L'actualité mondiale Un regard humain

Mines antipersonnel : le Sahel central parmi les zones les plus touchées

Une recherche visuelle de mines terrestres à Mehaires, au Sahara occidental.
Photo : ONU/Martine Perret
Une recherche visuelle de mines terrestres à Mehaires, au Sahara occidental.

Mines antipersonnel : le Sahel central parmi les zones les plus touchées

Paix et sécurité

Le nombre de victimes de mines antipersonnel dans le monde reste élevé mais a largement diminué en 2019, selon le nouveau rapport annuel de l’Observatoire des mines, qui fait état de plus de 5.500 morts dans le monde l’année dernière, dont 345 au Mali.

De près de 6.900 en 2018, le nombre de victimes a atteint environ 5.500 en 2019, dont 2.900 en raison d’engins improvisés, affirme ce rapport publié jeudi, lors d’une conférence de presse organisée à Genève par l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR). Du niveau annuel le plus bas noté il y a sept ans, le nombre de personnes tuées ou blessées a régulièrement augmenté, avant de reculer à nouveau déjà en 2018.

Malgré cette nouvelle baisse, le niveau reste « très élevé », a fait remarquer l’Observatoire des mines. Les civils constituent 80% des victimes et les enfants représentent près de la moitié de toutes les victimes civiles (43%).

« Il est épouvantable que près de la moitié des victimes soient des enfants. Nous devons agir maintenant pour inverser cette tendance, sauver des vies, et faire face aux traumatismes et aux souffrances en fournissant une assistance indispensable » a déclaré Loren Persi, rédacteur de la section « Impact » de l’Observatoire des mines.

Les mines et engins improvisés ont tué ou blessé l’année dernière dans une cinquantaine de pays et territoires. Les cinq Etats qui ont déploré le plus de victimes en 2019 sont l’Afghanistan (1.538 morts), le Mali (345), l’Ukraine (324), le Yémen (248), et le Nigéria (239).

Hausse des incidents causés par des IED au centre du Mali

S’agissant de la situation dans le Sahel central, le rapport montre que le Mali a la particularité de connaître une dissémination d’engins explosifs improvisés (IED) sur ses routes. Ces engins visent essentiellement la destruction de véhicules ou de charrettes. « Le Mali a confirmé une contamination par les mines anti-véhicules depuis 2017. Il a subi une augmentation significative des incidents causés par des IED, y compris des mines improvisées, dans le centre du pays », explique le rapport.

Selon le rapport, le Service de l’action antimines des Nations Unies (UNMAS) a signalé à l’Observatoire que les mines improvisées au Mali sont activées au moyen de plateaux à pression ou de pièges métalliques. Au moins cinq des victimes civiles enregistrées dans ce pays en 2019 sont survenues lors d’incidents où elles se trouvaient sur une charrette à traction animale, contre 25 en 2018.

En 2019, comme ce fut le cas ces dernières années, seuls des véhicules ont été impliqués dans des incidents liés aux mines au Mali et aucune victime n’est survenue alors que les individus étaient à pied. Il en a été de même au Burkina Faso en 2019. « Ces mines improvisées qui ont fait des victimes au Mali et au Burkina Faso auraient agi de facto comme des {mines anti-véhicules} », souligne le document.

Par ailleurs, l’Observatoire rappelle qu’au Burkina Faso, l’utilisation d’IED par des groupes armés non étatiques est signalée depuis 2016. Les mines anti-véhicule improvisées actionnées par pression sont de plus en plus utilisées depuis 2018. En 2019, 21 civils sont morts et 14 ont été blessés par ces engins.

« Des mines improvisées utilisant des plaques de pression ont également été enregistrées, avec des attaques armées persistantes dans les régions du nord et de l’est depuis 2018 », précise le rapport.

Des actes de groupes armés au Sahel central et au Nigéria

Toujours en Afrique de l’Ouest, c’est désormais Nigéria qui est une source de préoccupation pour l’Observatoire. Même si Abuja a déclaré en novembre 2011 lors de la onzième Conférence des États parties, qu’il avait retiré de son territoire toutes les mines antipersonnel connues, des incidents sont rapportés depuis 2017.

« Des incidents impliquant des victimes civiles et militaires ont été signalés, à la suite de la pose de mines terrestres et d’une série d’autres engins explosifs produits localement par Boko Haram dans le nord-est du pays, en particulier dans les États de Borno, Yobe et Adamawa », détaille le rapport.

Plus largement, des allégations faisant état de l’arrivée de nouvelles mines antipersonnel aux mains des groupes armés non étatiques qui combattent au Nigéria, mais aussi au Mali, au Niger et au Burkina Faso, n’ont pu être « confirmées », précise l’Observatoire des mines. D’autres allégations non-confirmées sont relatives à des groupes armés non-étatiques au Cameroun, au Tchad, en Égypte, en Somalie, en Tunisie, mais aussi en Syrie, aux Philippines, en Turquie, et au Yémen.

Le Myanmar est le seul Etat à utiliser des mines antipersonnel depuis mi-2019

Seul un Etat, le Myanmar, a utilisé des mines antipersonnel depuis mi-2019. Ce pays d’asie du Sud-Estil n’est pas l’un des 164 Etats partie au traité d’interdiction. Des groupes armés non-étatiques ont eux recouru à ces armes dans au moins six pays : Afghanistan, Colombie, Inde, Libye, Myanmar, et Pakistan.

En outre, « dans certains incidents, il n’est pas toujours possible de savoir si l’engin impliqué était un IED commandé à distance qui n’a pas été utilisé ou s’il s’agissait d’une mine activée à dessein. L’impact en termes de pertes est impossible à distinguer ».

Et si de vastes régions en ont été débarrassées grâce aux opérations de dépollution financées par la communauté internationale, notamment en Afghanistan, au Cambodge ou en Iraq, ces armes restent largement disséminées. Au total, une trentaine d’Etats restent contaminés. Parmi eux, seuls six semblent pouvoir être libérés de mines antipersonnel dans les délais prévus d’ici 2025. « Autre problème, la pandémie a rendu difficile l’accès des rescapés et des personnes handicapées aux prestations liées à leur assistance », a montré le rapport.

Sur un autre plan, ce sont au moins 156 kilomètres carré de terres, qui ont été déminées en 2019. Plus de 123.000 mines antipersonnel ont été aussi détruites, un chiffre en augmentation depuis 2018. Plus de 269.000 qui étaient stockées ont aussi été éliminées en 2019 par les Etats parties, portant le total à plus de 55 millions.

Parallèlement, l’Observatoire des mines a listé 12 États comme producteurs de mines car ils n’ont toujours pas renié la possibilité d’une production future : la Chine, la Corée du Nord, la Corée du Sud, Cuba, les États-Unis, l’Inde, le Myanmar, le Pakistan, la Russie, Singapour et le Vietnam.