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Libye : l'attaque meurtrière à Tajoura en juillet dernier pourrait constituer un crime de guerre (ONU)

Le centre de détention de Tajoura, dans la banlieue de la capitale libyenne Tripoli, après une frappe aérienne le 2 juillet 2019.
Photo MANUL/Georg Friedrich
Le centre de détention de Tajoura, dans la banlieue de la capitale libyenne Tripoli, après une frappe aérienne le 2 juillet 2019.

Libye : l'attaque meurtrière à Tajoura en juillet dernier pourrait constituer un crime de guerre (ONU)

Droits de l'homme

Les Nations Unies ont renouvelé lundi leur appel à toutes les parties au conflit libyen pour que la reddition des comptes soit établie concernant les frappes aériennes meurtrières menées l’été dernier à Tajoura, près de la capitale Tripoli.

Le 2 juillet 2019, deux frappes aériennes ont touché un complexe sous le contrôle de la Brigade de Daman, un groupe armé allié au gouvernement libyen d’accord national (GNA). Au moins 53 migrants et réfugiés ont été tués par l’une des frappes aériennes qui a touché le hangar où ils étaient détenus.

Un rapport de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) rendu public lundi concorde avec les précédentes constatations de l'ONU selon lesquelles les frappes aériennes étaient probablement menées par des avions appartenant à un État étranger.

Le rapport note qu’« il n'est pas clair si ces moyens aériens étaient sous le commandement de l’ANL (Armée nationale libyenne sous le contrôle de Khalifa Haftar) ou étaient exploités sous le commandement de cet État étranger en l'appui de l'ANL ».

« L'attaque de juillet 2019 à Tajoura est un exemple tragique de la façon dont l'utilisation de la puissance aérienne est devenue une caractéristique dominante du conflit civil en Libye, et des dangers et des conséquences directes pour les civils de l'ingérence étrangère », a déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU dans le pays, Ghassan Salamé. « C'est pourquoi les engagements pris à Berlin le 19 janvier de mettre fin à une telle ingérence et de respecter l'embargo sur les armes imposé par l'ONU doivent prendre effet », a souligné celui qui dirige la MANUL.

Toutes les parties au conflit libyen connaissaient l'emplacement et les coordonnées exactes du centre de détention de Tajoura, qui avait précédemment été touché par une frappe aérienne en mai 2019. Dans son rapport, l’ONU appelle toutes les parties, en particulier le GNA et l’ANL, ainsi que tous les États soutenant l'une ou l'autre des parties, à mener des enquêtes sur les frappes aériennes en vue de garantir la poursuite rapide des responsables devant la justice.

« Comme je l'ai dit précédemment, l'attaque de Tajoura, selon les circonstances précises, peut constituer un crime de guerre », a déclaré la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet. « Les Libyens, les migrants et les réfugiés sont piégés par la violence et les atrocités qui sont à leur tour alimentées par l'impunité. Les coupables de crimes au regard du droit international doivent être tenus responsables », a dit Mme Bachelet.

Selon le rapport, la Brigade de Daman n’a ni éloigné les détenus de la cible militaire potentielle ni déplacé des objets militaires qui étaient positionnés près du centre de détention où se trouvaient les migrants et réfugiés. Bien que le centre de détention ait déjà été touché par des frappes aériennes par le passé, cela équivaut probablement à une violation par la Brigade de Daman et le gouvernement d’accord national de leur obligation de prendre toutes les mesures possibles pour protéger les civils sous leur contrôle contre les effets des attaques, indique le rapport.

Cependant, cet échec « n'exonère en rien » la partie responsable de la frappe aérienne de ses propres obligations en vertu du droit international humanitaire de respecter les principes de distinction, de proportionnalité et de précautions en cas d'attaque, souligne l’ONU.

L’ONU demande la fermeture des centres de détention des migrants et réfugiés

Le rapport exhorte également les autorités libyennes responsables à fermer tous les centres de détention des migrants et réfugiés et à veiller à ce que ceux libérés reçoivent une protection et une assistance rapides.

Fin décembre 2019, quelque 3.186 personnes étaient détenues dans des centres de détention pour migrants sans procédure régulière et dans des conditions ne respectant pas les normes minimales internationales. Actuellement, environ 2.000 migrants sont exposés ou se trouvent à proximité des combats dans et autour de Tripoli.

L'ONU a demandé à plusieurs reprises la fermeture de tous les centres de détention pour migrants en Libye, où le personnel des droits de l'homme des Nations Unies a documenté une surpopulation grave, des actes de torture, des mauvais traitements, du travail forcé, des viols et une malnutrition aiguë, entre autres graves violations des droits de l'homme. Une priorité urgente devrait être accordée à la fermeture des centres dans ou à proximité des complexes contrôlés par les parties au conflit.

À la suite des frappes aériennes de juillet, tous les migrants et réfugiés ont été libérés du centre de détention de Tajoura. Le 1er août 2019, le GNA a annoncé son intention de fermer trois centres de détention, dont Tajoura. Mais selon les dernières informations reçues par le HCDH, celui-ci reste toujours ouvert.