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Ethiopie : l’ONU dénonce des bombardements et des assassinats de civils au Tigré

Une réfugiée éthiopienne du Tigré attend d’être transférée d’un centre d’accueil frontalier au Soudan.
© HCR/Will Swanson
Une réfugiée éthiopienne du Tigré attend d’être transférée d’un centre d’accueil frontalier au Soudan.

Ethiopie : l’ONU dénonce des bombardements et des assassinats de civils au Tigré

Droits de l'homme

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a réclamé, mardi, un accès à l’ensemble de la région éthiopienne du Tigré et demandé au gouvernement éthiopien de protéger les civils. 

Selon le HCDH, les civils ont été « victimes d’atteintes aux droits de l’homme telles que des bombardements ou encore des assassinats ».

« Nous avons reçu des allégations concernant des violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, notamment des tirs d’artillerie sur des zones peuplées, des attaques délibérées contre des civils, des exécutions extrajudiciaires et des pillages généralisés », a déclaré dans un communiqué, Michelle Bachelet, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. 

Des témoins ont décrit aux équipes de l'ONU, des frappes d’artillerie sur la ville de Humera, à la frontière avec l’Erythrée, entre le 9 et le 11 novembre.  

Le HCDH indique avoir interrogé plusieurs personnes de la ville, qui ont affirmé que des obus lancés depuis l’Érythrée avaient aussi touché des zones résidentielles et l’hôpital. « L’armée éthiopienne et les forces et milices régionales d’Amhara auraient ensuite pris le contrôle de Humera, tuant des civils et pillant l’hôpital, les banques, les commerces, les supermarchés et les maisons privées », détaille un rapport du HCDH.

Les frappes d’artillerie contre la ville d’Adigrat début novembre auraient également forcé de nombreuses familles à fuir vers les montagnes, où elles ont ensuite été piégées par de violents combats entre le 20 et le 24 novembre, qui auraient fait de nombreux morts. L’un des « incidents les plus choquants signalés à ce jour » est « le massacre présumé de plusieurs centaines de personnes », principalement des Amharans, à Mai Kadra, le 9 novembre dernier.

Des allégations de violations commises par la milice Amhara « Fano »

« Si des civils étaient délibérément tués par une ou plusieurs parties au conflit, ces meurtres équivaudraient à des crimes de guerre et il faut, comme je l’ai souligné précédemment, des enquêtes indépendantes, impartiales, approfondies et transparentes pour établir les responsabilités et garantir la justice », a affirmé Mme Bachelet.

A ce sujet, elle demande instamment aux autorités de s’appuyer sur les conclusions préliminaires de la Commission éthiopienne des droits de l’homme sur ce qui s’est passé à Maï Kadra. « Il est essentiel que des enquêtes soient menées sur les allégations de violations des droits de l’homme à la fois contre les Amharans et les Tigréens », a-t-elle fait valoir.

Par ailleurs, de multiples témoignages indiquent que la milice Amhara « Fano » aurait commis des violations des droits de l’homme, notamment en tuant des civils et en se livrant à des pillages. 

Les services de Mme Bachelet ont également reçu des informations, qu’ils n’ont pas été en mesure de vérifier, concernant la présence de troupes érythréennes au Tigré, leur implication dans les hostilités et les graves violations du droit international qui y sont liées. « Ces rapports mettent en évidence l’incapacité des parties au conflit à protéger les civils », a ajouté la Haute-Commissaire. 

Pour l’ONU, cela est d’autant plus préoccupant que les combats se poursuivraient, en particulier dans certaines régions du nord, du centre et du sud du Tigré. « Ces allégations rapportées ne sont probablement que la partie visible de l’iceberg concernant l’étendue et la gravité des violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme commises par toutes les parties au conflit », a indiqué Mme Bachelet.

Des réfugiés éthiopiens, fuyant les affrontements dans la région du Tigré, dans le nord du pays, traversent la frontière vers Hamdayet, au Soudan,par la rivière Tekeze. (archives)
© HCR/Hazim Elhag
Des réfugiés éthiopiens, fuyant les affrontements dans la région du Tigré, dans le nord du pays, traversent la frontière vers Hamdayet, au Soudan,par la rivière Tekeze. (archives)

Pour un accès sans entrave à l’ensemble du Tigré pour protéger les civils

Mais compte tenu des restrictions actuelles, ces informations et témoignages ont toutefois été recueillies à distance et non pas directement sur le terrain. Ces informations « montrent la nécessité que des observateurs des droits de l’homme indépendants puissent avoir accès au Tigré pour pouvoir évaluer correctement les souffrances humaines qui résultent du conflit, de vérifier les accusations et aider à trouver les responsables de ces violations », a souligné Mme Bachelet.

A ce sujet, elle a cité les allégations non vérifiées du gouvernement éthiopien qui ont souligné que « les forces du Front populaire de libération du Tigré (FPLT) ont été impliquées dans des violations du droit international ». « Il reste difficile de vérifier ces allégations sans y avoir accès », précise l’ONU.  

Mais ce qui s’est passé au Tigré au cours de ces sept dernières semaines est aussi « déchirant qu’effroyable ». « Pour éviter la poursuite du conflit et les pertes de vies humaines, l’Éthiopie devrait s’attaquer à ses divisions ethniques de longue date par la responsabilisation, le dialogue inclusif, la réconciliation et le respect des droits de l’homme », a fait remarquer la cheffe des droits de l’homme de l’ONU.

Plus largement, sept semaines après le début du conflit dans la région du Tigré en Ethiopie, le manque persistant d’accès humanitaire général, associé à un black-out des communications dans de nombreuses régions, suscite des préoccupations croissantes quant à la situation des civils.  Mme Bachelet plaide donc pour « un accès sans entrave à l’ensemble du Tigré pour protéger les civils ».

Réfugiés éthiopiens : le HCR réclame 156 millions de dollars 

Parallèlement, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et une trentaine de partenaires ont réclamé mardi 156 millions de dollars pour aider à subvenir aux besoins des dizaines de milliers de réfugiés éthiopiens qui ont fui les combats dans la région du Tigré. Les fonds réclamés par le HCR doivent lui permettre, ainsi qu’à ses partenaires, de fournir leur aide pendant la première moitié de 2021.

Cet appel à une aide financière « doit aussi permettre de renforcer les préparatifs pour recevoir d’autres réfugiés dans d’autres pays de la région au cas où il y aurait d’autres mouvement de réfugiés », a déclaré le porte-parole du HCR, Andrej Mahecic, lorss d’une conférence de presse à Genève. Le plan régional de préparation et de réponse aux réfugiés pour la situation en Éthiopie (Tigré) touchera jusqu’à 115.000 réfugiés et 22.000 personnes des communautés d’accueil. Il vise à aider les gouvernements du Soudan, de Djibouti et de l’Érythrée à maintenir et à faciliter l’accès à l’asile et à fournir une assistance vitale à ceux qui ont été contraints de fuir.

Pour l’heure, seulement 30% - soit 46 millions de dollars - des fonds nécessaires aux opérations d’aide aux réfugiés ont été reçus par le HCR et ses partenaires, pour la réponse en cours. Un déficit de financement alors que près de 52.000 personnes ont fui le Tigré pour l’est du Soudan ces six dernières semaines, selon le dernier décompte établi par l'agence onusienne.

Bien que le nombre de nouveaux arrivants soit récemment tombé à quelque 500 par jour, les organismes d’aide font face à une urgence humanitaire de grande ampleur dans une région très isolée qui n’a pas connu un afflux de réfugiés aussi important depuis des décennies.