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Burundi : des experts de l'ONU exhortent les autorités à résoudre pacifiquement les tensions liées aux élections

Vue générale de la salle de l'Alliance des Civilisations qui abrite le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève (photo d'archives).
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
Vue générale de la salle de l'Alliance des Civilisations qui abrite le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève (photo d'archives).

Burundi : des experts de l'ONU exhortent les autorités à résoudre pacifiquement les tensions liées aux élections

Droits de l'homme

A l’approche des élections du 20 mai 2020, dont celle du Président de la République, la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi appelle les autorités et tous les responsables des partis politiques à redoubler d’efforts pour résoudre pacifiquement les tensions liées au scrutin.

« La Commission (…) s’inquiète du déroulement du processus électoral, marqué par des affrontements violents entre des membres des partis politiques en lice et de nombreuses arrestations d’opposants politiques », précise la déclaration publiée aujourd’hui par la Commission d’enquête de l’ONU sur le Burundi.

« Cela fait pourtant des mois que notre Commission alerte les autorités burundaises et la communauté internationale sur les risques d’une telle aggravation de l’intolérance et de la violence politique à l’approche des élections » a souligné le Président de la Commission, Doudou Diène.

Alarmée par les nombreux actes de violence et les violations des droits de l’homme lors de la campagne électorale pour les élections du 20 mai 2020, dont celle pour le Président de la République, la Commission d’enquête sur le Burundi appelle les autorités burundaises et tous les responsables des partis politiques à redoubler d’efforts pour résoudre pacifiquement les tensions liées aux élections.

Les membres de la Commission font valoir que ces élections sont la dernière étape de la mise en œuvre de la Constitution de 2018 et des pouvoirs présidentiels renforcés qu’elle prévoit. Ils rappellent, par exemple, que le mandat du Président est étendu à sept ans au lieu de cinq, et que celui-ci a de facto un droit de veto sur la promulgation des lois et que le Service national de renseignement est désormais placé sous son autorité directe sans contrôle du Parlement.

Le Président indique que la Commission a déjà par le passé souligné que le rétrécissement de l’espace démocratique et les nombreuses violations des libertés publiques étaient des facteurs de risque importants, tout comme le manque d’indépendance de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

La Commission est préoccupée que dans de telles conditions, le déroulement du scrutin ou la proclamation des résultats officiels des élections prévue le 4 juin 2020 puissent déclencher un nouveau cycle de violence politique encore plus grave.

Respect et protection des libertés publiques

Doudou Diène, Président de la Commission d’enquête du Burundi
ONU Info/Florence Westergard
Doudou Diène, Président de la Commission d’enquête du Burundi

« Nous appelons les Gouvernement du Burundi à enrayer immédiatement cette spirale de violence en prenant les mesures nécessaires pour garantir le respect et la protection des libertés publiques et mettre fin à l’impunité dont bénéficient les auteurs d’actes de violence, dont certains avec un haut niveau des responsabilité », a déclaré le Président de la Commission.

Doudou Diène a par ailleurs noté que « les responsables des partis politiques de tout bord ont la responsabilité de prévenir les actes de violence. A défaut, ils doivent être conscients qu’ils peuvent être tenus pénalement responsables de leurs actions ainsi que dans certaines circonstances de celles de leurs militants ».

Dans sa déclaration, la Commission a invité toutes les juridictions compétentes, y compris en dehors du système judiciaire burundais, à considérer l’ouverture des poursuites pénales contre les principaux responsables de violations graves et massives des droits de l’homme qui pourraient être commises dans le cadre du processus électoral en cours.

De plus, se référant à sa déclaration récente au sujet de la pandémie de la Covid-19, la Commission réitère sa préoccupation quant à « la décision des autorités burundaises de ne pas faire appliquer les recommandations de distanciation sociale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour empêcher la propagation du coronavirus lors de la campagne électorale ». La Commission regrette profondément la décision récente du Gouvernement burundais de déclarer persona non grata le Représentant de l’OMS dans le pays et trois de ses experts.

En conclusion, le Président de la Commission a relevé que « les élections du 20 mai 2020 ne pourront ouvrir une nouvelle ère de stabilité au Burundi que si le processus électoral est géré de manière pacifique et sécurisée, en toute transparence et indépendance afin que les résultats puissent être considérés comme crédibles et acceptés de tous.

La communauté internationale doit rester vigilante à la situation des droits de l’homme dans le contexte électoral au Burundi».

Le Dr Walter Kazadi Mulombo (2e à gauche), représentant de l'OMS au Burundi, lors du lancement officiel de la semaine de la mère et de l'enfant en 2019.
Photo : OMS/Burundi
Le Dr Walter Kazadi Mulombo (2e à gauche), représentant de l'OMS au Burundi, lors du lancement officiel de la semaine de la mère et de l'enfant en 2019.

Expulsion par le Burundi du représentant de l’OMS

L’OMS a réagi jeudi à l’expulsion de quatre de ses experts au Burundi.

« Tard hier, j’ai été informé par une note verbale de la décision du gouvernement du Burundi qui a demandé à notre représentant de l’OMS et à 3 membres du personnel de l’OMS (dont un consultant) de quitter le pays immédiatement », a ajouté la Dr Moeti.

Selon les médias, le ministère burundais des Affaires étrangères, dans une lettre adressée au bureau africain de l’OMS, a annoncé l’expulsion du représentant de l’organisation au Burundi, et de trois autres experts.

Nous avons vu certains pays organiser des élections avec des mesures appropriées en place, afin que cela puisse se faire - Dr Moeti. Directrice régionale de l'OMS pour l'Afrique 

« Ce que je veux dire, c’est que le Représentant, le Dr Walter Kazadi Mulombo est un membre de longue date du personnel de l’OMS, très respecté. C’est une personne extrêmement compétente qui est aussi un bon leader et un bon gestionnaire », a insisté la Cheffe du Bureau régional, ajoutant que l’OMS travaille avec le système des Nations unies dans le pays pour organiser le départ de son personnel.

En attendant, l’Agence est en communication avec le gouvernement du Burundi « pour clarifier et comprendre le raisonnement qui sous-tend la décision prise par Bujumbura ».

La branche africaine de l’OMS affiche sa volonté de continuer à collaborer avec le Burundi, surtout pour soutenir non seulement leur réponse à cette pandémie de Covid19, mais aussi pour aider à minimiser la maladie et la mort parmi les Burundais. Il s’agit aussi de continuer à collaborer avec le pays sur les nombreux autres problèmes et programmes de santé.

A noter que le Burundi n’a pour l’heure officiellement recensé que 27 cas positifs à la maladie Covid-19, dont un décès.

S’agissant des risques de propagation du virus avec l’élection présidentielle prévue le 20 mai prochain, l’OMS rappelle certains fondamentaux indispensables dans la lutte contre le coronavirus.

« Nous avons vu ce débat sur la tenue d’élections non seulement au Burundi, mais dans le monde entier. Nous avons vu certains pays organiser des élections avec des mesures appropriées en place, afin que cela puisse se faire », a relevé la Dr Moeti.

Mais selon elle, tout rassemblement de personnes doit être effectué avec des mesures de santé publique en place.

« L’une des principales mesures de prévention de la Covid-19 consiste à éviter les rassemblements de masse », a conclu la Cheffe du Bureau régional de l’OMS, prônant aussi le principe consistant à garder une distance partout où c’est possible et à encourager l’utilisation de barrières telles que des masques.