L'actualité mondiale Un regard humain

Le chef des droits de l’homme de l’ONU accuse la Syrie de planifier "l’apocalypse"

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein.
Photo : ONU/Violaine Martin
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein.

Le chef des droits de l’homme de l’ONU accuse la Syrie de planifier "l’apocalypse"

Droits de l'homme

Lors de la présentation de son rapport annuel devant le Conseil des droits de l’homme à Genève, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al-Hussein, a dressé un sombre bilan du respect des droits humains dans le monde.

Selon M. Zeid, la situation en Syrie est « entrée dans une nouvelle phase d’horreur » avec « la gigantesque effusion de sang dans la Ghouta orientale », l’escalade de la violence dans la province d’Idlib et à Afrin avec l’offensive de la Turquie dans cette région.

« Les tentatives récentes de justifier des attaques indiscriminées et brutales contre des centaines de milliers de civils par la nécessité de combattre quelques centaines de combattants - comme dans la Ghouta orientale - sont légalement et moralement insupportables », a dit le Haut-Commissaire. « Aussi, lorsque vous êtes prêt à tuer votre propre peuple, le mensonge est tout aussi facile. Les affirmations du gouvernement syrien selon lesquelles il prend toutes les mesures pour protéger sa population civile sont franchement ridicules ».

« Ce mois-ci, c’est la Ghouta orientale qui, selon les propres termes du Secrétaire général de l’ONU, est l’enfer sur Terre. Le mois prochain ou le suivant, ce sera dans un autre endroit que les gens feront face à l’apocalypse, une apocalypse voulue, planifiée et exécutée par des individus travaillant pour le gouvernement, apparemment avec le soutien absolu de certains de leurs alliés étrangers », a déploré M. Zeid Ra’ad Al-Hussein avant de plaider pour une inversion de cette « tendance catastrophique et de renvoyer la Syrie devant la Cour pénale internationale ».

Pour la première fois, le Haut-Commissaire Zeid a estimé le nombre de victimes à plus de 400.000 en sept ans de conflit. Une situation qui plonge deux millions de personnes en danger, a-t-il dit, ajoutant qu’il faut se souvenir que « les violations massives commises par le gouvernement syrien et ses alliés ont commencé en 2011 et crée un espace pour la floraison de groupes extrémistes. »

Toujours sur le Moyen-Orient, il s’est préoccupé du Yémen, où les civils sont menacés par les attaques des milices houthistes et forces affiliées, de même que par les attaques aériennes menées par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite.

Tentative délibérée de Naypyidaw pour éliminer les preuves de crimes

Dans la région Asie-Pacifique, le Haut-Commissaire s’est également inquiété du sort des musulmans Rohingya au Myanmar, avec 900.000 personnes réfugiées au Bangladesh.

Il a déclaré soupçonner fortement que des « actes de génocide » aient été commis contre les musulmans apatrides Rohingya depuis août dernier. Des informations faisant état du nettoyage au bulldozer de fosses communes au Myanmar dénotent d’une « tentative délibérée des autorités d’éliminer les preuves de crimes, dont de possibles crimes contre l’humanité ».

« L’annonce récente selon laquelle sept militaires et trois policiers allaient être traduits devant la justice pour le meurtre extra-judiciaire de dix Rohingya est grossièrement insuffisante », a dit Zeid.

Sur le continent africain, le Haut-Commissaire Zeid a dénoncé les attaques répétées contre les civils soudanais au Darfour. Au Soudan du Sud voisin, ce sont près de 41 hauts responsables sud-soudanais qui ont été identifiés en vue de poursuites pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

Les services du Haut-Commissariat ont ainsi répertoriés des viols et meurtres à caractère ethnique perpétrés dans ce pays en guerre depuis décembre 2013. « Nous avons trouvé des preuves d ‘un schéma clair de persécution ethnique, pour la plupart par les forces gouvernementales », a-t-il ajouté.

En Afrique, vives inquiétudes au Burundi, Soudan du Sud et RDC

Au Burundi, les violations flagrantes des droits humains continuent de se produire en toute impunité. Depuis le début de la campagne sur un projet de révision de la Constitution, de nouvelles mesures répressives ont conduit à l’arrestation de nombreux militants de la société civile arrêtés et de certains dirigeants de l’opposition.

« Les récentes menaces à l’encontre de mon personnel au Burundi sont totalement inacceptables », a dit M. Zeid.

Au Cameroun, ce qui apparaît être une discrimination structurelle de longue date contre les régions anglophones du pays a conduit à des combats entre les forces de sécurité et les groupes séparatistes, a dit le Haut-Commissaire, indiquant que des allégations d’exécution de civiles par les forces de sécurité dans le sud-ouest et le nord-ouest ont été rapportés au Haut-Commissariat. Mais ce dernier n’a pu les vérifier, car il n’a pu encore avoir accès à cette région.

En République démocratique du Congo, et alors que le gouvernement ne crée pas les conditions de la tenue d’élection libre et crédibles, la répression contre les droits fondamentaux inquiète M. Zeid, notamment depuis que des jeunes proches du parti au pouvoir ont attaqué des sites religieux.

Dénonciation de la politique migratoire en Europe et aux Etats-Unis

Dans l’Union européenne, plus de deux tiers des parlements de ses pays membres comptent dans leurs rangs des représentants de partis politiques extrémistes, qui ciblent les migrants et dans certains cas les musulmans et autres minorités.

En Australie aussi, le nouveau gouvernement s’est ouvert aux partis anti-migrants, tandis qu’en Pologne, des rapports affirment que le gouvernement a une approche passive dans les cas de crimes de haine.

Dans de nombreux pays de l’Union européenne (UE), la tendance au « racisme, à la xénophobie et à l’incitation à la haine » domine désormais le paysage politique, comme l’a montré la récente campagne électorale en Italie.

« Je suis profondément préoccupé par le fait que les États de l’UE se concentrent actuellement pour empêcher les migrants d’atteindre l’Europe et qu’ils se dépêchent d’en déporter beaucoup », a ajouté M. Zeid. En repoussant les migrants hors de ses frontières, l’UE risquait de « sous-traiter leur protection » à des pays comme la Libye, où ils couraient un risque réel de torture, de violence sexuelle et d’autres violations graves, a-t-il déclaré.

Sur ce volet de la migration, il y a aussi ces rapports choquants qui font état de détention de migrants aux Etats-Unis, dont des enfants dans des conditions abusives de basses températures.

« Les détentions et les expulsions de migrants de longue date et respectueux de la loi ont fortement augmenté, déchirant des familles et créant d’énormes difficultés », a-t-il indiqué. « Je déplore l’incertitude persistante concernant les bénéficiaires du programme DACA qui protège environ 700.000 jeunes sans-papiers de travailler et d’étudier en toute légalité, la plupart des jeunes hispaniques ».

La malnutrition menace tout le Venezuela

En Amérique Latine, la situation au Venezuela est marquée par la malnutrition qui menace tout le pays, affectant en particulier les enfants et les personnes âgées.

Selon certains rapports, les programmes d’assistance du gouvernement ne sont octroyés que sur des considérations politiques. Ils mentionnent également des cas d’exécutions extra-judiciaires pendant les manifestations.

Au Honduras, les menaces, intimidations pèsent sur les défenseurs des droits de l’homme, journalistes, travailleurs des médias, activistes politiques ou sociaux.

Par ailleurs l’interdiction absolue de l’avortement à El Salvador, a « secoué » M. Zeid, indiquant que sous cette loi, 159 femmes ont été emprisonnées depuis 1998, dont 20 jugées pour « homicide graves » et condamnées de 30 à 40 ans de prison.

Face à la « petitesse des politiciens », méditer les leçons de Mandela

Mais avant d’entamer cette longue liste de violations des droits de l’homme, le Haut-Commissaire a attiré l’attention sur des progrès en cours dans plusieurs pays. Il a ainsi évoqué l’Équateur, dont il a félicité le gouvernement pour avoir mené un large dialogue, y compris avec les médias et la société civile, comme première étape pour surmonter la polarisation du pays ; l’Arabie saoudite, où il a noté avec grand intérêt la directive royale stipulant que tous les services gouvernementaux doivent dorénavant être fournis aux femmes sans l’autorisation préalable de leurs tuteurs masculins ; la Gambie, qui a annoncé le mois dernier un moratoire sur la peine de mort ; la Somalie, où a été mise sur pied une commission nationale des droits de l’homme ; et le Portugal, qui a pris des mesures notables en vue de mettre fin aux discriminations contre les Roms.

De façon générale, alors qu’il y a quelques jours, on célébrait le centième anniversaire de la naissance de Nelson Mandela, le chef des droits de l’homme de l’ONU n’a pas s’empêcher de comparer la grandeur de Madiba à la « petitesse des politiciens qui continuent de proliférer partout dans le monde ».

Autoritaires par nature, beaucoup d’entre eux sont des politiciens rusés, mais la plupart sont de petits esprits et ont perdu toute humanité ; ils prônent la division et l’intolérance juste pour satisfaire et sécuriser leurs ambitions politiques. Or pour mériter le respect, a-t-il lancé à ces dirigeants, il vous faudrait commencer par suivre l’exemple de Mandela en suivant l’esprit et la lettre de la Déclaration universelle des droits de l’homme.