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Le droit de réunion pacifique ne peut faire l’objet de restrictions générales, estime le Comité des droits de l’homme de l'ONU

Des manifestants rassemblés à Union Square à New York pour demander justice et pour protester contre le racisme aux États-Unis après le meurtre de George Floyd
ONU Info/Antonio Lafuente
Des manifestants rassemblés à Union Square à New York pour demander justice et pour protester contre le racisme aux États-Unis après le meurtre de George Floyd

Le droit de réunion pacifique ne peut faire l’objet de restrictions générales, estime le Comité des droits de l’homme de l'ONU

Droits de l'homme

Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a publié mercredi son interprétation du droit de réunion pacifique, rappelant que ce dernier est un droit fondamental ne pouvant faire l’objet de restrictions d’ordre général. 

Les membres du Comité ont publié un avis juridique complet, également appelé « observation générale », concernant l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) à propos du droit fondamental de réunion pacifique. Cet avis définit la portée de la réunion qui s’applique à la fois aux rassemblements physiques et à ceux organisés virtuellement ou en ligne. Il souligne aussi les obligations des gouvernements à cet égard. 

L’avis publié par le Comité intervient en pleine pandémie de Covid-19 et dans le contexte des manifestations contre le racisme organisées partout dans le monde. Selon les experts indépendants onusiens du Comité, les récents développements, dont le coronavirus, « ont créé des défis sans précédent » à la réalisation de l’article 21 du Pacte. « Les protestations mondiales en faveur de Black Lives Matter (la vie des Noirs comptent) ont souligné son importance », ont également relevé les membres du Comité.

Les références généralisées à l’ordre public ou à la sécurité publique, ou à un risque non spécifié de violence potentielle ne sont pas des motifs solides pour les gouvernements d’interdire les rassemblements pacifiques - Christof Heyns,  membre du Comité des droits de l’homme des Nations Unies

L’observation générale précise comment le terme de « réunion pacifique » doit être compris. Elle établit également des normes pour aider les 173 pays qui ont ratifié le PIDCP à remplir leurs obligations en vertu de cet instrument international. « Les références généralisées à l’ordre public ou à la sécurité publique, ou à un risque non spécifié de violence potentielle ne sont pas des motifs solides pour les gouvernements d’interdire les rassemblements pacifiques », a déclaré Christof Heyns, le membre du Comité qui a fait office de rapporteur pour la rédaction de l’observation générale. « Toute restriction à la participation à des réunions pacifiques devrait être fondée sur une évaluation différenciée ou individualisée de la conduite des participants. Des restrictions générales à la participation à des rassemblements pacifiques ne sont pas appropriées », a-t-il expliqué. 

Le droit de réunion pacifique constitue « le fondement même d’une société démocratique » 

L’observation générale du Comité a également fourni des orientations sur un certain nombre de questions soulevées lors des récentes manifestations. Elle précise notamment que les personnes participants à des rassemblements ont le droit de porter un masque ou une cagoule pour se couvrir le visage. Elle rappelle aussi aux gouvernements qu’ils « ne doivent pas recueillir de données personnelles pour harceler ou intimider les participants ». « Les gouvernements ne peuvent pas non plus bloquer les réseaux Internet ou fermer un site web en raison de leur rôle dans l’organisation ou la sollicitation d’une réunion pacifique », rappellent les experts onusiens. 

Le Comité a également déclaré que les gouvernements ont des « obligations positives » en vertu du Pacte pour faciliter les réunions pacifiques et protéger les participants contre les abus potentiels d’autres membres du public. Les Etats ont également des « devoirs négatifs », comme celui de ne pas interdire, restreindre, bloquer ou perturber les assemblées sans justification convaincante. 

« C’est un droit humain fondamental pour les individus de se joindre à une réunion pacifique pour s’exprimer, pour célébrer ou pour exprimer des griefs », a insisté M. Heyns. « Avec d’autres droits liés à la liberté politique, il constitue le fondement même d’une société démocratique, dans laquelle les changements peuvent être recherchés par la discussion et la persuasion, plutôt que par le recours à la force », a-t-il ajouté. 

Les travailleurs migrants et les demandeurs d’asile peuvent aussi exercer le droit de réunion pacifique

Plus largement, toute restriction de la participation à des assemblées pacifiques doit finalement être fondée sur une évaluation différenciée ou individualisée du comportement des participants. « Des restrictions générales à la participation à des assemblées pacifiques ne sont pas appropriées », a souligné M. Heyns. 

Par ailleurs, chaque personne, y compris les enfants, les ressortissants étrangers, les femmes, les travailleurs migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés, peut exercer le droit de réunion pacifique. Celle-ci peut prendre de nombreuses formes : « dans des espaces publics et privés, à l’extérieur, à l’intérieur et en ligne ». 

L’observation générale a également souligné le droit des journalistes et des observateurs des droits de l’homme de surveiller et de documenter toute assemblée, y compris les assemblées violentes et illégales. Ces derniers ne doivent pas faire l’objet d’actes de représailles ou d’autres formes de harcèlement, et leur matériel ne doit pas être confisqué ou endommagé. 

« Même si un rassemblement est déclaré illégal ou est dispersé, cela ne met pas fin au droit de le suivre et le surveiller », estiment les experts indépendants de l’ONU. 

Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies est composé de 18 experts qui surveillent la mise en œuvre du Pacte. L’observation générale est le premier grand instrument international qui a été rédigé en ligne, les experts n’ayant pas pu se réunir en personne en raison de la pandémie de Covid-19.