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Chancy Chitete, un soldat de la paix qui a donné sa vie pour en sauver d’autres

Le soldat Chancy Chitete a été tué en novembre 2018, au cours d'une opération dans l'est de la République démocratique du Congo pour combattre les rebelles des ADF.
Photo de la famille du soldat Chitete
Le soldat Chancy Chitete a été tué en novembre 2018, au cours d'une opération dans l'est de la République démocratique du Congo pour combattre les rebelles des ADF.

Chancy Chitete, un soldat de la paix qui a donné sa vie pour en sauver d’autres

Paix et sécurité

La médaille Diagne pour courage exceptionnel a été décernée vendredi à titre posthume par les Nations Unies au soldat Chancy Chitete, Casque bleu du Malawi, qui a donné sa vie en sauvant celle d’un camarade tanzanien en République démocratique du Congo (RDC).

« La médaille capitaine Mbaye Diagne reconnait le mérite des agents de l’ONU, qu’ils soient civils, militaires ou policiers, qui ont fait preuve d’un courage exceptionnel dans des conditions d‘extrême danger pour remplir les missions de l’ONU sur le terrain ou là où leur devoir les a emmenés, et elle prend en référence le capitaine Mbaye Diagne qui été le modèle de cette médaille au Rwanda en 1994, où il a perdu sa vie », explique le général El Hadji Babacar Faye, lors d’un entretien avec ONU Info.

Président du comité de sélection pour la médaille, le général Faye était très proche du capitaine Mbaye Diagne, ayant partagé son parcours au sein des forces armées sénégalaises, jusqu’à leur dernière mission ensemble au Rwanda.

« Quand j’ai eu la nouvelle, le soir où l’ONU a créé la médaille capitaine Mbaye Diagne, c’est un sentiment de profonde fierté que j’ai éprouvé », raconte le général. « J’ai revu mon camarade, j’ai revu son action, j’ai revu Mbaye camoufler des gens dans son véhicule, j’ai revu Mbaye se battre pour mettre des gens dans l’avion [pour quitter le Rwanda], et donc vraiment j’étais très fier », ajoute l’ancien Casque bleu sénégalais.  

La médaille a été remise à l’occasion d'une cérémonie au siège de l’ONU à New York, en honneur des Casques bleus et civils qui ont perdu la vie au service de l’ONU au cours de l'année écoulée.  C’est la première fois que cette médaille est remise depuis qu’elle a été créée en 2014.
 

Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres (à droite), réconforte Lachel Chitete Mwenechanya, la veuve de Chancy Chitete, Casque bleu du Malawi qui a reçu à titre posthume une médaille pour courage exceptionnel.
Photo : ONU/Eskinder Debebe
Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres (à droite), réconforte Lachel Chitete Mwenechanya, la veuve de Chancy Chitete, Casque bleu du Malawi qui a reçu à titre posthume une médaille pour courage exceptionnel.

 

Selon le général Faye, toutes les candidatures reçues cette année pour la médaille Diagne étaient celles de militaires. « Il y a en a un qui sortait du lot : le Private Chitete, ça veut dire ‘soldat’, donc au bas de l’échelle, quelqu’un qui attend des ordres pour faire quelque chose », précise-t-il.

En novembre 2018, le contingent de Casques bleus du Malawi auquel appartenait Chancy Chitete était engagé dans une opération de protection des populations face aux rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF), près de Beni, à l’Est de la RDC. 

« Dans le cours des opérations, ils rencontrent une résistance terrible parce que les gens les attendaient », raconte le général Faye. « Et dans le feu de l’action ils sont obligés de se replier sur une position beaucoup plus sûre ».

Le soldat Chitete trouve une position de combat sécurisée.  Depuis cette position, il parvient, avec son contingent, à aider les forces du contingent tanzanien en délivrant suffisamment de feu pour couvrir leur repli. 

Malheureusement un soldat tanzanien tombe, blessé.  Chancy Chitete s'en aperçoit. « De son initiative, Chitete sort de sa position protégée, va prendre le soldat tanzanien, le ramène vers sa position où il lui procure des premiers soins pour stabiliser sa blessure », relate le général. « Et peut être dans le cours de l’action, comme les autres étaient encore en train de se battre, ils ont dû repérer Chitete, ils ont mis le feu sur sa position.  Il a été touché.  Et il est mort des suites de ses blessures ».

« Donc si vous voyez ce qu’il a fait :  de lui-même, il a participé à sauver les vies de ses camarades. Ensuite il voit quelqu’un qui est blessé, il sort de sa position protégée, va le chercher, et le tire vers lui, en tant que soldat, sans seconds ordres.  Il a le réflexe de lui procurer une aide d’urgence », souligne le général Faye. « Donc il fait preuve de professionnalisme dans un contexte danger parce que les gens étaient en train de tirer. La preuve : les gens lui ont tiré dessus toute suite après ».

Lorsque le soldat tanzanien à qui il a sauvé la vie, le caporal Ali Khamis Omary, voit le nom de Chancy Chitete sur la liste des défunts alors qu’il se rétablit à l’hôpital, il fait un témoignage écrit.

« Ce témoignage a été pour beaucoup, parce qu’il nous a permis de savoir ce qui s’est passé lors de cette opération et de donner de la valeur à l’action de Chitete, et nous sommes arrivés à la conclusion que le soldat Chancy Chitete méritait effectivement la médaille capitaine Mbaye Diagne pour avoir accompli tout ce qu’il a accompli dans des conditions d’extrême danger comme c’est prévu », a conclu le général Faye.

Chancy Chitete laisse une veuve et une orpheline de 6 mois, qui n’a pas eu la chance de le connaître.

L’épouse de Chancy Chitete, Lachel Chitete Mwenechanya, a reçu la médaille Diagne au nom de son mari vendredi, directement des mains du Secrétaire général des Nations Unies.