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Conseil des droits de l'homme : la mort de Khashoggi plane sur l’examen périodique de l’Arabie saoudite

Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève.
Photo ONU/Elma Okic
Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève.

Conseil des droits de l'homme : la mort de Khashoggi plane sur l’examen périodique de l’Arabie saoudite

Droits de l'homme

Le Président de la Commission des droits de l’homme du Royaume d’Arabie saoudite a décliné lundi sa feuille de route et rappeler ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme, devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève.

Le Président de la Commission des droits de l’homme d’Arabie saoudite et chef de la délégation du pays, Bandar bin Mohammed Al-Aiban, à la 31 e session de l’examen périodique universel à Genève, en Suisse. 5 novembre 2018.

« La vision 2030 saoudienne qui comprend des plans et des programmes qui ont pour but de transformer le royaume en un modèle à tous les niveaux, comprend le droit à la vie, à la sécurité, à la santé, à l’éducation, au travail, le droit à la protection de la famille, la responsabilisation des femmes », a précisé Bandar bin Mohammed Al-Aiban.

Le chef de la délégation saoudienne a insisté sur la « stratégie nationale de développement qui est en cours de déploiement et qui comprend tous les principes et éléments fondamentaux qui ont pour but de protéger et promouvoir les droits humains ».

Pendant environ trois heures de dialogue interactif avec l’Arabie saoudite, les membres du Conseil des droits de l’homme ont pu par la suite émettre des critiques et faire des recommandations.

La mort du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul le 2 octobre dernier a plané lors des débats de l’Examen périodique universel (EPU), procédure à laquelle doivent se soumettre les membres des Nations Unies environ tous les quatre ans.

Près d’une quarantaine de délégations sur les 97 Etats membres qui ont pris la parole lors de l’examen périodique universel se sont exprimées sur la disparition du journaliste saoudien et éditorialiste du Washington Post, au long de la matinée.

Les représentants d’Australie, de Belgique, du Canada et d’Italie se sont joints aux autres pour demander une enquête crédible et approfondie sur la mort de Khashoggi.

« Les informations selon lesquelles le meurtre avait été prémédité sont extrêmement alarmantes », a déclaré l’Ambassadrice australienne Sally Mansfield.

Certains Etats avaient même soumis par avance une liste non exhaustive des questions à poser à la délégation saoudienne. Le Royaume-Uni, l’Autriche et la Suisse ont ainsi envoyé à l’avance leurs questions sur l’affaire Khashoggi.

Dans le contexte de « la récente mort du journaliste Jamal Khashoggi », le Royaume-Uni a demandé des informations sur « les allégations d’arrestations de critiques du gouvernement, et de censure croissante de la presse ».

De son côté, la Suisse a interpellé Ryad sur les garantis d’une enquête crédible, impartiale et indépendante sur la disparition de Jamal Khashoggi.

Riyad exprime ses regrets et promet une enquête juste sur la mort de Khashoggi

En réponse à ces interpellations, l’Arabie saoudite a indiqué avoir « déjà exprimé ses regrets à l’occasion du décès de Jamal Khashoggi ».

Notre gouvernement est engagé à mener une enquête juste et toutes les personnes impliquées dans ce crime seront poursuivies en justice. 
-Bandar bin Mohammed Al-Aiban, Président de la Commission des droits de l’Homme du Royaume d’Arabie Saoudite

« Une enquête a été ouverte sur cette affaire, en vertu des Lois en vigueur afin d’établir les faits et de veiller à ce que tous les auteurs soient traduits devant la justice », a déclaré le Président de la Commission des droits de l’homme du Royaume d’Arabie saoudite.

« Notre gouvernement est engagé à mener une enquête juste et toutes les personnes impliquées dans ce crime seront poursuivies en justice », a ajouté Bandar bin Mohammed Al-Aiban.

La Suède, qui avait soumis par écrit des questions à Riyad, a demandé à l’Arabie saoudite « les mesures qui seront prises pour améliorer le respect de la liberté d’expression et la sécurité des journalistes » en Arabie saoudite.

Et lors des débats ce lundi matin, l’ambassadeur de France, François Rivasseau, a appelé l’Arabie saoudite à « mettre fin immédiatement à l’emprisonnement et aux arrestations arbitraires » de journalistes et de militants, et à garantir la liberté de religion ».

Dans son Rapport national saoudien transmis le 20 août 2018 portant notamment sur la problématique de la liberté d’opinion et d’expression, l’Arabie saoudite a rappelé que la publication de nombreux journaux, en version papier et électronique, la création de multiples chaînes télévisées et radiophoniques ainsi que les mesures visant à faciliter l’utilisation des divers médias sociaux indiquent « qu’un espace et une attention de plus en plus grands sont accordés à la liberté d’expression et d’opinion et qu’il existe des moyens d’exercer ce droit ».

S’agissant du conflit au Yémen, l’Arabie saoudite souligne que « les forces de la coalition ont non seulement cherché à épargner les civils, en particulier les enfants et les femmes, et les biens de caractère civil, mais se sont donné pour mission de protéger les civils contre les violations flagrantes commises par les milices houthistes armées soutenues par l’Iran, y compris les attaques aveugles, les meurtres, la torture, les disparitions forcées, les évacuations forcées, les sièges et l’enrôlement d’enfants ».

Pour Riyad, les forces de la coalition font également mener des enquêtes sur toutes les allégations concernant des actes dirigés contre des civils, des installations civiles ou des organismes humanitaires, et les conclusions des enquêtes sont annoncées lors de conférences de presse.

« Nous devons réitérer notre détermination à protéger les civils et les infrastructures de notre pays », a fait remarquer Bandar bin Mohammed Al-Aiban.

De gauche à droite : les experts Bernard Duhaime (disparitions forcées ou involontaires), David Kaye (liberté d’opinion et d’expression), Agnès Callamard (exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires) et Michel Forst (situation des défenseurs des
Photo : ONU
De gauche à droite : les experts Bernard Duhaime (disparitions forcées ou involontaires), David Kaye (liberté d’opinion et d’expression), Agnès Callamard (exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires) et Michel Forst (situation des défenseurs des droits de l'homme)

 

Lois discriminatoires à l’encontre des femmes et lutte contre le terrorisme

Par ailleurs, dans un rapport publié fin août en vue de cette réunion sur l’Arabie saoudite, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a énuméré une série de motifs d’inquiétude, comme les lois discriminatoires à l’encontre des femmes (Comité pour l’élimination de la discrimination), la violence sexiste ou encore les pratiques discriminatoires des enfants et des femmes appartenant à la communauté chiite ou les enfants de travailleurs migrants (Comité des droits de l’enfant).

L’ONU a aussi déploré le maintien de la peine de mort et le nombre croissant d’exécutions dans le pays. Le rapport (Comité contre la torture) se dit aussi préoccupé par la loi de 2014 sur la lutte contre le terrorisme qui donne une définition « extrêmement large » du terrorisme et permet de criminaliser l’expression pacifique de certains actes.

En outre, l’Autriche, la Belgique et le Danemark ont fait part de leurs préoccupations concernant les arrestations d’activistes, y compris de femmes pour leurs campagnes en faveur des droits

Parmi les pays ayant envoyé en avance leurs questions à la délégation saoudienne, le Canada a ainsi souhaité avoir des précisions sur le statut des femmes activistes actuellement en détention, y compris une liste des accusations qui leur sont reprochées et la date de leur procès.

Enfin, les Etats-Unis ont pour leur part interpellé Riyad sur le système de la « kafala », qui oblige les travailleurs à obtenir l’autorisation écrite de leurs employeurs pour changer d’emploi ou quitter le pays.  Ils ont aussi demandé si l’Arabie saoudite entend modifier sa loi sur le terrorisme pour qu’elle n’inclut pas des actes liés à la liberté d’expression, d’association ou de réunion pacifique.

A noter que dans le Rapport national soumis le 20 août 2018, l’Arabie saoudite a insisté sur sa Loi relative à la lutte contre les crimes terroristes et le financement du terrorisme.

« Promulguée par le décret royal du 1er novembre 2017, cette loi définit le crime terroriste et les procédures concernant l’arrestation, la détention, la mise en liberté dans l’attente du jugement, la désignation d’un conseil, la juridiction compétente appelée à connaître de l’affaire, la qualification des infractions et les peines encourues », a fait remarquer Riyad.

 

Graphique du Centre saoudien des communications et des médias  expliquant que les femmes sont autorisées à conduire.
Ministère des affaires étrangères de l'Arabie saoudite

 

Au sujet des droits des femmes, le rapport a rappelé le décret souverain du 26 septembre 2017 comprenant l’adoption des dispositions du Code de la circulation routière qui prévoit notamment la délivrance de permis de conduire aux hommes comme aux femmes.

En outre, avec la promulgation du décret royal N°97 du 31 mai 2018, la Loi sur la lutte contre le harcèlement vise à combattre et prévenir le harcèlement, érigé en infraction pénale, à punir les auteurs de ces actes et à protéger les victimes, dans le respect de la vie privée, de la dignité de la personne et de la liberté personnelle, garanties par la charia et la législation en vigueur.