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El Salvador : l’ONU exhorte l'Assemblée à ne pas rétablir l'amnistie pour violations graves des droits humains

 Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme. 3 septembre 2018
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme. 3 septembre 2018

El Salvador : l’ONU exhorte l'Assemblée à ne pas rétablir l'amnistie pour violations graves des droits humains

Droits de l'homme

La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a averti jeudi que le projet de loi sur la justice transitionnelle et réparatrice pour la réconciliation nationale, actuellement en discussion à l'Assemblée législative du Salvador, contient une série de dispositions qui pourraient aboutir à une amnistie de fait pour les violations graves des droits humains.

« Si elles sont adoptées, ces dispositions profiteront indûment aux personnes qui, pendant le conflit armé, ont été directement responsables de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, tels que les exécutions extrajudiciaires d'enfants, de femmes et de personnes âgées, les disparitions forcées, la torture, la violence sexuelle et autres violations graves du droit international », a déclaré la Haut-Commissaire. « Ils entraîneront également l'impunité des chefs d'état-major et des chefs militaires qui ont ordonné de tels crimes, ou qui n'ont pas adopté de mesures pour les prévenir ou les arrêter ».

Le projet de loi, récemment présenté par au sein d'une commission de l'Assemblée législative, est fondé sur les travaux d'une Commission « ad hoc » qui a été gravement compromise du fait que certains de ses membres étaient eux-mêmes impliqués dans le conflit armé, et par un manque de transparence et de participation des victimes pendant son élaboration.

La Commission « ad hoc » a été créée à la suite d'une décision de la Cour suprême de juillet 2016 déclarant inconstitutionnelle la loi d'amnistie pour la consolidation de la paix de 1993 et demandant à l'Assemblée législative de rédiger une nouvelle loi de réconciliation nationale.

« Il est troublant que le nouveau projet de loi se fonde sur les résultats des travaux de cette Commission et ne reflète pas le point de vue des victimes, en particulier celles qui vivent dans des communautés rurales - dont la voix n'a pas encore été entendue - et celles qui ont subi les effets pernicieux du conflit armé », a déclaré Mme Bachelet.

Toute enquête et toute punition des commanditaires serait empêchée

L'impunité en ce qui concerne les violations graves des droits de l'homme peut contribuer à leur répétition et à la création de cycles vicieux de violence

Le projet de loi vise à suspendre les peines d'emprisonnement pour tous ceux qui admettent leur responsabilité pour les crimes commis pendant le conflit, en remplaçant ces peines par des travaux d'intérêt général.

Comme l'a récemment déclaré le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition : « Les amnisties, les délais de prescription et les mécanismes qui suppriment l'effet des sanctions pénales sont incompatibles avec les crimes qui constituent des violations graves des droits de l'homme, tels que la torture, les exécutions sommaires, les disparitions forcées et les génocides, entre autres ». « En outre, l'impunité en ce qui concerne ces crimes peut contribuer à leur répétition et à la création de cycles vicieux de violence, comme c'est actuellement le cas dans le pays », a-t-il ajouté.

Le projet de loi contient d'autres dispositions préoccupantes, en particulier il permet d'attribuer la responsabilité pénale uniquement à ceux qui ont participé directement à la commission des crimes. Cela empêcherait toute enquête et toute punition des commanditaires et de toute la chaîne de commandement des personnes impliquées dans les atrocités.

Inclure la voix des victimes

La Haut-Commissaire se félicite que la Sous-Commission de la Commission politique de l'Assemblée législative ait récemment rencontré des représentants d'organisations de la société civile, qui sont membres de la Table ronde contre l'impunité.

La proposition alternative faite par ce groupe – « la loi sur la réparation intégrale et l'accès à la justice » - vise à intégrer les vues des victimes et est conforme aux obligations de l'État en matière de droits de l'homme et à la décision selon laquelle la loi d'amnistie était inconstitutionnelle.

« J'espère que ces contributions - en plus de celles qui pourraient résulter d'un vaste processus de consultation aux niveaux central, local et communautaire - guideront les membres de l'Assemblée législative et les encourageront à s'abstenir d'adopter des dispositions contraires au droit international et à compromettre la recherche persistante de justice par tous ceux qui, à ce jour, subissent encore les conséquences des atrocités commises pendant le conflit », a dit Mme Bachelet.

« J'exhorte les institutions compétentes d'El Salvador à réfléchir en profondeur aux progrès significatifs réalisés dans le domaine de la justice transitionnelle et à l'importance de continuer à progresser vers la vérité, la justice, la réparation et les garanties de non-répétition comme conditions de la réconciliation nationale », a-t-elle ajouté. « Mon Bureau réitère son offre de fournir une assistance technique à l'Assemblée législative et à d'autres institutions à cette fin ».