticonstitutionnelle en République centrafricaine.

Il a noté que les retards dans les rotations des forces de maintien de la paix, dus en grande partie à la pandémie, sont maintenant résorbés et a décrit comment les forces de maintien de la paix des Nations Unies se sont adaptées à la Covid-19, citant le retrait de l'opération au Darfour, au Soudan, les patrouilles au Mali ainsi le soutien aux États hôtes.

La pandémie met à l'épreuve notre engagement collectif en faveur de la paix et de la sécurité internationales - Jean-Pierre Lacroix, chef des opérations de paix l'ONU

La pandémie de Covid-19 a également « mis en lumière l'importance du leadership des femmes pendant les crises », a déclaré le chef des opérations de paix de l'ONU, rappelant qu'elles sont en première ligne, faisant face aux retombées et contribuant à atténuer le risque politique associé à la pandémie.

« La pandémie met à l'épreuve notre engagement collectif en faveur de la paix et de la sécurité internationales », a expliqué M. Lacroix, en saluant le « courage et la ténacité » des femmes et des hommes qui servent dans les opérations de paix et le soutien « ferme et constant » du Conseil de sécurité pour relever les « défis sans précédent » à la paix.

Enfin, le Secrétaire général adjoint de l’ONU chargé de l’appui opérationnel, Atul Kare, a souligné la nécessité de veiller à ce que l'équipement et les modules de formation nécessaires pour faire face aux menaces de la Covid-19 soient mis à la disposition des opérations de paix.

Atul Khare a loué les États qui ont fourni des capacités d'« évacuation médicale » et a préconisé des discussions inclusives sur la manière de garantir que les soldats de la paix et la police des Nations Unies puissent recevoir les vaccins contre la Covid-19 en temps voulu.