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La téléphonie 5G risque de menacer les fréquences indispensables aux prévisions météo (OMM)

L'ouragan Dorian vu depuis la Station spatiale internationale le 2 septembre 2019.
NASA
L'ouragan Dorian vu depuis la Station spatiale internationale le 2 septembre 2019.

La téléphonie 5G risque de menacer les fréquences indispensables aux prévisions météo (OMM)

Développement économique

Face à la concurrence croissante pour l’attribution de bandes de fréquence liées notamment à la téléphonie mobile de 5G, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) a appelé jeudi les gouvernements à protéger les fréquences radioélectriques allouées aux services d’observation de la Terre qui sont indispensables aux prévisions météorologiques et à la surveillance du changement climatique sur le long terme. 

« L’OMM ne cherche évidemment pas à s’opposer au lancement de nouvelles technologies de télécommunication telles que la 5G, mais nous craignons que celles-ci n'empiètent sur les fréquences utilisées pour des activités qui permettent de sauver des vies, comme la prévision du temps », a déclaré Éric Allaix, Président du Groupe directeur pour la coordination des fréquences radioélectriques relevant de l’OMM.

Selon l’OMM, il s’agit de trouver le juste équilibre entre les intérêts commerciaux et technologiques à court terme et les impératifs à long terme en matière de bien-être et de sécurité des populations, qui reposent sur les données recueillies par les satellites d’observation de la Terre, les radiosondes, les aéronefs, les radars et autres systèmes d’observation.

« Nous ne devrions pas prendre le risque d’effacer nombre des progrès réalisés grâce à nos services d’alerte aux catastrophes naturelles si nous voulons éviter un accroissement des pertes humaines et matérielles », a ajouté M. Allaix, à l’approche de la prochaine Conférence mondiale des radiocommunications, qui se tiendra du 28 octobre au 22 novembre 2019, qui donnera lieu à des décisions qui auront une incidence majeure sur l’exploration de la Terre, la surveillance de l’environnement et l’exploitation des satellites météorologiques.

Au cours des dernières décennies, la diffusion opportune d'alertes météorologiques a permis de réduire considérablement les pertes en vies humaines. Or cette évolution positive découle directement de l’utilisation des radiofréquences pour la télédétection, les données obtenues venant alimenter les systèmes de prévision numérique du temps. Les prévisions sont donc de plus en plus précises et portent sur des échéances plus longues.

Le spectre radioélectrique est toutefois soumis à des pressions croissantes liées aux technologies sans fil et à d’autres applications, notamment les télécommunications mobiles internationales (IMT), qui font appel à de nouvelles technologies telles que la 5G.
 

Une image satellite de la NASA montre un vaste cône alluvial entre les chaînes de montagnes Kunlun et Altun, au sud du désert du Taklamakan en Chine. Photo : USGS / NASA
Une image satellite de la NASA montre un vaste cône alluvial entre les chaînes de montagnes Kunlun et Altun, au sud du désert du Taklamakan en Chine. Photo : USGS / NASA

Techniques de détection passive

De nombreuses observations météorologiques par satellite reposent sur des techniques de détection passive, qui exploitent les caractéristiques d’absorption de l’atmosphère pour recueillir des informations sur l’état actuel du système terrestre.

Ces mesures passives sont effectuées par des instruments particulièrement sensibles qui sont capables de capter la luminance énergétique en hyperfréquence de très faible puissance naturellement émise par l’atmosphère et la surface terrestre. Ces techniques de détection passive sont les plus sensibles au brouillage causé par les nouveaux utilisateurs de radiofréquences qui émettent des ondes électromagnétiques pour leurs propres besoins.

La principale source de préoccupation concerne la bande de fréquences « passive » 23,6–24 GHz pour les observations satellitaires, adjacente à la bande 24,25–27,5 GHz pour la 5G, qui fait l’objet de discussions. Les études actuelles du secteur des radiocommunications de l’Union internationale des télécommunications (UIT) concernant toutes les bandes de fréquences révèlent que seule une réduction conséquente des rayonnements indésirables des IMT‑2020 pourra assurer la protection des capteurs passifs du service d’exploration de la Terre par satellite, en particulier pour la bande de fréquences « passive » 23,6-24 GHz.

L’OMM et l’UIT collaborent étroitement depuis de nombreuses années pour protéger ces fréquences radioélectriques particulières via le Règlement des radiocommunications de l’UIT, mais il appartient à leurs membres de prendre acte des études scientifiques et d’assurer une protection adéquate et durable de ces radiofréquences.

Des décisions seront prises en la matière lors de la Conférence mondiale des radiocommunications, qui se déroulera sur quatre semaines à Charm el-Cheikh (Égypte). Cet événement rassemblera plus de 3.500 participants issus des 193 États Membres de l’UIT ainsi que de 267 des Membres de l’UIT-R, y compris des représentants des organisations internationales, des fabricants d’équipements, des opérateurs de réseaux et des forums de l'industrie, qui assisteront à la conférence en qualité d’observateurs.

« Le succès de la conférence dépendra de la capacité des participants à concilier les exigences des différents services qui utilisent le spectre des radiofréquences, tels que les services aéronautiques, maritimes, satellitaires et ferroviaires, de même que les services de radiodiffusion, d’observation de la Terre, de communication mobile à large bande et de radioamateurs », a souligné l’UIT.

L’OMM craint que les effets des décisions prises lors de la Conférence mondiale des radiocommunications ne deviennent visibles que lorsqu’il sera trop tard pour revenir en arrière.

Des centres opérationnels tels que le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT), et des agences spatiales comme EUMETSAT et l’Agence spatiale européenne (ESA) partagent cette inquiétude.
 

Lancement d'une fusée transportant un satellite d'observation météo en Californie, aux États-Unis.
NASA/Bill Ingalls
Lancement d'une fusée transportant un satellite d'observation météo en Californie, aux États-Unis.

Congrès météorologique mondial

Le Congrès météorologique mondial – l’organe de décision suprême de l’OMM – a adopté cette année une résolution dans laquelle il exprime « sa grande préoccupation devant la menace permanente que fait peser l’essor des autres services de radiocommunication sur plusieurs bandes de fréquences attribuées aux services des auxiliaires de la météorologie, de météorologie par satellite, d’exploration de la Terre par satellite et de radiolocalisation (radars météorologiques et radars profileurs du vent) ».

Par sa résolution, le Congrès de l'OMM a en particulier prié l'UIT et les administrations de ses États membres de « garantir la disponibilité et la protection absolue des bandes de fréquences radioélectriques qui, du fait de leurs caractéristiques physiques, constituent une ressource naturelle unique pour les mesures de l’atmosphère et de la surface terrestre effectuées par des détecteurs aérospatiaux passifs, ces bandes étant d’une importance primordiale pour la recherche et l’exploitation dans les domaines du temps, de l’eau et du climat ».

La conférence est organisée tous les trois à quatre ans sous les auspices de l’UIT afin de passer en revue le Règlement des radiocommunications, qui régit l’utilisation du spectre des fréquences radioélectriques et des orbites des satellites. Les participants examineront la question de la gestion de ces ressources, qui sont limitées.