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Burkina Faso : l’ONU engage une course contre la montre pour éviter une catastrophe de la faim

Le nord du Burkina Faso est confronté à une escalade de la violence depuis quelques années.
PAM/Simon Pierre Diouf
Le nord du Burkina Faso est confronté à une escalade de la violence depuis quelques années.

Burkina Faso : l’ONU engage une course contre la montre pour éviter une catastrophe de la faim

Aide humanitaire

Le Programme alimentaire mondial de l’ONU (PAM) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sont engagés dans une « course contre la montre » pour porter assistance au plus de 3,2 millions de personnes au Burkina Faso qui peinent actuellement à se nourrir.

« Le PAM fait une course contre la montre pour éviter une catastrophe de la faim », a déclaré Elisabeth Byrs, porte-parole de l’agence onusienne lors d’un point de presse ce vendredi à Genève, ajoutant que « la sécurité alimentaire s’aggrave considérablement ». 

Les deux agences onusiennes estiment qu’une action urgente et soutenue est nécessaire pour faire face à l’aggravation de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle dans ce pays pendant cette période de soudure. 

Phase d’urgence de l’insécurité alimentaire 

La dernière analyse du Cadre harmonisé montre d’ailleurs une augmentation de l’insécurité alimentaire aiguë de plus de 50% depuis la dernière évaluation de la situation faite en mars au Burkina Faso.  Deux provinces de la région du Sahel - Oudalan et Soum - sont entrées dans la phase d’urgence de l’insécurité alimentaire, telle que définie par le Cadre harmonisé.

Ces évaluations indiquent que plus de 11.000 personnes dans ces régions du nord, soit près de 3% de la population de ces provinces, connaîtraient des niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire aiguë. 

Elles seraient confrontées à des écarts de consommation alimentaire extrêmes, ce qui se traduirait également par des niveaux alarmants de malnutrition aiguë. 

Zore Yusef partage un repas avec un de ses enfants. Le conflit armé a forcé sa famille à fuir la région nord du Burkina Faso.
Photo : PAM/Marwa Awad
Zore Yusef partage un repas avec un de ses enfants. Le conflit armé a forcé sa famille à fuir la région nord du Burkina Faso.

Un million de personnes ont fui les violences

Un grand nombre des personnes les plus affectées ont abandonné leurs foyers en raison des attaques dans la région.

Pourtant au cours des deux dernières années, le PAM a continué à accroître son aide, pour faire face à l’aggravation de la crise humanitaire. En août, l’agence onusienne a prévu de venir en aide à 1,2 million de personnes. 

« Mais le financement est insuffisant par rapport aux besoins, ce qui risque de compromettre les efforts déployés pour sauver des vies », a alerté Mme Byrs. 

Le PAM estime avoir besoin d’urgence de 51 millions de dollars pour répondre rapidement aux besoins croissants dans ce pays. « Sans financement immédiat, le PAM n’aura pas d’autre choix que de commencer à réduire les rations alimentaires », a affirmé Mme Byrs.

Plus largement, l’agence onusienne estime que l’insécurité et les conflits - qui ont bouleversé la vie des gens - sont les principaux moteurs de la faim au Burkina Faso. Ils sont aggravés par les effets du changement climatique et l’impact socio-économique de la pandémie du nouveau coronavirus

Selon l’Agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR), les violences ont déjà poussé plus d’un million de personnes à fuir leur foyer au Burkina Faso, dont 453.000 depuis début 2020. 

« Plus d’un million de personnes ont fui leur foyer, les groupes armés se sont répandus dans tout le pays et le pays a connu une recrudescence des incidents de sécurité au cours des deux dernières années », a ainsi détaillé Mme Byrs.

« Nous constatons une détérioration alarmante de la sécurité alimentaire dans les régions les plus touchées du pays », a déclaré David Bulman, Représentant du PAM au Burkina Faso. « Nous devons prendre des mesures immédiates pour inverser cette tendance dans les deux provinces. Ce ne serait rien de moins qu’un désastre si l’avenir de toute une génération se retrouvait brisée par les effets conjugués des conflits, les déplacements et la faim ».

Les pays en développement comme le Burkina Faso pourraient avoir besoin d'un soutien supplémentaire de la communauté internationale à la suite de la pandémie de COVID-19.
© UNICEF/Vincent Tremeau
Les pays en développement comme le Burkina Faso pourraient avoir besoin d'un soutien supplémentaire de la communauté internationale à la suite de la pandémie de COVID-19.

Une crise exacerbée par l’impact de la Covid-19

Selon les experts, la crise a été exacerbée par l’impact de la Covid-19 sur la capacité des populations à gagner de l’argent pour couvrir leurs besoins quotidiens dans un pays déjà en proie aux conflits et au changement climatique.

« La pandémie de Covid-19 aggrave davantage une situation qui se détériorait déjà à un rythme inquiétant, poussant de plus en plus de personnes dans une crise alimentaire grave et une insécurité alimentaire aiguë », a déclaré Dauda Sau, Représentant de la FAO au Burkina Faso. 

Parmi les personnes les plus menacées, on compte les petits exploitants agricoles et les éleveurs. 

Certains agriculteurs n’ont pas pu récolter leurs champs et la plupart des personnes déplacées ne sont plus en mesure de cultiver. Si une aide humanitaire d’urgence pour sauver des vies et les moyens de subsistance est nécessaire pour répondre aux besoins immédiats. Il en va de même pour les investissements à long terme dans les moyens de subsistance et les services sociaux en milieu rural qui, selon les experts, peuvent contribuer à renforcer la cohésion sociale et à favoriser la paix. 

« Cette situation est dramatique dans un pays où 80% de la population vit de l’agriculture », a insisté la porte-parole du PAM.

Face à cette urgence humanitaire, l’agence onusienne fournit une aide alimentaire vitale aux personnes les plus touchées par l’insécurité alimentaire. 

L’autre volet de la réponse consiste à un soutien pour renforcer la résilience des communautés. Cela passe par la construction et la réhabilitation des biens, l’alimentation scolaire et des produits nutritifs spéciaux pour la prévention ainsi que le traitement de la malnutrition chez les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes.  

« Nous pouvons inverser cette tendance si nous agissons maintenant en soutenant le gouvernement pour protéger les moyens d’existence, augmenter rapidement la production et la disponibilité alimentaires locales, et aider les populations rurales à accéder à la nourriture », a ajouté M. Sau cité dans le communiqué.

Depuis 2018, le PAM a intensifié ses activités intégrées de résilience dans le pays. En 2019, le PAM a ainsi investi plus de 6 millions de dollars américain, contre 4,7 millions de dollars en 2017.

« Ce faisant, nous contribuons à renforcer la capacité des producteurs et des communautés locales à accroître leurs revenus et à améliorer leurs conditions de vie », a conclu la porte-parole du PAM.