L'actualité mondiale Un regard humain

Les déplacements forcés restent un sujet de préoccupation à l’échelle mondiale, selon le HCR

Acnayeli, âgée de neuf ans (au centre), a fui la violence au Venezuela et vit maintenant avec sa mère et sa soeur à Cucuta, en Colombie (avril 2019).
©UNICEF/Arcos
Acnayeli, âgée de neuf ans (au centre), a fui la violence au Venezuela et vit maintenant avec sa mère et sa soeur à Cucuta, en Colombie (avril 2019).

Les déplacements forcés restent un sujet de préoccupation à l’échelle mondiale, selon le HCR

Migrants et réfugiés

Contrairement aux idées reçues, les réfugiés, demandeurs d’asile et déplacés se trouvent généralement dans des pays en développement et ces pays ont besoin d'un soutien international plus substantiel et plus durable, a déclaré le chef du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, à l’ouverture, ce lundi à Genève, de la 70e session du Comité exécutif de l’agence onusienne.

« Si une grande partie du débat sur les déplacements forcés s’est concentrée sur les arrivées dans le Nord global, les conséquences les plus profondes se trouvent de loin dans les pays d’accueil du Sud global », a déclaré le chef du HCR. « Une préservation de l’asile dans ces pays et une aide aux communautés d’accueil exigent un soutien international plus substantiel et durable ».

Plus de quatre millions de Vénézuéliens se sont majoritairement réfugiés dans 14 pays d’Amérique du Sud et des Caraïbes. Selon le chef du HCR, la plupart de ces États ont fait preuve d’une solidarité louable, malgré d’énormes pressions. « La récente décision de la Colombie d’accorder la citoyenneté à la naissance aux enfants des réfugiés vénézuéliens en est un exemple, et le Processus de Quito contribue à façonner une approche régionale », s’est réjoui M. Grandi.

Devant la Salle des Assemblées, le Haut-Commissaire s’est également inquiété sur ces débats clivants concernant les réponses aux « flux mixtes » de réfugiés et de migrants. Il a ainsi dénoncé cette « rhétorique politique largement répandue » qui exploite les angoisses qui prévalent parmi ceux qui sont exclus des avantages de la mondialisation et dirige ces craintes vers les réfugiés et les migrants - eux-mêmes parmi les personnes les plus privées de leurs droits sur la planète.

« Il n’y a pas que le cynisme et l’immoralité qui opposent l’exclusion à l’exclusion - il y a rarement des solutions pratiques à l’une ou l’autre de ces situations », a fait valoir M. Grandi. Or cela conduit à des mesures - refoulements, externalisation du traitement des demandes d’asile, politiques de dissuasion – qui « érodent toutes la protection des réfugiés sans vraiment s’attaquer aux causes profondes des flux mixtes ou aux défis de l’intégration ».

Nyamani Pur, une réfugiée sud-soudanaise en Ethiopie.
ONU Info
Nyamani Pur, une réfugiée sud-soudanaise en Ethiopie.

Des situations de réfugiés de plus en plus prolongée

Plus largement, il s’est inquiété de cette stigmatisation, avec « ces formes préjudiciables de nationalisme et de discours haineux qui - souvent par le biais du cyberespace - ont trouvé une nouvelle légitimité dans le discours public ». Or il s’agit de la vie de personnes vulnérables parfois victimes de « conflits fondés sur des différences ethniques et religieuses ».

De fait, le HCR souligne que les réponses à ces situations restent insuffisantes face à des conflits qui perdurent, « de crises de déplacement de longue date et récurrentes », en l’absence de solutions politiques. A titre d’exemple, cette année a marqué le quarantième anniversaire du début de la crise des réfugiés afghans. « Malheureusement, les efforts de paix semblent une fois de plus au point mort », a indiqué le Haut-Commissaire. Si Kaboul tend à appliquer un modèle global d’intervention auprès des réfugiés qui vise à résoudre les problèmes de déplacement, les solutions restent compromises « par la sécheresse, l’insécurité et les défaillances de gouvernance ».

Dans ces conditions, 15.000 réfugiés sont rentrés chez eux l’année dernière. En Somalie aussi, si l’engagement du gouvernement à réduire les déplacements forcés est évident et louable, les conflits et la sécheresse continuent d’entraver les solutions et de provoquer de nouveaux déplacements.

En outre, le HCR insiste sur le fait que quand il y a une chance de paix, il faut la saisir. A cet égard, l’agence onusienne indique suivre de près les événements au Soudan et dans le Soudan du Sud. La transition politique au Soudan et l’engagement du nouveau gouvernement en faveur d’un processus de paix ont des implications importantes pour des centaines de milliers de réfugiés soudanais et pour les personnes déplacées.

« Le nouvel élan donné au processus de paix au Soudan du Sud est également encourageant. Le nombre de retours spontanés de réfugiés au Soudan du Sud a déjà dépassé les 200.000, et des retours de personnes déplacées sont également en cours », a-t-il fait remarquer.

L’autre lueur d’espoir relevée par le chef du HCR a trait à l’épineuse question du rapatriement. « On nous pose de plus en plus souvent la question suivante : comment faire progresser les solutions, alors que la sécurité dans les pays d’origine reste fragile ? Les gens peuvent-ils retourner dans leur pays d’origine en l’absence d’accords politiques ? », s’est-il demandé. L’agence onusienne a affiché sa disponibilité pour faciliter le dialogue et des solutions par des approches tripartites incluant le HCR, notamment au sujet des réfugiés burundais en Tanzanie et des réfugiés nigérians dans la région du Lac Tchad.

Plaidoyer pour la lutte contre l’apatridie

De son côté, la Vice-Secrétaire générale des Nations Unies a, en plus de son plaidoyer pour la fin de l’apatridie, souligné qu’il était essentiel d’aider les pays qui hébergent vraiment les réfugiés, notamment dans les pays du Sud.

« Les pays d’accueil ont besoin de notre appui, notamment dans la perspective de développement afin de pouvoir gérer l’afflux de réfugiés et les situations de réfugiés prolongées », a déclaré Amina J. Mohammed, tout en demandant à œuvrer ensemble pour ne laisser personne dans ce périple vers « la paix, la dignité et la prospérité pour tous ».

Avant l’ouverture de la réunion annuelle du Comité exécutif du HCR, M. Grandi a averti que les progrès récents dans la lutte contre l’apatridie étaient mis en péril par une montée des formes dommageables du nationalisme. Toutefois, un nombre croissant de pays prennent des mesures contre l’apatridie. « Il y a à peine cinq ans, la sensibilisation du public à l’apatridie et aux dommages qu’elle cause était encore négligeable. Cela est en train de changer, et aujourd’hui, la perspective de mettre fin à l’apatridie n’a jamais été aussi proche », a déclaré le chef du HCR.

Mais pour y arriver, des solutions doivent être trouvées d’urgence pour des millions de personnes sans citoyenneté ou menacées d’apatridie dans le monde entier - y compris les Rohingyas du Myanmar, et les populations minoritaires menacées d’apatridie dans l’Assam en Inde. Sans cela, on risque d’aggraver l’exclusion qui affecte déjà la vie de millions de personnes. C’est pourquoi il faut redoubler d’efforts.

Le HCR a lancé une campagne mondiale (#J’appartiens #Jexiste) en 2014 visant à mettre fin à l’apatridie d’ici 2024. Au cours des cinq premières années de la campagne, plus de 220.000 apatrides ont maintenant acquis une nationalité, notamment grâce à des efforts nationaux concertés qui ont été motivés par cette sensibilisation, dans des pays aussi divers que le Kenya, le Tadjikistan, la Thaïlande et le Kirghizistan. D’ailleurs en juillet dernier, Bichkek est devenu le premier pays au monde à annoncer la résolution complète de tous les cas connus d’apatridie.