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Burundi : face aux risques de violence, la Commission d’enquête de l’ONU veut suivre le processus électoral de 2020

Doudou Diène, le Président de la Commission d'enquête de l'ONU sur le Burundi. (archive)
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
Doudou Diène, le Président de la Commission d'enquête de l'ONU sur le Burundi. (archive)

Burundi : face aux risques de violence, la Commission d’enquête de l’ONU veut suivre le processus électoral de 2020

Droits de l'homme

La préparation et la tenue des élections au Burundi en 2020 peuvent avoir une grande incidence sur la situation des droits de l’homme, a prévenu le Président de la Commission d’enquête de l’ONU pour ce pays.

« Le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que l’existence d’un État de droit et d’un pluralisme politique sont essentiels à l’organisation d’élections qui soient réellement démocratiques, libres et crédibles en 2020 », a déclaré mardi le Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, Doudou Diène, qui présentait son rapport devant le Conseil des droits de l’homme à Genève.

S’ils ont pris note de l’autorisation accordée le 14 février 2019 pour la création d’un nouveau parti politique d’opposition appelé le « Congrès national pour la liberté », les trois membres de la Commission insistent sur le fait que la campagne électorale doit être ouverte aux médias indépendants. Pour les experts onusiens, le prochain scrutin doit se dérouler dans un climat libre et apaisé, dans lequel les candidats et « les électeurs ne craignent pas d’être victimes de violence, d’intimidation ou de représailles ».

Dans tous les cas, l’équipe de Doudou Diène entend continuer de suivre attentivement les mesures et les décisions prises par les autorités burundaises et tous les développements sur le terrain qui ont un lien avec la préparation des élections afin d’identifier les risques éventuels de violence ou de violation des droits de l’homme. A cet égard, la Commission rappelle que l’Accord d’Arusha avait reconnu l’existence au Burundi « d’un conflit fondamentalement politique avec des dimensions ethniques extrêmement importantes ». Une « observation qui reste valable », selon les enquêteurs onusiens qui mettent en gardent sur la persistance de ces « facteurs de risque ».

La traque des opposants se poursuit

En conséquence, Doudou Diène a invité le Conseil des droits de l’homme à observer avec la plus grande vigilance le processus électoral en cours, les mesures qui seront prises dans ce cadre par les autorités et leur impact sur la population burundaise, dont le sort mérite toute l’attention de la communauté internationale. 

Concernant ce futur scrutin, la Commission s’est également dit préoccupée par la décision de Bujumbura de mettre à contribution des ménages burundais sur des participations volontaires afin de financer les élections de 2020. « Celles-ci prennent régulièrement l’allure de racket ou d’extorsion car elles s’accompagnent de violence ou encore, conditionnent l’accès aux soins de santé et à l’éducation », a indiqué la Commission qui a également dénoncé le fait que des « contributions financières ou en nature pour la construction de permanences du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, au niveau des collines et des communes, sont également exigées de l’ensemble de la population ».

Le rapport de la Commission note que de manière plus générale, la traque des opposants se poursuit au Burundi. Les personnes qui n’ont pas voté lors du référendum constitutionnel du 17 mai 2018 ou qui sont soupçonnées d’avoir voté non, ainsi que les membres de partis politiques d’opposition, sont particulièrement visés et sont souvent arrêtés ou éliminés. « De tels actes ne peuvent que renforcer nos inquiétudes pour les prochaines élections de 2020 », ont fait valoir les trois membres de la Commission d’enquête.

En outre, les Imbonerakure sont toujours omniprésents et exercent une surveillance active et continuelle de la population souvent en coordination avec les autorités locales. « Ils sont directement impliqués dans la majorité des violations documentées par la Commission, y compris les violences sexuelles », ont noté les enquêteurs indépendants de l’ONU.

Rétrécissement de l’espace de la société civile et des médias

C’est dans ce contexte que Bujumbura a notifié aux services de Michelle Bachelet la fermeture du Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme au Burundi, le 28 février 2019. Une fermeture qui fait suite à la demande du gouvernement burundais du 5 décembre 2018.

« Une fermeture à déplorer », mais qui s’inscrit dans une situation généralisée d’autant plus préoccupante qu’elle s’inscrit dans la perspective des élections de 2020. Un rétrécissement qui touche également les ONGs nationales, les défenseurs des droits de l’homme et les médias indépendants burundais. Les autorités burundaises ont également suspendu pour trois mois toutes les activités des ONG étrangères, à partir du 1er octobre 2018. Il s’agit de les obliger à se réinscrire et à leur transmettre la liste de leurs employés avec la mention de leur ethnicité, en vertu des nouveaux quotas imposés de 60 % de Hutu et 40 % de Tutsi, et un minimum de 30% de femmes.

Dans la perspective des élections prévues en 2020, la Commission rappelle que son mandat est particulièrement important et que la persistance du refus du gouvernement de coopérer ne sera pas un obstacle à la poursuite de ses enquêtes.

Face au sombre tableau dépeint par la Commission d’enquête, le Représentant permanent du Burundi auprès de l’ONU à Genève, Rénovat Tabu, a annoncé que son pays était « déjà en marche vers les élections de 2020 et que tous les instruments nécessaires étaient bien pensés ».

« L’espace politique est apaisé », a ajouté l’Ambassadeur Tabu qui a insisté sur l’agréation d’un nouveau parti politique d’opposition. Le représentant burundais a indiqué que Bujumbura « se refuse désormais d’interagir avec une Commission qui est devenue un instrument de provocation » et « la caisse de résonnance de toutes les forces négatives du Burundi ».