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Après la panique suscitée par la Covid-19, le Burkina Faso a repris son programme crucial de vaccination des enfants

Dans un centre de santé de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, Dre Marie Marcos, Spécialiste santé à l'UNICEF Burkina Faso, aide les infirmières à vacciner les enfants.
Roland Zongo/UNICEF
Dans un centre de santé de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, Dre Marie Marcos, Spécialiste santé à l'UNICEF Burkina Faso, aide les infirmières à vacciner les enfants.

Après la panique suscitée par la Covid-19, le Burkina Faso a repris son programme crucial de vaccination des enfants

Santé

Passé le moment de panique suscité par la pandémie de Covid-19 en début d’année, le Burkina Faso, avec le soutien du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a pris des mesures pour assurer la continuité du programme de vaccination des enfants à travers le pays.

« Nous avons eu notre premier cas de Covid-19 le 9 mars », raconte dans un entretien avec ONU Info, Dre Marie Marcos, spécialiste en santé maternelle et infantile originaire du Bénin qui gère l’unité santé de l’UNICEF au Burkina Faso. « Mais nous avons ressenti l’impact de la pandémie beaucoup plus tôt ». 

En effet, les pays producteurs de vaccins et le fret aérien international ont été affectés plus tôt par les mesures prises pour affronter la pandémie dans le monde. « N’ayant plus de fret international ou en nombre réduit, nous n’avons pas pu recevoir les vaccins qui devaient venir en janvier, en février, en mars », précise Dre Marcos, qui travaille depuis sept ans pour l’UNICEF, dont un an au Burkina Faso.

Autre défi dès que le premier cas de Covid-19 a été annoncé au Burkina Faso : la recrudescence des rumeurs anti-vaccination. Des rumeurs sont apparues sur les médias sociaux selon lesquelles toute vaccination cachait une vaccination contre la Covid-19 et qu’en réalité cela pouvait contaminer les gens. 

Il y a eu aussi la peur qui s’est installée, aussi bien du côté des utilisateurs que des prestataires, craignant les risques de contamination à l’hôpital. A cela se sont ajoutées les mesures de confinement et de distanciation physique. « Cela a dérouté tout le monde », se souvient Marie Marcos. « La quarantaine qui s’est installée dans des villes entières… Nous étions fermés à un moment donné ».

« La panique était vraiment généralisée », même dans les régions qui n’ont pas eu de cas de Covid-19, ajoute-t-elle. 

Dre Marie Marcos, Spécialiste santé à l'UNICEF Burkina Faso, discute avec des mères venues avec leurs enfants pour les faire vacciner dans un centre de santé de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso.
Roland Zongo/UNICEF
Dre Marie Marcos, Spécialiste santé à l'UNICEF Burkina Faso, discute avec des mères venues avec leurs enfants pour les faire vacciner dans un centre de santé de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso.

Onze vaccins administrés aux enfants au Burkina Faso

Tout cela a eu un impact sur le programme de vaccination des enfants soutenu par l’UNICEF. Onze vaccins sont administrés aux enfants au Burkina Faso, y compris les vaccins contre la polio, la rougeole, la fièvre jaune, la tuberculose. 

Les données parvenues à l’UNICEF ont montré une diminution de la couverture vaccinale, des milliers d’enfants ayant été privés de vaccins au 1er trimestre de cette année. « Cela était surtout marqué par la chute de la couverture vaccinale en mars, parce que le mois de mars a été le mois le plus dur en termes de discontinuité, de rupture des services, y compris des services de vaccination », explique l’experte de l’agence onusienne.

Cela n’a pas été partout et pour tous les vaccins tout de suite mais progressivement tous les vaccins ont remonté en couverture et tous les enfants ont commencé à pouvoir être atteint - Dre Marie Marcos, spécialiste en santé maternelle et infantile au bureau de l’UNICEF au Burkina Faso

Quand le gouvernement et l’UNICEF ont compris ce qui se passait, ils ont immédiatement réagi en donnant des directives aux gens concernant la Covid-19, en leur rappelant que la maladie était contagieuse « mais qu’en prenant des mesures de protection individuelle et collective, on pouvait continuer de fournir les services ».

Il n’y a pas eu d’arrêt complet des vaccinations des enfants au Burkina Faso. En mars aucun des vaccins n’a pu atteindre 100% des enfants mais dès avril, la remontée de la couverture a commencé à être observée. « Cela n’a pas été partout et pour tous les vaccins tout de suite mais progressivement tous les vaccins ont remonté en couverture et tous les enfants ont commencé à pouvoir être atteint », souligne Dre Marcos.

18.000 enfants pas vaccinés en mars

Il a été ainsi constaté qu’environ 18.000 enfants n’avaient pas été vaccinés en mars mais ils n’étaient plus que 4.000 en juin. « La couverture (vaccinale) ne fait que s’améliorer », souligne l’experte de l’UNICEF, qui note qu’un guide d’orientation a été élaboré par le pays sur la continuité des services, y compris la vaccination.

Le programme de vaccination a produit lui-même plusieurs documents sur la continuité de la vaccination tant dans les zones insécurisées que dans le contexte de la Covid-19. Des financements ont été mobilisés pour acheter du matériel et des équipements, auxquels s’ajoute un accompagnement par vidéoconférences. « Tout cela rassure le personnel et la tendance ne pourrait être qu’à l’amélioration pour le futur », estime Marie Marcos.

Elle s’est félicitée notamment de la réactivité du pays à une épidémie de paralysie flasque aiguë survenue dans la région du Centre-Est. « On a organisé une riposte », a-t-elle dit. Cette riposte a consisté à administrer oralement un vaccin à plus de 150.000 enfants âgés de 0 à 5 ans.

L’épidémie due au poliovirus, qui est un virus dérivé de la vaccination incomplète, est survenue en février. « On devait reprendre la riposte en mars et c’était le jour même où on allait partir sur le terrain que le confinement a été décrété », explique Dre Marcos. Pendant le confinement, les cas de paralysie flasque aiguë se sont multipliés. Il y a plus de 673 cas d’enfants paralysés à travers le pays.

Malgré la pandémie de Covid-19, une campagne a été lancée, partant du principe que la région affectée n’avait pas de cas de Covid jusque-là et que les enfants continuaient d’être paralysés. Il y avait également assez de financement « pour prendre en compte la prévention et le contrôle de l’infection à la Covid entre nous et les enfants à vacciner, et entre nous et les communautés », souligne l’experte de l’UNICEF. 

« Nous avons mis en place une communication suffisante pour informer les gens sur ce que nous faisons, pour leur dire que nous prenons en compte les mesures de Covid et que nous allons tout faire pour ressortir de cette région en vaccinant les enfants, en les protégeant mais en assurant qu’il n’y aurait aucun cas de Covid », ajoute-t-elle.

Au moment de l’entretien, cela faisait deux mois depuis que cette campagne porte-à-porte a été menée et il n’y a pas eu, jusque-là, de cas de Covid dans cette région. « Cela nous a beaucoup encouragé », dit Dre Marcos. Une campagne beaucoup plus grande est en préparation. Elle couvrira des millions d’enfants. Il y a désormais neuf régions touchées par cette épidémie.

Dre Marie Marcos, Spécialiste santé à l'UNICEF Burkina Faso.
Roland Zongo/UNICEF
Dre Marie Marcos, Spécialiste santé à l'UNICEF Burkina Faso.

Une grande leçon pour l’humanité

S’agissant des leçons à tirer de la pandémie de Covid-19, Dre Marie Marcos estime que la Covid-19 a été une grande leçon pour l’humanité entière, pour le système de santé en particulier, notamment le fait que les frontières ne sont pas si solides en réalité. Selon elle, cette pandémie « remet en cause toutes nos certitudes jusque-là acquises ». 

L’autre leçon qu’elle tire, c’est la réactivité positive et rapide face à la pandémie et qu’à toute situation on peut s’adapter. Cette réactivité a permis de rapidement cerner les défis qui se posaient. « Moi-même, j’ai été surprise qu’en moins de deux à trois mois nous avons pu remonter la pente de la couverture vaccinale », souligne-t-elle.

Elle estime aussi qu’il faut une communication assez globale, qui ne soit pas orientée que vers un seul groupe de cible. Il faut essayer de parler à chaque composante de la population, selon son niveau de compréhension et surtout selon les informations contradictoires qui peuvent arriver. 

Elle s’est aussi félicitée du partenariat très efficace avec les partenaires de la vaccination qui ont mis de l’argent dans la protection et le contrôle de l’infection à la Covid, ce qui a permis de renforcer les mesures de prévention et de rassurer les prestataires et même les utilisateurs.

« On a même distribué des masques aux mamans qui amenaient leurs enfants à la vaccination, on leur faisait se laver les mains, on leur donnait un  pain de savon », dit-elle. « En faisant ces gestes, nous les rassurons que réellement il y a un moyen qui, en étant respecté, peut réellement permettre de contrecarrer l’infection ».

Elle note enfin le soutien de la Banque mondiale qui a donné de l’argent pour la riposte à la Covid et a pris en compte les dégâts collatéraux de la pandémie en octroyant des fonds pour que les vaccins puissent continuer d’être achetés pour cette année.