L'actualité mondiale Un regard humain

Covid-19 : les droits humains sont un levier essentiel pour la riposte à la pandémie (ONUSIDA)

Un piéton portant un masque passe devant un étal informel dans la rue à Mexico pendant la pandémie de Covid-19.
Photo : ONU Mexico/Alexis Aubin
Un piéton portant un masque passe devant un étal informel dans la rue à Mexico pendant la pandémie de Covid-19.

Covid-19 : les droits humains sont un levier essentiel pour la riposte à la pandémie (ONUSIDA)

Santé

Les communautés les plus marginalisées et vulnérables du monde ont été victimes de violences et d'autres violations de leurs droits au début de la riposte à la pandémie de Covid-19, lésant des personnes, ébranlant leur confiance et retardant les réponses de santé publique, a déploré jeudi l’ONUSIDA en publiant un nouveau rapport sur l’impact des mesures de santé publique et des restrictions de mouvement liées à la Covid-19 sur les droits humains.

« C'est un mythe de penser qu'il peut y avoir un compromis entre les droits de l'homme et la santé publique », a déclaré la Directrice exécutive de l'ONUSIDA, Winnie Byanyima, ajoutant que « les droits de l'homme ne sont pas seulement intrinsèques, mais ils sont aussi le moyen même par lequel les gouvernements peuvent vaincre une pandémie avec succès ».

Le rapport, intitulé «Droits en temps de pandémie - confinements, droits et leçons du VIH en debut de riposte à la Covid-19 » [ Rights in a pandemic - Lockdowns, rights and lessons from HIV in the early response to COVID-19],  révèle des interruptions de services liés au VIH, des cas de violence, de harcèlement, d’agression, d’abus et des décès, ainsi que l’incapacité de nombreux gouvernements à respecter les droits humains aux premières heures de leur riposte à la pandémie et appelle ces derniers à protéger les populations les plus vulnérables, y compris celles les plus exposées au VIH.

Le rapport attire l'attention sur les expériences de certaines des communautés les plus marginalisées entre février et mi-mai 2020.  Il fait état de violations, dont l’usage de balles en caoutchouc, de gaz lacrymogène et de fouets par la police pour faire respecter la distanciation sociale, ou encore, des arrestations, des détention et des amendes pour non-respect du port du masque. 

Les personnes qui n’avaient pas les moyens de payer l’amende auraient été gardées plus longtemps en prison que celles pouvant s’en acquitter.

Des violations liées aux restrictions de mouvement

Le rapport mentionne également l’arrestation et la détention de médecins qui allaient ou revenaient d’un établissement de santé. 

Tweet URL

L’ONUSIDA a également reçu des témoignages sur des femmes enceintes qui sont mortes de ne pas avoir eu accès aux services de santé à cause de restrictions strictes de déplacement. 

« Certaines d’entre elles ont succombé en allant à pied à l’hôpital. Un témoignage porte sur un chauffeur de mototaxi battu à mort par la police alors qu’il emmenait à l’hôpital pendant le couvre-feu une femme en train d’accoucher », a précisé l’entité onusienne.

Augmentation des violences basées sur le genre

La sécurité pendant les périodes de confinement a été une préoccupation majeure, en particulier pour les personnes les plus touchées par le VIH, y compris les travailleurs du sexe, dont les revenus perdus n'étaient en grande partie pas admissibles à un soutien financier. 

La sécurité en période de confinement est une préoccupation majeure, en particulier pour les personnes les plus touchées par le VIH, y compris les femmes et les filles, les enfants et certaines populations, notamment la population LGBTI et les travailleurs et travailleuses du sexe qui ont vu leurs revenus reculer souvent sans être éligibles aux aides financières.

De nombreux pays ont signalé une augmentation de 40 à 70% des violences basées sur le genre, avec des pics encore plus importants dans certaines villes et régions. 

Des personnes transgenres ont été victimes de harcèlement et d’arrestations pour être sorties de chez elles le « mauvais jour » là où le sexe des individus jouait un rôle dans les mesures de confinement. 

L'ONUSIDA a réitéré que la violence à l'encontre de ces groupes et des femmes et des filles augmente la vulnérabilité au VIH.

Perturbations de l’accès au de traitement du VIH

Le nouveau rapport montre que les services de prévention et de traitement du VIH ont été perturbés dans 10 des 16 pays étudiés, avec un recul allant jusqu’à 20% de la collecte des médicaments dans certaines zones. 

De nombreux rapports ont signalé que des personnes vivant avec le VIH n’avaient pas assez d’antirétroviraux pour traverser un confinement de plus de 60 jours et que d’autres avaient arrêté leur traitement par manque de nourriture.
L'ONUSIDA a souligné que la pandémie de VIH ne doit pas être oubliée pendant cette crise. 

« La Covid-19 sera probablement avec nous pendant très longtemps », a déclaré Mme Byanyima. « Nous nous sommes engagés à défendre les plus vulnérables, même dans la situation difficile héritée de la Covid-19 ». 

Solidarité et lueurs d’espoir 

Mais tout n’est pas négatif, souligne toutefois l’ONUSIDA.

Là où les gouvernements ont coopéré avec la société civile et le secteur privé, les ripostes à la Covid-19 ont été plus positives et inclusives

Sur les 16 pays étudiés, 15 gouvernements ont libéré des personnes incarcérées afin de réduire la surpopulation carcérale et d’endiguer la transmission de la Covid-19.

Là où les gouvernements ont coopéré avec la société civile et le secteur privé, les ripostes à la Covid-19 ont été « plus positives et inclusives ». 

Dans certains pays, un transport gratuit a été mis en place pour permettre à la population de recevoir des soins médicaux d’urgence pendant le couvre-feu et dans d’autres, la police a distribué des masques plutôt que des amendes. 

Certains pays ont fourni un refuge temporaire aux personnes sans abri et de la nourriture aux personnes vivant dans des camps de déplacé-es. Alors que d’autres ont déclaré qu’il était interdit de couper l’eau à cause de factures impayées et ont imposé un moratoire sur les expulsions ou investi massivement dans l’aide alimentaire.

L’ONUSIDA a également reçu des témoignages de pays allongeant à 3 ou 6 mois la durée des ordonnances d’antirétroviraux ou encore proposant des livraisons de médicaments à domicile ou organisées par les communautés.

Au Lesotho, une femme tient dans sa main un médicament de traitement antirétroviral contre le sida pour sa petite-fille.
IRIN / Eva-Lotta Jansson
Au Lesotho, une femme tient dans sa main un médicament de traitement antirétroviral contre le sida pour sa petite-fille.

Un appel à l’action gouvernementale

Le rapport s'appuie sur le document « Les droits dans une pandémie », publié par l'ONUSIDA en mars, qui exhortait les pays à adopter une approche fondée sur les droits de l'homme pour répondre à la Covid-19 - conformément aux meilleures pratiques issues de 40 années de lutte contre le VIH.

« Nous allons utiliser ce rapport pour réunir les gouvernements, les communautés et les partenaires afin d’établir un dialogue et de trouver un moyen de réformer des lois, des règles et des pratiques néfastes en vue de protéger les droits humains », a conclu la cheffe de l’ONUSIDA.