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Myanmar : une mission d’experts de l’ONU appelle le Conseil de sécurité à saisir la CPI

Le Président de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits au Myanmar, Marzuki Darusman devant les membres du Conseil de sécurité le 24 octobre
Photo : ONU/Eskinder Debebe
Le Président de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits au Myanmar, Marzuki Darusman devant les membres du Conseil de sécurité le 24 octobre

Myanmar : une mission d’experts de l’ONU appelle le Conseil de sécurité à saisir la CPI

Droits de l'homme

Une mission d’experts des Nations Unies chargée d’examiner les allégations des violations des droits humains au Myanmar a appelé mercredi le Conseil de sécurité à saisir la Cour pénale internationale (CPI) ou un tribunal international ad hoc au sujet des crimes commis.

Le Président de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits au Myanmar, Marzuki Darusman, a expliqué devant les membres du Conseil mercredi après-midi que les conclusions du rapport de 444 pages qu’il a présenté en septembre au Conseil des droits de l’homme sont le fruit d’une année d’enquête menée dans « une esprit d’objectivité et d’impartialité ».

Le rapport conclut que les récents développements dans l’État de Rakhine, au Myanmar, relèvent « d’une catastrophe prévisible et planifiée ».

Il a fait état des opérations de nettoyage menées par l’armée, la Tatmadaw, dans six villages, marquées par des massacres à grande échelle et autres tueries de civils, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées ; des viols en réunion massifs ; et des incendies et des pillages. La Mission d’établissement des faits a vérifié des opérations similaires dans 54 localités différentes à travers le nord de l’État de Rakhine : plus de 725.000 Rohingyas ont pris la fuite ; au moins 392 villages ont été partiellement ou totalement détruits ; les estimations de 10.000 Rohingyas tués restent « prudentes ».

Ces crimes ont été commis sur fond de politiques et de pratiques mises en œuvre par l’État depuis des décennies, qui ont largement marginalisé les Rohingyas, dans le cadre d’un « système d’oppression institutionnalisé » s’exerçant contre eux « de la naissance à la mort ».

Les déplacements massifs de populations et les incendies de villages ont été suivis de l’annexion de terres abandonnées. Des villages entiers ont été rasés, ainsi que toute trace des communautés rohingyas. Aussi « horrible et intense » soit-elle, la situation des Rohingyas ne doit pas être appréhendée séparément : la Mission a en effet trouvé des modus operandi similaires à l’œuvre dans d’autres États du Myanmar, en particulier ceux de Kachin et Shan, où des violations des droits de l’homme sont imputables à l’armée, principalement. 

L’armée du Myanmar, la Tatmadaw, est au cœur de la situation actuelle, a estimé Marzuki Darusman, qui a mis en cause une « chaîne de commandement très claire », qui agit dans une « impunité totale ».

Le Conseil de sécurité a le pouvoir de mettre fin à ce cycle de violences, a-t-il assuré. Selon lui, la prévention efficace dépend de l’établissement des responsabilités. En l’absence d’établissement des responsabilités, il ne saurait y avoir de retour durable, sûr et dans des conditions dignes des Rohingyas se trouvant au Bangladesh et il ne saurait y avoir de réconciliation.

« Le Conseil de sécurité doit renvoyer cette situation devant la Cour pénale internationale ou tout autre tribunal international ad hoc », a estimé M. Darusman. Il devrait également imposer des sanctions individuelles ciblées contre les responsables des crimes graves, en particulier les six généraux identifiés dans le rapport de la Mission, et au premier chef le chef d’État-major Min Aung Hlaing.