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L’universalité d’Internet est menacée, alerte Guterres

Aujourd'hui, 3,6 milliards de personnes sur la planète n'ont toujours pas accès à Internet à un prix abordable.
Unsplash/Priscilla du Preez
Aujourd'hui, 3,6 milliards de personnes sur la planète n'ont toujours pas accès à Internet à un prix abordable.

L’universalité d’Internet est menacée, alerte Guterres

Développement durable (ODD)

Au Forum sur la gouvernance de l’Internet à Berlin, en Allemagne, le chef de l’ONU a averti que l’universalité de l'Internet était menacée par une triple fracture numérique, sociale et politique.

L’invention de l’imprimerie vers 1450 par l’Allemand Johannes Gutenberg a mis cinq siècles pour toucher la moitié de l’humanité. « Il a fallu seulement 25 ans à Internet pour atteindre la moitié du monde », a rappelé mardi le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lors de ce forum organisé à Berlin.

« La technologie numérique façonne l'histoire. Mais il y a également le sentiment qu'elle nous échappe », a-t-il ajouté. « Il est clair pour moi que nous vivons dans un seul monde. Mais il n’est pas tout à fait clair que nous ne vivrons qu’avec un seul réseau ».

Trente ans après la chute du mur de Berlin – symbole de la Guerre froide et de la division du monde en deux blocs – le chef de l’ONU a exprimé son « énorme frustration » face à la construction de « murs physiques » mais aussi devant la « tendance de créer des murs virtuels sur Internet ». Des murs de différentes natures mais qui ont le même but : « séparer les peuples ».

« Aujourd'hui, un Internet accessible, gratuit, sécurisé et ouvert risque de se fracturer le long de trois lignes qui se croisent. Il existe une profonde fracture numérique, une fracture sociale et une fracture politique », a énoncé M. Guterres.

3,6 milliards de personnes privées d’Internet à un prix abordable

Aujourd'hui, 3,6 milliards de personnes sur la planète n'ont toujours pas accès à Internet à un prix abordable. Dans les 47 pays les moins avancés du monde, où Internet pourrait réellement avoir un impact transformateur, plus de 80% de la population n’est toujours pas connectée. Cette fracture numérique est également exacerbée par la répartition inégale des savoir-faire et expertises.

L’écart entre les sexes en matière de connectivité continue également de se creuser. Seules 2% des femmes d'Amérique latine et des Caraïbes, ainsi que d'Asie de l'Est et du Pacifique possèdent un téléphone portable avec accès à Internet. Dans le monde entier, environ 327 millions de femmes de moins que les hommes ont un smartphone et peuvent accéder à Internet mobile. Les femmes sont également nettement sous-représentées dans les emplois liés aux technologies de l'information et de la communication, aux postes de direction et dans les carrières universitaires dans le secteur des technologies. Et 90% des jeunes entreprises à la recherche de capital-risque ont été créées par des hommes.

« Connecter tous les peuples du monde d’ici à 2030 doit être notre priorité commune, non seulement pour le développement durable, mais également pour l’égalité des sexes », a dit M. Guterres.

Fracture sociale

L’Internet va-t-il rapprocher ou diviser les peuples ? « Ma conviction est que l’Internet peut être une force puissante pour le bien, mais nous constatons également qu’il s’agit d’un outil qui peut facilement être utilisé à des fins néfastes », a dit M. Guterres, qui a mis en garde face aux pièges des algorithmes utilisés par les médias sociaux, au manque de réglementation de cette industrie, et au détournement de l’intelligence artificielle qui peuvent mener à des violations des droits de l’homme.

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) et d'autres instances s'emploient d'urgence à mieux comprendre comment exactement les normes internationales relatives aux droits de l'homme peuvent être appliqués dans le cyberespace, a dit le chef de l’ONU

« Nous devons également comprendre la relation entre les avancées numériques et les inégalités », a souligné M. Guterres. Les nouvelles technologies ont contribué à une forte augmentation du nombre de milliardaires au cours des 20 dernières années mais également mis en lumière le fossé qui sépare les riches et les pauvres. « Nous savons que les inégalités et l’exclusion sont à l’origine des troubles sociaux et des conflits. Nous savons également que les technologies numériques, en fonction de leur utilisation, peuvent être un facteur d’élargissement ou de réduction des écarts sociaux », a dit le Secrétaire général.

Un risque réel de rupture géopolitique

Pour le chef de l’ONU, une troisième fracture, de nature politique, est la plus dangereuse. « Il existe aujourd'hui un risque réel de rupture géopolitique - une grande fracture des systèmes de commerce, de sécurité et d'Internet ».

Concurrence autour de la 5G, censure de l’Internet cyber-attaques et cyber-conflits : « Dans un tel climat, des mécanismes de confiance et de coopération sont indispensables », a dit M. Guterres. « Si nous ne travaillons pas ensemble pour remédier à ces divisions, on se souviendra de nous comme de la génération qui a ruiné la promesse initiale d’Internet ».

A Berlin, le chef de l’ONU a émis trois pistes pour garantir un Internet pour tous. Tout d’abord, faire du Forum sur la gouvernance de l’Internet une plate-forme où gouvernements, entreprises et société civile se retrouvent pour partager leurs expériences et se mettre d’accord sur des principes communs. M. Guterres a également suggéré d’explorer l’idée d’un engagement mondial sur la confiance et la sécurité numérique. Enfin, le Secrétaire général a annoncé qu’il nommerait prochainement un envoyé pour les technologies qui collaborera avec tous les acteurs afin de promouvoir un « avenir numérique commun ».