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La Covid-19 sape le commerce maritime mondial et transforme ce secteur (ONU)

Navires porte-conteneurs dans un port de Seattle, États-Unis.
Unsplash/Andy Li
Navires porte-conteneurs dans un port de Seattle, États-Unis.

La Covid-19 sape le commerce maritime mondial et transforme ce secteur (ONU)

Développement économique

La pandémie de Covid-19 ébranle le transport maritime mondial et jette les bases d’une transformation du secteur et des chaînes d'approvisionnement qu’il dessert, selon un rapport de la CNUCED, qui prévoit un retour à des taux de croissance positifs en 2021.

Le commerce maritime mondial accusera une baisse de 4,1% en 2020 en raison des perturbations sans précédent causées par la Covid-19, selon les estimations que la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement(CNUCED) a publié jeudi dans son Étude sur les transports maritimes 2020. 

Ce rapport précise que si de nouvelles vagues de la pandémie venaient à nouveau perturber les chaînes d'approvisionnement et les économies, on pourrait alors assister à un déclin plus marqué du secteur.

La pandémie a provoqué des ondes de choc sur les chaînes d'approvisionnement, les réseaux de transport maritime et les ports, entraînant une chute des volumes de fret et compromettant les perspectives de croissance.

Perspectives à court terme plutôt sombres

Selon le rapport, les perspectives à court terme du commerce maritime sont plutôt sombres. Prédire l’impact à long terme de la pandémie ainsi que la date et l’ampleur de la reprise du secteur est une tâche jalonnée d’incertitudes.

« L'industrie mondiale du transport maritime sera à la pointe des efforts en vue d'une reprise durable, en tant qu'élément essentiel du bon fonctionnement des chaînes d'approvisionnement internationales », a déclaré Mukhisa Kituyi, Secrétaire Général de la CNUCED. « Le secteur doit agir en acteur clé pour adapter la logistique "en flux tendu de manière efficace » et être prêt à faire face en cas de crise », a-t-il ajouté.

Sur l’hypothèse d’une reprise de la production économique mondiale, la CNUCED prévoit un retour à des taux de croissance positifs en 2021, avec une expansion de 4.8% du commerce maritime international.  Mais elle souligne aussi qu’il sera nécessaire que le secteur du transport maritime anticipe les changements pour s’adapter au monde nouveau qui émergera après la pandémie.

Des marins travaillant sur un navire porte-conteneurs à Johor Port, en Malaisie.

Réponses à la pandémie

Au plus fort de la crise, note le rapport, la chute des volumes est venue aggraver le déséquilibre structurel déjà caractéristique du secteur. Dès lors, les opérateurs de porte-conteneurs se sont avérés plus disciplinés, misant sur la rentabilité plutôt que sur leurs parts de marché. Ils ont ainsi réduit la capacité de charge déployée et minimisé les coûts.

Par conséquent, les taux de fret maritimes ont été maintenus à des niveaux stables en dépit d’une baisse de la demande. Pour les expéditeurs, les stratégies introduites par les armateurs ont entrainé une réduction de la capacité de transport offerte ainsi que des retards dans les délais de livraison.

Pour faire face aux perturbations liées à la pandémie, les acteurs du secteur maritime ont procédé à des ajustements dans leurs opérations, leurs finances, leurs protocoles sanitaires et sécuritaires ainsi que dans leurs méthodes et procédures de travail.

Les taux de fret maritimes ont été maintenus à des niveaux stables en dépit d’une baisse de la demande

En outre, plusieurs gouvernements, par l'intermédiaire de leurs agences de contrôle aux frontières, de leurs autorités portuaires et de leurs administrations douanières, ont engagé des réformes pour maintenir la fluidité des échanges commerciaux tout en assurant la sécurité des personnes.

« Les agents aux frontières, les employés portuaires et les douaniers jouent un rôle crucial pour maintenir les flux commerciaux, en nous aidant à traverser à travers la crise », a déclaré Dr Kituyi. « Il sera important d'évaluer les meilleures pratiques qui émergeront de leurs expériences pour renforcer la facilitation des échanges dans les années à venir ».

Où en est la mondialisation, la décarbonation ?

La Covid-19 a mis en évidence l'interdépendance entre les pays du monde, et a, par ailleurs, soulevé des questions existentielles au sujet de la mondialisation. Elle a aussi renforcé les positions contre les délocalisations vers des sites de production éloignés, dit le rapport.

La pandémie a soulevé plusieurs questions : celles liées au raccourcissement des chaînes d'approvisionnement, y compris les « délocalisations de proximité » qui réduiraient la dépendance à l’égard des modèles basés sur des flux tendus et des niveaux de stocks minimaux. La Covid-19 a également mis en avant le débat sur la diversification des sites de productions et des fournisseurs.

La pandémie a aussi révélé à quel point le monde semblait ne pas être suffisamment préparé pour affronter une telle crise, observe le rapport, soulignant l'urgence d'investir dans la gestion des risques et dans la réponse aux situations d’urgence dans le secteur du transport et de la logistique.

Selon le rapport, la pérennité des chaînes d'approvisionnement maritimes et la gestion des risques nécessitent une plus grande visibilité et une plus grande agilité dans les opérations de transport porte à porte.

La Directrice de la technologie et de la logistique de la CNUCED, Shamika N. Sirimanne, a déclaré : « La pandémie ne doit pas faire passer au second plan les mesures de lutte contre le changement climatique dans le transport maritime. Par conséquent, les politiques de relance post-Covid-19 doivent permettre de nouveaux progrès vers des solutions vertes et durables ».

En 2022, les marins sont toujours confrontés à des défis, comme les conflits mondiaux

« L’impulsion donnée aux efforts actuels pour lutter contre les émissions de carbone issues du transport maritime et pour accélérer la transition énergétique vers des combustibles non fossiles doit être maintenue », a-t-elle ajouté.

Accélérer la transition numérique

La pandémie a en outre renforcé les arguments en faveur de la numérisation et de l'élimination de la paperasserie dans le secteur du transport maritime, y compris dans les ports, observe le rapport. L’adoption de normes et l’interopérabilité des documentations électroniques deviennent incontournables.

De nombreuses mesures de facilitation des échanges commerciaux prises pendant la pandémie nécessitent des investissements supplémentaires dans la numérisation et l'automatisation. 

L'acceptation de copies numériques au lieu d'originaux sur papier, le traitement avant l'arrivée, les paiements électroniques et l'automatisation des douanes contribuent tous à dynamiser le commerce international.

En revanche, la pandémie a aussi révélé un accroissement des risques en matière de cybersécurité, en lien avec la numérisation, et qui pourraient paralyser les chaînes d'approvisionnement et les services associés au commerce maritime mondial.

Le rapport dénonce la crise humanitaire et de sécurité causée par la pandémie : plus de 300.000 marins se sont retrouvés bloqués en mer pendant des mois après la fin de leur contrat - une situation insoutenable tant pour le bien-être des marins que pour l'exploitation en toute sécurité des navires.

La CNUCED réitère son appel aux autorités pour qu'elles qualifient les marins de travailleurs essentiels et qu’à ce titre elles les exemptent des restrictions de voyage imposées pendant la Covid-19.