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Myanmar : des lois sont utilisées pour réduire au silence les journalistes, dénonce l’ONU

Un village dans la province de Kachin, au Myanmar (archive)
OCHA
Un village dans la province de Kachin, au Myanmar (archive)

Myanmar : des lois sont utilisées pour réduire au silence les journalistes, dénonce l’ONU

Droits de l'homme

Un ensemble de lois mal définies est utilisé au Myanmar pour exercer un contrôle sur le journalisme indépendant à travers le pays, notamment dans les Etats de Kachin, Shan et Rakhine, dénonce un nouveau rapport des Nations Unies sur la liberté d'expression publié mardi.

Le rapport publié par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) estime qu'il est devenu « impossible pour les journalistes de faire leur travail sans crainte, ni faveur ».

Alors que la condamnation de deux journalistes de Reuters, Kyaw Soe Oo et Thet Oo Maung, la semaine dernière a été un exemple médiatisé de harcèlement judiciaire contre les médias au Myanmar, le rapport détaille plusieurs autres exemples de détentions et de poursuites judiciaires contre des journalistes et leurs sources indiquant une tendance plus large de suppression de la liberté d'expression.

Des lois sur les télécommunications, les secrets d’Etat, les associations illégales, les transactions électroniques et même des lois sur l’import/export et des lois sur les aéronefs ont été utilisées contre les journalistes dans un certain nombre de cas, note le rapport.

Dans un cas, trois journalistes faisaient partie des sept hommes arrêtés en juin 2017 pour avoir couvert un événement marquant la Journée internationale contre l'abus et le trafic illicite de drogue dans une région contrôlée par l'Armée de libération nationale Ta'ang (TNA) dans le nord de l’Etat de Shan. Même si les journalistes de The Democratic Voice of Burma et de The Irrawady couvraient une cérémonie de cet évènement sans rapport avec le conflit armé, ils ont été accusés en vertu de la loi relative aux associations illégales, qui « est couramment utilisée pour alléguer que tout contact avec un groupe armé ethnique équivaut à une infraction pénale ».

Dans une autre affaire, deux baptistes kachins ont été arrêtés en décembre 2016 en vertu de la même loi pour avoir aidé des journalistes qui s'étaient rendus dans le nord de l'État de Shan pour y couvrir le conflit, indique le rapport. Ils ont été détenus au secret pendant plusieurs semaines et ont finalement été condamnés à des peines d'emprisonnement de deux ans et trois mois en vertu de la loi sur les associations illégales et de la loi de 2012 sur l'import-export, cette dernière étant liée à leur utilisation présumée de motos non enregistrées.

Le rapport dénonce « l’instrumentalisation de la loi et des tribunaux par le gouvernement et l’armée dans ce qui constitue une campagne politique contre le journalisme indépendant » et « l’incapacité du pouvoir judiciaire à défendre le droit à un procès équitable ».

La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a déclaré que le rapport révélait la situation périlleuse des journalistes indépendants au Myanmar.

« Lorsque des journalistes sont emprisonnés pour avoir simplement visité une zone contrôlée par un groupe armé, lorsque leurs sources sont emprisonnées pour avoir fourni des informations provenant de zones de conflit et qu’une publication sur Facebook peut entraîner des accusations de diffamation criminelle, un tel environnement n'est guère propice à une transition démocratique », a-t-elle dit.

« J'appelle les autorités à cesser le harcèlement juridique et judiciaire des journalistes et à procéder à un examen des lois mal définies qui facilitent les attaques contre l'exercice légitime de la liberté d'expression », a ajouté Mme Bachelet.