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Égypte : des défenseurs des droits humains détenus exposés au risque de contamination à la Covid-19 (experts de l’ONU)

La ville du Caire (archives).
Photo Dominic Chavez/Banque mondiale
La ville du Caire (archives).

Égypte : des défenseurs des droits humains détenus exposés au risque de contamination à la Covid-19 (experts de l’ONU)

Droits de l'homme

Des experts des droits humains indépendants de l'ONU ont alerté lundi sur les risques d’exposition au coronavirus que courent des défenseurs des droits humains emprisonnés en Egypte.

La détention « provisoire prolongée et inutile » de dizaines de défenseurs des droits humains égyptiens les expose à des risques graves et inutiles pendant la pandémie de Covid-19, estiment 19 experts onusiens dans un communiqué commun.

« Il y a des allégations crédibles selon lesquelles certains défenseurs égyptiens ont été arbitrairement détenus, disparus de force ou torturés simplement pour avoir défendu les droits humains », a déclaré Mary Lawlor, l’une de ces expertes qui est Rapporteur spéciale sur la situation des défenseurs des droits humains. « L'Égypte doit libérer les défenseurs des droits humains emprisonnés et reconnaître le rôle vital qu'ils jouent dans la société », a-t-elle ajouté.

Il existe peu de statistiques publiques sur les décès liés à la Covid-19 dans les prisons égyptiennes. Les experts onusiens s'appuient donc sur des rapports tiers vérifiés de manière indépendante. « Avec peu de mesures de distanciation physique en place dans ces prisons, nous craignons que le nombre de morts puisse être beaucoup plus élevé que les cas jusqu'à présent corroborés », ont-ils déclaré.

Les défenseurs des droits humains détenus ont peu d'occasions de faire connaître leur état de santé, ont expliqué les experts, car ils n'ont pas la possibilité de contester individuellement les accusations dont ils font l'objet en vertu de la législation sur la sécurité nationale.

« La façon dont l'Égypte gère leur détention et leurs procès enfreint les normes internationales des droits humains », ont-ils déclaré. « De nombreuses audiences de renouvellement de la détention provisoire ont lieu en l'absence des accusés et des avocats. Lorsque les accusés sont transférés au tribunal, ils ont été jugés en grands groupes sans considération individuelle de leur situation personnelle ou médicale ».

« Ce que nous constatons, c'est le déni du droit à un procès équitable, à un moment où les autorités devraient redoubler d'efforts pour faciliter la libération des prisonniers détenus sans base juridique suffisante ou avec des conditions médicales préexistantes », ont-ils déclaré.

« L’accès indépendant aux informations sur le bien-être d’un détenu est primordial »

Les experts ont mis en lumière le cas d'Ibrahim Ezz El-Din, un défenseur du droit au logement et militant contre les expulsions illégales, qui a été victime d’une disparition forcée pendant 167 jours l'année dernière et qui aurait été torturé. Il est maintenant en prison, mais n'a pas pu demander une libération provisoire en raison de son état respiratoire préexistant.

« Aucune circonstance, quelle qu'elle soit, ne peut être invoquée pour justifier des disparitions forcées », ont rappelé les experts. « La pandémie entraîne un besoin accru de protection des défenseurs des droits humains, car il y a encore moins d'espace pour les victimes pour dénoncer les violations », ont-ils ajouté.

Ezz El Din n'est que l'un des nombreux défenseurs des droits humains dont la vie est de plus en plus menacée, ont déclaré les experts. C’est également le cas d’Esraa Abdel Fattah et de Sanaa Seif, toutes deux femmes défenseures des droits humains, et de Ramy Kamel, un défenseur de la minorité chrétienne copte. Selon les informations reçues, aucun d’entre eux n'a été autorisé à communiquer régulièrement avec sa famille ou son avocat.

« L’accès indépendant aux informations sur le bien-être d’un détenu est primordial », ont souligné les experts. « Il s'agit d'une mesure visant à réduire le risque de torture, de mauvais traitements et d'autres violations graves des droits de l'homme. Pendant une pandémie, cela devient encore plus vital ».

Les experts ont précisé qu'ils étaient en dialogue direct avec les autorités égyptiennes sur ces affaires et d'autres. Ils se sont engagés à suivre de près la situation.

Les experts sont : Mary Lawlor, Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme ; Agnès Callamard, Rapporteure spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ; Irene Khan, Rapporteure spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'expression ; Fionnuala D. Ní Aoláin, Rapporteure spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme ; Fernand de Varennes, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités ; Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur spécial sur les droits de réunion et d’association pacifiques ; les membres du Groupe de travail sur la détention arbitraire : Leigh Toomey (Présidente-Rapporteure), Elina Steinerte (Vice-Présidente), José Guevara Bermúdez, Seong-Phil Hong, Sètondji Adjovi,; Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; les membres du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires : Luciano Hazan (Président), Tae-Ung Baik (Vice-Président), Bernard Duhaime, Houria Es-Slami et M. Henrikas Mickevičius ; Diego García-Sayán, Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats ; Ahmed Shaheed, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction.

NOTE : 

Les Rapporteurs spéciaux font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand organe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit des situations nationales spécifiques, soit des questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire. Ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et servent à titre individuel.