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Daech a laissé derrière lui plus de 200 charniers dans le nord et l’ouest de l'Iraq, selon l’ONU

Alice Walpole, représentante spéciale adjointe des Nations Unies pour l'Iraq (à gauche), visite un site de fosses communes dans le village de Kocho, au sud de Sinjar. (29 octobre 2018)
MANUI/Celia Thompson
Alice Walpole, représentante spéciale adjointe des Nations Unies pour l'Iraq (à gauche), visite un site de fosses communes dans le village de Kocho, au sud de Sinjar. (29 octobre 2018)

Daech a laissé derrière lui plus de 200 charniers dans le nord et l’ouest de l'Iraq, selon l’ONU

Droits de l'homme

Plus de 200 fosses communes ont été trouvées en Iraq dans des zones auparavant contrôlées par le groupe Etat islamique (EI). Et « il pourrait y en avoir beaucoup plus », a averti mardi l’ONU qui plaide pour la création d’un bureau centralisé des personnes disparues dans ce pays.

D’après un rapport conjoint de la Mission d’assistance des Nations Unies en Iraq (MANUI) et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (HCDH), ces 202 fosses communes ont été mises au jour dans différentes provinces du nord et de l’ouest de l’Iraq.

Ces sites se trouvent notamment dans les régions de Ninive, qui rassemble près de la moitié d’entre eux, Kirkouk, Salaheddine et al-Anbar, précise les deux entités onusiennes. Sur les 202 charniers recensés, seuls 28 ont déjà pu être pris en charge par les autorités iraquiennes, a déclaré Ravina Shamdasani une porte-parole du Haut-Commissariat. « Ce document illustre l’héritage de la campagne de terreur menée sans relâche par l’EI et l’appel des victimes pour la vérité et la justice », a déclaré Mme Shamdasani lors d’un point de presse à Genève.

Selon les Nations Unies, il est difficile d’établir le nombre exact de victimes. La plus petite fosse commune dans la partie ouest de Mossoul rassemblait huit cadavres. Le plus grand, au sud de la ville, pourrait en totaliser des milliers. Et « il pourrait y en avoir beaucoup plus », poursuit le rapport, certaines zones étant inaccessibles car toujours minées ou sous la menace de cellules djihadistes clandestines.

Le document souligne que les preuves recueillies sur ces sites « seront centrales pour garantir des enquêtes crédibles, des poursuites et des condamnations ainsi que pour identifier les victimes et remettre leurs dépouilles aux familles.

Entre juin 2014 et décembre 2017, l’EI a pris le contrôle de vastes régions de l’Iraq et a mené « une campagne de violence généralisée et des violations systématiques du droit international humanitaire et relatif aux droits de l’homme. « Ce sont des actes pouvant constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et un possible génocide », fait remarquer le rapport de l’ONU.

Les fosses communes découvertes montrent des « pertes humaines atroces, de profondes souffrances et une cruauté choquante », a déclaré Jan Kubis, le Représentant spécial du Secrétaire général en Iraq. « Déterminer les circonstances de ces nombreuses morts sera une étape importante dans le processus de deuil des familles et dans leur parcours pour garantir leurs droits à la vérité et à la justice », a ajouté M. Kubis.

Le rapport montre également comment les familles des disparus sont confrontées à des défis importants pour établir le sort de leurs proches. Les familles de disparus doivent s’adresser à cinq administrations différentes. « Un processus à la fois long et frustrant pour des familles traumatisées », estime l’ONU qui plaide pour la création d’un registre public centralisé et d’un bureau fédéral des personnes disparues.

Pour la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, si « les horribles crimes de l’EI en Iraq ne font plus les gros titres, le traumatisme des familles de victimes existe toujours et le sort de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants est toujours inconnu ».

« Ces tombes contiennent les restes de ceux qui ont été assassinés sans pitié pour ne pas avoir respecté l’idéologie et les lois tordues de l’EI, notamment à l’encontre des minorités ethniques et religieuses », a fait remarquer Mme Bachelet. « Leurs familles ont le droit de savoir ce qui est arrivé à leurs proches. La vérité, la justice et les réparations sont essentielles pour garantir la prise en compte intégrale des atrocités commises par l’EI », a souligné la cheffe des droits de l’homme de l’ONU. Mme Bachelet et M. Kubiš ont réitéré leur soutien au gouvernement iraquien dans l’accomplissement de cette tâche importante.

Parmi les nombreuses recommandations qu’il comporte, le rapport appelle à la participation de spécialistes en contamination de territoires par des armes, explosifs et en investigations criminelles et plaide pour une approche prenant en compte la population. Le rapport demande à la communauté internationale d’appuyer les autorités iraquiennes en fournissant des ressources et un soutien technique aux efforts liés à l’exhumation, à la collecte, au transport, au stockage et à la restitution des restes humains aux familles, ainsi qu’à leur identification.