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Yémen : sans financement de l'aide humanitaire, l’ONU craint le spectre d'une famine et la propagation de la Covid-19

Des filles déplacées du camp d'Al-Mazraq au Yémen partagent un simple repas de pain et de légumes secs que leurs mères ont préparé (archives).
PAM/Abeer Etefa
Des filles déplacées du camp d'Al-Mazraq au Yémen partagent un simple repas de pain et de légumes secs que leurs mères ont préparé (archives).

Yémen : sans financement de l'aide humanitaire, l’ONU craint le spectre d'une famine et la propagation de la Covid-19

Aide humanitaire

Des agences humanitaires de l’ONU ont réitéré, vendredi, leur appel à soutenir d’urgence le Yémen où la situation est de plus en plus alarmante face à la progression de la pandémie de Covid-19.

Le porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a précisé que l’ONU et ses partenaires ont besoin de 2,4 milliards de dollars de financement jusqu’à la fin de l’année pour le Yémen, dont 180 millions pour la lutte contre le coronavirus. 

« Les agences de l’ONU et les ONG partenaires au Yémen recherchent 2,4 milliards de dollars pour les sept prochains mois (de juin à décembre) afin de maintenir une bouée de sauvetage humanitaire pour 19 millions de personnes dévastées par plus de cinq ans de conflit, de déplacements, de malnutrition, de maladies et un système de santé faible qui croule maintenant sous la pression de la pandémie de Covid-19 », a déclaré Jens Laerke, porte-parole d’OCHA lors d’une conférence de presse virtuelle à Genève.

« Si les opérations au Yémen ne sont pas financées, le spectre de la famine réapparaîtra, la Covid-19 et d’autres maladies mortelles comme le choléra, la dengue et le paludisme ravageront le pays, et d’autres personnes mourront », a mis en garde M. Laerke. Selon l’ONU, au moins une trentaine de programmes seront réduits ou fermés en l’absence des financements demandés.

360.000 enfants risquent de mourir sans un traitement contre la malnutrition

De nouvelles réductions de l’aide humanitaire font planer le spectre d’une famine au Yémen, où des millions de familles dépendent de l’aide alimentaire pour survivre. L’alimentation complémentaire pour 1,7 million d’enfants et de femmes enceintes sera réduite et près d’un quart de million d’enfants verront l’aide diminuer ou cesser si l’aide humanitaire n’est pas financée. Les services d’eau et d’assainissement dans les grandes villes du Yémen pourraient être interrompus, exposant des millions de personnes à des maladies d’origine hydrique comme le choléra.

Les équipes mobiles et les centres de traitement pour les enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère seront également obligés de réduire ou d’arrêter leurs services. « Des dizaines de milliers d’enfants seront en danger de mort imminent », a alerté le porte-parole d’OCHA.

Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) a, pour sa part, rappelé que les taux de malnutrition chez les femmes et les enfants au Yémen sont parmi les plus élevés au monde, avec plus d’un million de femmes et deux millions d’enfants nécessitant un traitement contre la malnutrition aiguë. Parmi ces enfants, environ 360.000 risquent de mourir sans traitement.

« Le PAM fait tout son possible pour s’assurer qu’aucun enfant ou mère ne soit laissé pour compte, car la Covid-19 représente une nouvelle menace pour les enfants du Yémen », a déclaré la porte-parole de l’agence onusienne, Elisabeth Byrs.

Par ailleurs, l’ONU estime que la pandémie de Covid-19 se propage rapidement à travers le pays, déjà confronté « à la plus grande crise humanitaire au monde, provoquée par un conflit qui ne faiblit pas ». Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 54 décès dus à la pandémie et 260 cas de contamination ont été recensées et la maladie touche 10 des 22 gouvernorats.

19.000 bénévoles mobilisés dans la lutte contre Covid-19

Face à l’évolution de l’épidémie de Covid-19, les agences onusiennes au Yémen s’appuient sur 19.000 bénévoles et personnes influentes de la communauté locale. Ces derniers sont mobilisés pour expliquer à des millions de personnes à travers le pays comment le virus est transmis et ce qui peut être fait pour arrêter sa propagation. En collaboration avec le secteur privé, les partenaires accélèrent l’achat, le transport et la distribution des fournitures pour lutter contre la Covid-19, notamment les équipements de protection individuelle, les concentrateurs d’oxygène, les lits de soins intensifs, les tests et les ventilateurs.

Le Yémen est en proie à une guerre meurtrière depuis 2014 entre les rebelles Houthis et les forces gouvernementales appuyées par une coalition menée par l’Arabie saoudite depuis 2015.

Avec la dégradation de la situation humanitaire, l’objectif du PAM est de s’assurer que des ressources nécessaires sont mobilisées afin « de maintenir l’aide vitale et d’empêcher que la Covid-19 ne dévaste le Yémen ». Car selon Mme Byrs, « une détérioration supplémentaire pourrait empêcher les enfants et les mères sous-alimentés d’avoir accès au soutien nutritionnel dont ils ont besoin ».

Pour l’agence humanitaire onusienne, les restrictions commerciales ont un impact sur la disponibilité des produits nutritionnels spécialisés. La fermeture des marchés intérieurs et d’autres restrictions qui ont un impact sur la capacité des familles à gagner leur vie et à accéder aux marchés. Et pour venir en aide aux plus vulnérables, le PAM a besoin de 200 millions de dollars par mois pour financer ses programmes au Yémen.

A noter que l’ONU et l’Arabie saoudite organiseront le 2 juin prochain une conférence virtuelle de collectes de fonds. L’objectif est de mobiliser 2,4 milliards de dollars nécessaires afin de venir en aide à plus de 19 millions de personnes dont 3,6 millions de déplacés internes au Yémen.