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Cameroun : des experts de l'ONU exhortent le gouvernement à mettre fin aux violences contre les manifestations de la minorité anglophone

Le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de rassemblement pacifique et d'association, Maina Kiai. Photo ONU/Jean Marc Ferré
Le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de rassemblement pacifique et d'association, Maina Kiai. Photo ONU/Jean Marc Ferré

Cameroun : des experts de l'ONU exhortent le gouvernement à mettre fin aux violences contre les manifestations de la minorité anglophone

Deux experts des droits de l'homme des Nations Unies ont appelé le gouvernement camerounais à faire preuve de retenue et à entamer un dialogue, dans le contexte d'attaques croissantes contre les manifestants pacifiques.

Les rapporteurs spéciaux Maina Kiai et Rita Izsak-Ndiaye se sont dits profondément préoccupés par la recrudescence de la violence dans le nord-ouest et le sud-ouest du pays, notamment par le recours à la force contre des manifestants anglophones qui protestaient contre la nomination de plus en plus fréquente de fonctionnaires francophones dans leurs régions. La plupart des manifestations ont été dirigées par des associations régionales des barreaux et des syndicats d'enseignants.

Les Camerounais anglophones déplorent depuis longtemps devoir faire face à la discrimination et à la marginalisation ainsi que d'être exclus des hautes fonctions et services publics. Ils affirment également que leur accès à la justice est limité, la majorité de la législation et des procédures judiciaires étant exclusivement en français.

« Nous appelons les autorités à engager un dialogue fructueux et inclusif avec la société, en particulier avec les syndicats d'avocats et d'enseignants des régions anglophones qui revendiquent des services publics bilingues et une meilleure inclusion des anglophones dans la sphère publique », ont déclaré les experts.

Manifestations : le gouvernement doit faire preuve de la plus grande retenue

Le Rapporteur spécial sur le droit à la liberté de réunion pacifique et d'association, Maina Kiai, s'est dit particulièrement alarmé par les informations selon lesquelles les forces de sécurité ont utilisé une force excessive lors de manifestations le 28 novembre à Buea et le 8 décembre à Bamenda.

Les sources indiquent que la police a utilisé des tirs à balles réelles pour disperser les manifestants, entraînant la mort d'au moins quatre personnes. Des dizaines d'autres personnes ont été blessées, arbitrairement arrêtées et auraient été torturées.

« J'exhorte le gouvernement du Cameroun à mener une enquête approfondie sur l'utilisation de la force contre les manifestants ces derniers mois et à faire preuve de la plus grande retenue dans la surveillance des futures manifestations », a déclaré M. Kiai.

« Dans les sociétés démocratiques, les manifestations sont indispensables à la sensibilisation aux droits de l'homme et aux préoccupations politiques et sociales, notamment celles concernant les questions relatives aux minorités », a-t-il souligné. « Les manifestations pacifiques jouent un rôle crucial pour faire entendre la voix des personnes marginalisées et présentent un discours alternatif aux intérêts politiques établis ».

Respect des droits linguistiques des minorités : un élément fondamental de la bonne gouvernance

La Rapporteuse spéciale sur les questions relatives aux minorités, Rita Izsak-Ndiaye , qui a effectué une visite officielle au Cameroun en 2013, a déclaré qu'il y avait des défis importants concernant les minorités linguistiques. « Lors de ma visite au Cameroun, la discrimination à l'encontre des anglophones a été portée à mon attention comme une source de préoccupation majeure à Bamenda, en particulier en ce qui concerne l'accès aux fonctions publiques et politiques », a-t-elle noté.

Mme Izsak-Ndiaye a demandé au gouvernement camerounais de répondre aux inquiétudes exprimées par les anglophones concernant l'exercice de leurs droits linguistiques et de mettre pleinement en œuvre une politique de bilinguisme.

« Le respect des droits linguistiques des minorités est non seulement essentiel pour éviter que les tensions ne s'intensifient, mais est également un élément fondamental de la bonne gouvernance », a souligné la Rapporteuse spéciale.

L'appel des experts à la retenue et au dialogue a été approuvé par le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, Michel Forst.