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Les phénomènes météorologiques extrêmes aggravent l’impact de la Covid-19, selon l'OMM

Aux États-Unis, les plus grands incendies jamais enregistrés se sont produits à la fin de l’été et en automne. Ici à Klamath National Forest en Californie, aux Etats-Unis
Unsplash/Matt Howard
Aux États-Unis, les plus grands incendies jamais enregistrés se sont produits à la fin de l’été et en automne. Ici à Klamath National Forest en Californie, aux Etats-Unis

Les phénomènes météorologiques extrêmes aggravent l’impact de la Covid-19, selon l'OMM

Climat et environnement

Le changement climatique a continué sa progression inexorable pendant l’année 2020, qui est en passe de devenir l’une des trois années les plus chaudes jamais constatées. La décennie 2011-2020 sera la plus chaude jamais observée et les six années écoulées depuis 2015 sont les plus chaudes qui ont été enregistrées, d’après l’Organisation météorologique mondiale (OMM). 

Selon le rapport provisoire de l’OMM sur l’état du climat mondial en 2020, le réchauffement océanique bat des records et plus de 80% des océans ont subi une vague de chaleur en 2020. Cette situation a de graves répercussions sur les écosystèmes marins, qui souffrent déjà de l’acidification des eaux due à l’absorption du dioxyde de carbone (CO2).

Ce rapport, qui repose sur les contributions de dizaines d’organisations internationales et d’experts, montre comment les phénomènes à fort impact, dont la chaleur extrême, les incendies et les inondations, de même que la saison record des ouragans dans l’Atlantique, ont touché des millions de personnes, amplifiant les menaces que la pandémie de Covid-19 fait peser sur la stabilité économique ainsi que sur la santé et la sécurité humaines.

Il montre aussi que, malgré le confinement lié à la Covid-19, les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter. La longue durée de vie du CO2 dans l’atmosphère condamne ainsi de nombreuses générations futures à subir un réchauffement supplémentaire.

« La température moyenne mondiale en 2020 devrait être supérieure d’environ 1,2 °C à sa valeur préindustrielle (période 1850-1900). Il y a au moins une chance sur cinq qu’elle dépasse temporairement 1,5 °C d’ici 2024 », a déclaré le Secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas.

« 2020 a malheureusement été une autre année extraordinaire pour notre climat. Nous avons relevé de nouvelles températures extrêmes sur terre, sur mer et surtout dans l’Arctique. Les feux de forêt ont ravagé de vastes zones en Australie, en Sibérie, sur la côte ouest des États Unis et en Amérique du Sud. Leurs panaches de fumée se sont dispersés tout autour du globe. Nous avons vu un nombre record d’ouragans dans l’Atlantique, y compris, en novembre, des ouragans successifs de catégorie 4 d’une violence sans précédent en Amérique centrale. Les inondations dans certaines régions d’Afrique et d’Asie du Sud-Est ont entraîné des déplacements massifs de population et ont compromis la sécurité alimentaire de millions de personnes », a-t-il expliqué.

Anomalies de température par rapport à la moyenne à long terme 1981-2010 d’après la réanalyse ERA5 du CEPMMT pour la période janvier-octobre 2020
Source : ERAS
Anomalies de température par rapport à la moyenne à long terme 1981-2010 d’après la réanalyse ERA5 du CEPMMT pour la période janvier-octobre 2020

Chaleur et températures

De janvier à octobre 2020, la température moyenne mondiale a été supérieure d’environ 1,2 °C à celle de la période de référence 1850-1900. L’année 2020 sera très probablement l’une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées sur la planète. C’est en 1850 qu’ont débuté les relevés systématiques de température.

2020 se place au deuxième rang des années les plus chaudes enregistrées à ce jour, après 2016 et avant 2019. La différence entre les trois années les plus chaudes est cependant faible et le classement exact pourrait changer une fois que des données seront disponibles pour l’année entière.

La chaleur la plus remarquable a été observée en Asie du Nord, en particulier dans l’Arctique sibérien, où les températures ont été supérieures de plus de 5 °C à la moyenne. C’est fin juin que la chaleur sibérienne s’est montrée la plus forte. On a ainsi relevé 38,0 °C à Verkhoyansk le 20 de ce mois, ce qui est provisoirement la température la plus élevée constatée au nord du cercle arctique. La saison des incendies correspondante a été la plus active de ces 18 dernières années, d’après les estimations des émissions de CO2 résultant des incendies.

Depuis le milieu des années 1980, le réchauffement de l’Arctique a été au moins deux fois plus rapide que la moyenne mondiale, accentuant la longue tendance à la diminution de l’étendue de la banquise arctique en été, avec pour conséquence des répercussions sur le climat aux latitudes moyennes.

La banquise arctique a atteint en septembre son minimum annuel, classé au deuxième rang des moins étendus en 42 ans d’observations satellitaires. Par ailleurs, elle n’a jamais été observée si amenuisée en juillet et octobre qu’en 2020. 

En mer de Laptev, l’étendue de la banquise a été exceptionnellement faible au printemps, en été et en automne, et la route maritime du Nord a été libre de glace, ou presque, de juillet à octobre 2020.

Le Groenland a continué de perdre de sa masse, bien qu’à un rythme plus lent qu’en 2019. Ainsi, 152 Gt de glace y ont fondu cette année.

Élévation du niveau de la mer et réchauffement océanique

D’après le rapport, le contenu thermique des océans n’a jamais été aussi élevé qu’en 2019. Il apparaît que la chaleur est absorbée de plus de plus rapidement ces dernières décennies. Les océans stockent plus de 90 % de l’énergie excédentaire qui s’accumule dans le système climatique en raison de l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre.

En moyenne, depuis le début de l’année 1993, le rythme moyen mondial d’élévation du niveau de la mer s’élève à 3,3 ± 0,3 mm/an. Ce rythme s’est aussi accéléré depuis cette année-là, la principale raison étant la perte accrue de masse glaciaire des inlandsis.

Comme les terres émergées, les eaux océaniques proches de la surface peuvent subir des vagues de chaleur extrêmes qui produisent toute une série d’impacts sur la faune et la flore marines et les communautés qui en sont tributaires. 

Une grande partie de la surface océanique a connu au moins une vague de chaleur «forte» à un moment donné en 2020. En mer de Laptev, la vague de chaleur marine a atteint la catégorie «extrême» de juin à octobre. L’étendue des glaces de mer a été exceptionnellement faible dans la région et les zones terrestres adjacentes ont également connu des vagues de chaleur pendant l’été.

Les océans absorbent environ 23% des émissions atmosphériques annuelles de CO2 d’origine anthropique, ce qui contribue à atténuer les effets du changement climatique sur la planète. On a observé une baisse du pH moyen sur les sites d’observation opérationnels entre 2015 et 2019 , et selon d'autres sources, une augmentation constante de l’acidification des océans au plan mondial.

Vue aérienne de maisons détruites et submergées par des inondations causées par un typhon au Vietnam.
UNICEF/UN0354393/Pham/AFP-Services
Vue aérienne de maisons détruites et submergées par des inondations causées par un typhon au Vietnam.

Les inondations ont touché des millions de personnes dans le monde

De graves inondations ont touché plusieurs millions de personnes en Afrique de l’Est et au Sahel, en Asie du Sud, en Chine et au Vietnam.

En Afrique, ce sont le Soudan et le Kenya qui ont été les plus frappés, avec 285 décès signalés au Kenya et 155 au Soudan. Les inondations ont également contribué à une invasion de criquets pèlerins. 

En  l’Asie du Sud, l’Inde a connu l’une des deux saisons de mousson les plus arrosées depuis 1994, le mois d’août a été le plus humide jamais enregistré au Pakistan, et des inondations généralisées se sont produites dans toute la région.

En Chine, les fortes précipitations persistantes dans le bassin du Yangtsé pendant la mousson ont également provoqué de graves inondations. On estime que les pertes économiques ont dépassé 15 milliards de dollars et au moins 279 décès ont été signalés au cours de cette période.

L'une des zones les plus touchées par les risques naturels extrêmes est le Couloir de la sècheresse d'Amérique centrale, où les sécheresses récurrentes, les pluies excessives et de graves inondations affectent la production agricole.
FAO
L'une des zones les plus touchées par les risques naturels extrêmes est le Couloir de la sècheresse d'Amérique centrale, où les sécheresses récurrentes, les pluies excessives et de graves inondations affectent la production agricole.

Chaleur, sécheresse et incendies

Dans l’intérieur de l’Amérique du Sud, une grave sécheresse a concerné de nombreuses régions en 2020, les zones les plus touchées étant le nord de l’Argentine, le Paraguay et les régions frontalières de l’ouest du Brésil. Les pertes agricoles ont été estimées à près de 3 milliards de dollars rien qu’au Brésil. 

Aux États-Unis, les plus grands incendies jamais enregistrés se sont produits à la fin de l’été et en automne. Une sécheresse généralisée et une chaleur extrême ont contribué à leur déclenchement, et la période de juillet à septembre a été la plus chaude et la plus sèche jamais enregistrée dans le sud-ouest du pays. Le 16 août, on a enregistré dans la vallée de la Mort, en Californie, la température mondiale la plus élevée depuis au moins 80 ans: 54,4 °C.
Les Caraïbes ont connu des vagues de chaleur importantes en avril et en septembre. Des records de chaleur ont aussi été battus en Australie début 2020, y compris celui de la température la plus élevée observée dans une zone métropolitaine australienne, à savoir 48,9 °C le 4 janvier à Penrith, dans l’ouest de Sydney.

L’Europe a subi sécheresse et vagues de chaleur, bien que celles-ci n’aient généralement pas été aussi intenses qu’en 2019. 

Des dégâts causés par le cyclone Amphan dans l'est de l'Inde.
Photo : WB State Inter Agency Group on Disaster Management
Des dégâts causés par le cyclone Amphan dans l'est de l'Inde.

Cyclones tropicaux et tempêtes

En 2020, le nombre de cyclones tropicaux dans le monde a été supérieur à la moyenne: au 17 novembre, 96 cyclones ont été enregistrés pour la saison 2020 de l’hémisphère Nord et la saison 2019/20 de l’hémisphère Sud. 
L’Atlantique Nord a connu une saison exceptionnellement active, avec 30 cyclones tropicaux au 17 novembre, soit plus du double de la moyenne à long terme (1981-2010).

La saison complète a battu le record établi en 2005.  Deux ouragans de catégorie 4 ont touché terre en Amérique centrale en moins de deux semaines en novembre, provoquant des inondations dévastatrices et faisant de nombreuses victimes. 

Le cyclone Amphan, qui a touché terre le 20 mai près de la frontière entre l’Inde et le Bangladesh, a été le cyclone tropical le plus coûteux jamais enregistré dans le nord de l’océan Indien. L’Inde a ainsi fait état de pertes économiques avoisinant les 14 milliards de dollars. 

Une distribution de nourriture par le Programme alimentaire mondial dans un camp de déplacés au Soudan en 2018.
Photo OCHA/Sari Omer
Une distribution de nourriture par le Programme alimentaire mondial dans un camp de déplacés au Soudan en 2018.

Risques et impacts

Environ 10 millions de déplacements, en grande partie dus à des risques et des catastrophes hydrométéorologiques, ont été enregistrés au cours du premier semestre de 2020, principalement en Asie du Sud et du Sud-Est et dans la corne de l’Afrique. En 2020, la pandémie de Covid-19 a ajouté une dimension supplémentaire aux préoccupations relatives à la mobilité humaine.

Elle a également représenté un risque de plus lors des opérations d’évacuation, de rétablissement et de secours en lien avec des phénomènes à fort impact. Aux Philippines, par exemple, bien que plus de 180.000 personnes aient été évacuées de manière préventive avant le passage du cyclone tropical Vongfong (Ambo) à la mi-mai, il n’a pas été possible de transporter les résidents en grand nombre ni de remplir les centres d’évacuation au-delà de la moitié de leur capacité à cause des mesures de distanciation sociale. 

Après des décennies de déclin, la récente augmentation de l’insécurité alimentaire observée depuis 2014 est due aux conflits et au ralentissement économique ainsi qu’à la variabilité du climat et aux phénomènes météorologiques extrêmes.

Selon les dernières données de la FAO, en 2019, près de 690 millions de personnes, soit 9% de la population mondiale, ont été sous alimentées et environ 750 millions de personnes ont connu de graves problèmes d’insécurité alimentaire. Le nombre d’individus classés comme étant en situation de crise, d’urgence et de famine a augmenté pour atteindre près de 135 millions dans 55 pays.

Selon le FMI, le Fonds monétaire international,  la récession mondiale causée actuellement par la pandémie de Covid-19 complique l’adoption des politiques d’atténuation nécessaires, mais elle offre également la possibilité de stimuler les investissements dans des infrastructures publiques écologiques et résistantes afin de mener l’économie sur une voie plus respectueuse de l’environnement tout en soutenant le PIB et l’emploi pendant la phase de reprise.