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Première réunion « historique » du Comité constitutionnel syrien à Genève

L'Envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir O. Pedersen, facilite les premiers pourparlers en face à face entre le gouvernement syrien et l'opposition à Genève.
Photo : ONU/Violaine Martin
L'Envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir O. Pedersen, facilite les premiers pourparlers en face à face entre le gouvernement syrien et l'opposition à Genève.

Première réunion « historique » du Comité constitutionnel syrien à Genève

Paix et sécurité

« C’est un moment historique », a déclaré l’Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie à la cérémonie d’ouverture lançant le début des travaux du Comité constitutionnel syrien ce mercredi à Genève.

Pour la première fois en huit ans de conflit, le gouvernement syrien et l’opposition ont accepté de s’asseoir autour d’une table pour discuter de la Constitution. Et jamais des Syriens en guerre depuis des années n’avaient été aussi proches dans une salle du conseil du Palais des nations et assis face à face.

Le Comité constitutionnel syrien - composé de membres du pouvoir, de l’opposition et de la société civile - a entamé ses travaux mercredi à Genève sous l’égide de l’ONU.

Il s’agit du premier accord politique entre le gouvernement et l’opposition mettant en œuvre un aspect essentiel de la résolution 2254 adoptée en décembre 2015 par le Conseil de sécurité, qui demandait l’établissement d’un calendrier et d’un processus pour la rédaction d’une nouvelle constitution.  « Il s’agit d’un moment historique, car pour la première fois, 50 candidats du gouvernement et 50 candidats de l’opposition siègent face à face », a dit Geir Pedersen.

Pour le diplomate norvégien de l’ONU, c’est aussi un moment historique parce que l’espace a été ouvert à un groupe diversifié et large de 50 personnes importantes de la société civile syrienne, qui sont ici en tant que telles et non comme membres officiels d’un parti.

« Parmi ces 50 personnes figurent des militants et des experts de la société civile et d’autres indépendants, de l’intérieur et de l’extérieur de la Syrie, ayant des origines religieuses et ethniques très diverses dans toutes les régions du pays et un large éventail d’orientations politiques, d’expériences et de compétences », a-t-il répété, comme pour relever la diversité du peuple syrien.

Mais si ce moment est « historique », Geir Pedersen a reconnu qu’il n’a pas été facile pour les délégations de s’asseoir dans la même salle. « Je sais que ce n’est pas facile pour vous tous d’être réunis dans cette salle, et je m’y attends, mais c’est un puissant signe d’espoir. Je sais qu’il y a des sentiments profonds parmi vous, qui reflètent les sentiments profonds des Syriens au sujet de l’état de leur pays bien-aimé après presque 9 ans de conflit violent », a dit M. Pedersen aux 150 délégués. « Mais le fait que vous soyez ici, face à face, prêt à entamer un dialogue et des négociations, est, je crois, un signe puissant de la présence des Syriens partout, à l’intérieur et à l’extérieur du pays », a-t-il toutefois ajouté.

L'Envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir O. Pedersen, et les co-présidents du Comité constitutionnel syrien, Ahmad Kuzbari du gouvernement et Hadi Albarhra de l'opposition, à Genève.
Photo UNIFEED
L'Envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir O. Pedersen, et les co-présidents du Comité constitutionnel syrien, Ahmad Kuzbari du gouvernement et Hadi Albarhra de l'opposition, à Genève.

« Le chemin à parcourir ne sera pas facile »

Autre écueil relevé par le médiateur de l’ONU, ce chemin à parcourir « ne sera pas facile », avec des défis auxquels sera confronté chaque membre du Comité constitutionnel. Mais les Nations Unies seront là pour les « soutenir ».

Et le diplomate norvégien a ensuite encouragé les différentes parties « à faire preuve de patience et de persévérance, à être prêtes à faire des compromis et à s’engager de manière constructive ». Car avec « de la volonté, du courage, de la patience et de la détermination, les générations futures pourraient considérer ce jour comme le début d’un nouveau chapitre pour la Syrie ».

Une façon pour M. Pedersen de rappeler les enjeux de ce nouveau rendez-vous pouvant ouvrir la voie à un processus de paix élargi. « Comme je l’ai dit au début, aujourd’hui pourrait être le début de quelque chose de nouveau, de significatif pour la Syrie et pour les Syriens de partout. Et que cela soit dirigé par vous et vous seulement, comme les deux co-présidents l’ont souligné. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que cela se réalise », a insisté l’émissaire de l’ONU.

Le Comité constitutionnel syrien a pour mandat, dans le cadre d’un processus de Genève facilité par l’ONU, de préparer et de rédiger une réforme constitutionnelle qui ouvrira la voie à un règlement politique en Syrie.

L’Envoyé spécial de l’ONU a ainsi appelé les trois blocs de 50 délégués désignés par le gouvernement, par l’opposition et par la société civile à être « patients » dans leurs travaux. « J’espère sincèrement qu’en signalant vos bonnes intentions les uns aux autres dès le début, la confiance augmentera régulièrement et un environnement de travail positif pourra être créé », a-t-il ajouté.

De plus, « n’attendez pas de moi, ni de mon équipe, de vous dire ce que vous devez mettre dans votre Constitution », a insisté M. Pedersen. Mais celle-ci devra être équilibrée, crédible et représentative de toutes les communautés, selon lui, non sans ajouter que cette tâche incombe aux délégations syriennes et « non transplantée d’ailleurs ». « La future Constitution appartient aux Syriens, au peuple syrien et à eux seuls. Vous, les membres de ce Comité, allez la rédiger. Et le peuple syrien doit alors l’approuver populairement », a-t-il fait remarquer.

« C’est aux Syriens de décider de leur avenir »

S’exprimant ensuite au nom du gouvernement syrien, Ahmad Kuzbari, co-président du Comité constitutionnel, a fait l’éloge de la Constitution « moderne » actuelle. « Mais cela n’empêche pas les Syriens de se réunir pour envisager d’éventuels amendements » ou « une nouvelle Constitution qui améliorerait notre réalité ».

M. al-Kuzbari, qui a remercié la Suisse ainsi que les processus d’Astana et de Sotchi, a par la suite rejeté toute tentative d’interférence d’autres pays. « Nous rejetons toute forme d’ingérence étrangère. C’est aux Syriens de décider de leur avenir », a-t-il dit.

Il s’est aussi attaqué au « terrorisme » et a salué « les sacrifices ainsi que les actes héroïques » de l’armée syrienne. « L’occupation de notre territoire, la spoliation de nos ressources, la persistance de sanctions unilatérales menacent l’ensemble du processus politique et sont en contradiction avec la légitimité internationale », a ajouté le représentant de Damas.

Du côté des opposants, Hadi al-Bahra s’est dit « résolu » à s’inscrire dans cette nouvelle étape de l’histoire de son pays. Même si le peuple syrien subit toujours les effets du conflit. D’autant que pour le co-président de l’opposition, 65% de la Syrie a été endommagé. Toutefois, « il est temps pour nous de croire que la victoire en Syrie est synonyme de justice et de paix, pas de victoire militaire », a-t-il souligné tout en plaidant pour « une Syrie nouvelle et moderne ».

Et pour y a arriver, il a reconnu les « opinions divergentes » des membres du Comité constitutionnel, « mais après huit douloureuses années de souffrance en Syrie, les Syriens venus ici sont déterminés à chercher des similitudes et non des différences ». « Je suis sûr que nous sommes tous pleinement conscients de la difficulté de la tâche qui nous attend. Ce n’est qu’un premier pas sur un long chemin vers la reprise », a insisté M. Bahra lors de la cérémonie d’ouverture.

« Le dur labeur commence demain jeudi »

Face à de tels enjeux, l’Envoyé spécial de l’ONU a encore repris la parole pour redire aux membres du comité que la réforme constitutionnelle est « un bon point d’entrée » pour guérir les blessures subies par le peuple syrien, car la Constitution concerne les droits fondamentaux, les droits politiques, culturels, sociaux et économiques, l’État de droit et la bonne gouvernance. D’autant que la tâche que les membres devront entreprendre est capitale : « établir un acte fondateur, un contrat social pour les Syriens après presque neuf ans de conflit violent, de souffrance, de divisions et de méfiance ».

La réforme constitutionnelle est un bon point de départ pour guérir ces blessures, parce que les constitutions concernent les droits fondamentaux, les droits politiques, culturels, sociaux et économiques, l’État de droit et la bonne gouvernance, les relations du peuple avec le gouvernement, la manière dont les représentants politiques sont élus.

L’ONU sera là pour faciliter le processus grâce à ses bons offices, à un solide appui en matière de secrétariat, à la présentation régulière de rapports au Conseil de sécurité - et à la promotion continue d’un processus politique plus large parmi les Syriens, ainsi qu’à un véritable dialogue international.

A la veille du lancement des travaux, le Secrétaire général de l’ONU a salué mardi la chance unique qu’offre le Comité constitutionnel, avec la facilitation des Nations Unies. António Guterres a dit compter véritablement sur les parties pour travailler ensemble de bonne foi à une solution conforme à la résolution 2254 (2015) qui réponde aux aspirations légitimes de tous les Syriens et qui se fonde sur un ferme engagement en faveur de la souveraineté, de l’indépendance, de l’unité et de l’intégrité territoriale du pays.

Selon le chef de l’ONU, le lancement et les travaux du Comité constitutionnel doivent s’accompagner de mesures concrètes pour rétablir la confiance.  Un engagement significatif dans le Comité, assorti d’une cessation des hostilités dans tout le pays, donnera à son Envoyé spécial pour la Syrie, Geir Pedersen, l’environnement qu’il réclame pour exécuter efficacement le mandat de faciliter un processus politique plus large.

Et pour l’ONU et les délégations syriennes, « le dur labeur commence demain jeudi », selon M. Pedersen.