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Covid-19 : des experts indépendants de l’ONU demandent à Israël d’assurer l’égalité d’accès aux vaccins pour les Palestiniens

Une agente de santé fournit des informations sur la Covid-19 à une patiente du centre de santé de Jérusalem.
© UNRWA/Louise Wateridge
Une agente de santé fournit des informations sur la Covid-19 à une patiente du centre de santé de Jérusalem.

Covid-19 : des experts indépendants de l’ONU demandent à Israël d’assurer l’égalité d’accès aux vaccins pour les Palestiniens

Santé

Deux experts indépendants des droits de l’homme des Nations Unies ont appelé, jeudi, Israël à garantir « un accès rapide et équitable aux vaccins anti Covid-19 pour le peuple palestinien sous occupation ».

« Le déploiement par Israël de son programme de vaccination contre la pandémie de coronavirus pour ses citoyens a été impressionnant. Israël a fourni le pourcentage plus élevé que tout autre pays », ont rappelé Michael Lynk, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés et Tlaleng Mofokeng, Rapporteur spécial sur le droit à la santé.

Mais si les Palestiniens ayant le statut de résident à Jérusalem-Est occupée se sont vu offrir les vaccins, tel n’est pas le cas pour les autres citoyens vivant en Cisjordanie et à Gaza, ont déploré les experts.

« Israël n’a pas garanti que les Palestiniens sous occupation en Cisjordanie et à Gaza auront un accès quasi-futur aux vaccins disponibles », ont regretté M.M. Lynk et Mofokeng, relevant que la pandémie a ravagé ces deux territoires occupés ces derniers mois, et a « fracturé un système de santé palestinien déjà gravement sous-financé ».

« Moralement et légalement, cet accès différentiel aux soins de santé nécessaires au milieu de la pire crise sanitaire mondiale du siècle est inacceptable », ont fait valoir les Rapporteurs spéciaux.

Plus de 4,5 millions de Palestiniens privés de vaccin

Plus de 167.000 cas de Covid-19, dont plus 1.784 décès, ont été recensés dans les territoires palestiniens occupés, selon le dernier décompte établi jeudi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Et selon les experts onusiens, les infections et les décès ont augmenté de façon régulière au cours des dernières semaines.

Or les vaccins, qui ont été commandés séparément par l’Autorité palestinienne, pourraient ne pas être livrés en masse en Cisjordanie et à Gaza avant de nombreuses semaines. « Cela signifie que plus de 4,5 millions de Palestiniens resteront sans protection et exposés au coronavirus, tandis que les citoyens israéliens vivant à proximité et parmi eux - y compris la population des colons israéliens - seront vaccinés », ont alerté M.M. Lynk et Mofokeng.

« Le droit international relatif aux droits de l’homme, qui s’applique intégralement au territoire palestinien occupé, stipule que toute personne a droit au meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre », ont insisté les deux Rapporteurs spéciaux, précisant que « le refus d’un accès égal aux soins de santé, par exemple sur la base de l’ethnicité ou de la race, est discriminatoire et illégal ».

Les accords d’Oslo doivent être interprétés et appliqués conformément au droit international

Les deux experts onusiens se sont également inquiétés du fait que le service pénitentiaire israélien a reçu l’instruction du ministère de la sécurité publique « de ne pas vacciner les détenus palestiniens (des prisons de) sécurité ». Ils ont noté que les autorités sanitaires israéliennes avaient précédemment donné des instructions selon lesquelles tous les prisonniers sous garde israélienne devaient être vaccinés en priorité, compte tenu du risque élevé d’infection parmi les détenus.

En tant que puissance occupante, Israël est tenu, en vertu de la quatrième Convention de Genève, de « maintenir des services de santé dans le territoire occupé, dans toute la mesure des moyens dont il dispose », ont rappelé M.M. Lynk et Mofokeng.

Les deux experts ont rapporté les propos de certains commentateurs israéliens, qui ont justifié la différence de traitement par l’accord intérimaire israélo-palestinien de 1995. Selon ces éditorialistes, cette partie intégrante des accords d’Oslo prévoit que l’Autorité palestinienne assumerait la responsabilité des soins de santé dans le territoire palestinien, y compris celle des vaccinations. Or selon les experts onusiens, ces accords d’Oslo doivent être interprétés et appliqués conformément au droit international, et « ne peuvent déroger à ses larges protections ».

Une façon de rappeler que « la responsabilité ultime des services de santé reste celle de la puissance occupante jusqu’à ce que l’occupation ait pris fin de manière complète et définitive ».

Pourtant pendant la guerre du Golfe de 1991, la Cour suprême israélienne a ordonné au commandant militaire israélien de distribuer des masques à gaz aux Palestiniens sous occupation au même titre qu’elle avait livré des masques à tous les Israéliens. Et pour les experts, « le commandant militaire doit traiter tout le monde sur un pied d’égalité ».

Vaincre la pandémie est possible avec les efforts d’Israël et de la Palestine

Pour les deux Rapporteurs spéciaux, Israël ne doit pas faire « de discrimination entre les habitants ». « Une fois que le commandant militaire est arrivé à la conclusion que des kits de protection devraient être distribués aux résidents juifs de la région, il devrait également distribuer des kits aux résidents arabes », ont-ils fait valoir.

Par ailleurs, les deux experts onusiens ont appelé l’Autorité palestinienne et l’administration de facto à Gaza à coopérer avec Israël pour la mise en œuvre d’un programme de vaccination complet pour les Palestiniens dans le territoire occupé.

« Ce n’est que grâce à l’effort soutenu de toutes les autorités gouvernementales que la perspective de la défaite de la pandémie sera possible », ont-ils conclu, rappelant l’importance d’un « programme de vaccination complet qui touche tout le monde entre le Jourdain et la Méditerranée sur la base de l’égalité ».

NOTE :

Les rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et les groupes de travail font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand organe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.