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Covid-19 : les femmes réfugiées et apatrides davantage menacées de violences en temps de crise (HCR)

Une femme déplacée est assise dans une tente de fortune avec ses deux petits-enfants dans le district de Wajaale en Somalie. Ils ont été forcés de quitter Haro-Sheikh en raison de la grave sécheresse.
© HCR/Mustafa Saeed
Une femme déplacée est assise dans une tente de fortune avec ses deux petits-enfants dans le district de Wajaale en Somalie. Ils ont été forcés de quitter Haro-Sheikh en raison de la grave sécheresse.

Covid-19 : les femmes réfugiées et apatrides davantage menacées de violences en temps de crise (HCR)

Santé

Les femmes et les jeunes filles déracinées et apatrides sont confrontées à une menace accrue de violences sexistes durant la pandémie de coronavirus, s'est alarmée lundi à Genève, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

« Le Covid-19 enlève des vies et bouleverse les communautés à travers le monde entier, mais le virus comporte également des risques majeurs en termes de protection pour les femmes et les jeunes filles contraintes de fuir leurs foyers », a déclaré Gillian Triggs, Haut-Commissaire adjointe du HCR chargée de la protection internationale.  

Les politiques de confinement et les mesures en quarantaine adoptées dans de très nombreuses parties du monde pour enrayer la propagation du Covid-19 ont entraîné une restriction des mouvements, la fermeture de nombreux services et l’aggravation des conditions socio-économiques.

Selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, ces facteurs augmentent considérablement les risques de violence conjugale au sein des couples.

« Certaines peuvent se retrouver confinées à domicile dans leur abri ou leur maison, piégées aux côtés de leurs agresseurs, sans aucune possibilité de prendre leurs distances ou de rechercher un soutien », a ajouté Mme Triggs. D’autres, notamment les femmes et les jeunes filles sans-papiers ou celles qui ont perdu leurs moyens d’existence précaires du fait des dégâts économiques infligés par le Covid-19, peuvent devoir recourir à la prostitution de survie ou subir un mariage précoce imposé par leur famille.

« Au sein des ménages, de nombreuses femmes sont également obligées d’assumer des charges accrues pour assurer les soins à autrui », a insisté la responsable du HCR.

Le HCR distribue des fonds d'urgence aux femmes plus à risque

Face au sort de ces personnes les plus à risque, « les portes ne doivent pas rester ouvertes aux auteurs d'abus et l'aide doit se concentrer sur les femmes victimes d'abus et de violence ».

« Nous devons accorder une attention urgente à la protection des femmes et des filles réfugiées, déplacées ou apatrides à l'heure de cette pandémie », a affirmé Mme Triggs.

Les portes ne doivent pas rester ouvertes aux auteurs d'abus et l'aide doit se concentrer sur les femmes victimes d'abus et de violence - Gillian Triggs (HCR)

Les risques accrus de violence contre les femmes déplacées doivent être pris en compte par les Etats dans leur réponse à la crise du coronavirus, a estimé Mme Triggs. Une des mesures peut être de s'assurer que les services destinés aux victimes de violences soient considérés comme essentiels et demeurent accessibles.

« Les victimes de ces violences ne doivent pas être privées d’accès à la justice » a fait valoir la Haut-Commissaire adjointe du HCR chargée de la protection.

Une façon de rappeler que toutes ces femmes et jeunes filles ont droit à une existence libre de toute forme de violence. « J’en profite pour réitérer le message du Secrétaire général des Nations Unies qui a incité tous les gouvernements à accorder la priorité à la santé des femmes et des jeunes filles dans leur réponse à la pandémie », a-t-elle dit.

Sur le terrain, les restrictions imposées par la plupart des pays en réponse à la pandémie de coronavirus entrainent un accès limité aux services de soutien, a observé le HCR. Pour contrer l'ensemble de ces risques, le HCR distribue des fonds d'urgence aux femmes considérées comme étant à risque concernant les violences.

Par ailleurs, du fait de la détérioration des conditions socio-économiques auxquelles sont déjà confrontés de nombreux pays d’accueil de réfugiés, le soutien des donateurs sera fondamental pour maintenir le fonctionnement des services essentiels pour la prévention et la réponse aux violences sexistes, notamment ceux dispensés par des organisations locales dirigées par des femmes.

Une fillette de 12 ans revient de l'école à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
Photo UNICEF/Loulou d'Aki
Une fillette de 12 ans revient de l'école à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

De nombreux féminicides signalés

En ces temps de crise du nouveau coronavirus, « les féminicides sont signalés avec une fréquence alarmante », s’est alarmé de son côté, lundi à Genève, le Groupe de travail de l’ONU sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, appelant à des mesures concrètes pour prendre en compte les besoins spécifiques des femmes.

Les experts indépendants onusiens estiment aussi que les femmes sont plus exposées à la violence domestique. Or dans le même temps, les centres d’accueil n’ont pas une capacité suffisante pour toutes les victimes qui ont besoin de protection.

« Les femmes sont particulièrement exposées, beaucoup d’entre elles étant en première ligne dans la lutte contre le Covid-19, fournissant des services médicaux et assurant le fonctionnement des communautés », a déclaré Meskerem Geset Techane, Présidente du Groupe. 

Elles sont représentées de manière disproportionnée dans les emplois précaires, informels et mal rémunérés, y compris le travail domestique, et ne bénéficient pas d’une protection sociale adéquate - Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles

Certaines femmes qui subissent déjà des discriminations risquent particulièrement d’être encore plus marginalisées. Les femmes autochtones, migrantes et âgées, ainsi que les femmes handicapées, manquent d’informations sur les stratégies de prévention et sur les moyens et les lieux d’accès aux services de santé.

Parmi les plus exposées à ce nouveau coronavirus, figurent des femmes pauvres et du monde rural, qui n’ont pas accès à l’eau potable à la maison. Elles sont donc obligées d’aller chercher de l’eau dans des espaces publics bondés.

Selon les experts, les femmes sont également plus exposées au risque de subir les chocs socio-économiques liés aux mesures visant à endiguer la pandémie.

« Car elles sont représentées de manière disproportionnée dans les emplois précaires, informels et mal rémunérés, y compris le travail domestique, et ne bénéficient pas d’une protection sociale adéquate », a ajouté Mme Geset Techane.

Dans ces conditions, les mesures de prévention doivent tenir compte des risques spécifiques auxquels sont confrontées les femmes et les filles. Il s’agit de facteurs tels que leur sexe, leur genre, leur âge, leur handicap, leur origine ethnique et leur statut d’immigration ou de résidence. Sinon, les experts redoutent que les nombreuses formes de discrimination auxquelles les femmes sont déjà confrontées soient exacerbées.

Les gouvernements doivent veiller à ce que les femmes de divers groupes et milieux soient incluses dans les décisions prises aux niveaux local, national et international pour faire face à la pandémie de Covid-19.

« En ce moment critique, les États doivent aussi s’assurer que les décisions politiques sont prises avec la participation égale et significative des femmes de divers groupes », a fait valoir l’experte indépendante de l’ONU.

Plus largement, la crise est l’occasion de s’attaquer aux inégalités et aux déficits structurels qui ont constamment freiné les femmes et de réimaginer et transformer les sociétés.

« Nous recommandons que la voix des femmes soit entendue et leur leadership reconnu, afin que les solutions qu’elles préconisent puissent être mises en œuvre », a conclu la Présidente du Groupe de travail de l’ONU sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles.