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Un rapport externe sur la police dans les opérations de paix de l'ONU appelle à changer de paradigme

La Police des Nations Unies mène une opération de recherche dans un site de protection des civils à Juba , au Soudan du Sud. Photo : MINUSS
La Police des Nations Unies mène une opération de recherche dans un site de protection des civils à Juba , au Soudan du Sud. Photo : MINUSS

Un rapport externe sur la police dans les opérations de paix de l'ONU appelle à changer de paradigme

Si la police des Nations Unies (UNPOL) est progressivement devenue l'un des principaux piliers des opérations de consolidation de la paix de l'Organisation, elle doit désormais repenser son modèle opérationnel pour faire face à cette évolution, indique un nouveau rapport externe, rendu public mercredi au siège de l'ONU, à New York.

Selon les conclusions de la 'L'examen externe des fonctions, de la structure et des capacités de la Division de la police des Nations Unies' ('External Review of the Functions, Structure and Capacity of the UN Police Division'), les capacités dont disposent à la fois la Division de la police de l'ONU et les éléments de police déployés sur le terrain sont limitées par le modèle opérationnel actuel de l'UNPOL.

« Le modèle actuel est largement axé sur l'approvisionnement et semble dépendant des capacités fournies par les pays contributeurs de police », indique en effet le rapport, réalisé par une équipe indépendante nommée en janvier dernier par le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix de l'ONU, Hervé Ladsous. « [Ce modèle] est trop rigide et basé sur un déploiement ad-hoc et relativement à court terme pour être réellement capable d'influencer les changements structurels et de renforcer les capacités institutionnelles ».

Plus précisément, ce rapport révèle que le modèle opérationnel actuel est basé sur une série d'hypothèses qui limitent directement la capacité de la Division de la police et des éléments de police de l'ONU à remplir leur mandat.

« En bref, les États membres et le Conseil de sécurité [de l'ONU] se retrouvent face à un choix difficile. Ils peuvent maintenir le statu quo et autoriser des mandats plus réalisables, cohérents avec les résultats que sont à même de fournir les éléments de police en vertu du modèle opérationnel actuel (renforcement des capacités limité et développement institutionnel). Ou bien, ils peuvent soutenir un changement du modèle opérationnel actuel pour permettre aux éléments de police d'œuvrer dans le cadre de mandats sur mesure, en leur fournissant des capacités de police accrues, capables de mieux répondre aux défis des opérations de paix actuelles », explique le rapport, qui avait été lancé suite à la publication en septembre 2015 du rapport du Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, intitulé 'L'avenir des opérations de paix des Nations Unies : application des recommandations du Groupe indépendant de haut niveau chargé d'étudier les opérations de paix'.

L'équipe indépendante en charge de la rédaction du rapport est coprésidée par Hilde F. Johnson, une ancienne Représentante spéciale du Secrétaire général, et Abdallah Wafy, le Représentant permanent du Niger auprès des Nations Unies, et ancien Chef de la police civile et Représentant spécial adjoint du Secrétaire général auprès de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO).

Dans le cadre de la sortie du rapport, Mme Johnson, M. Wafy et un troisième membre de l'équipe, Mark Kroeker, ont participé à une conférence de presse au siège de l'ONU, à New York.

A cette occasion, Mme Johnson a souligné que le rôle de la police dans les opérations de maintien de la paix n'est pas pleinement reconnu dans le système des Nations Unies, où les déploiements militaires sont prioritaires.

« Le modèle de déploiement militaire a depuis bien trop longtemps influencé la façon dont les agents de police sont déployés. L'accent a été en grande partie mis sur le nombre et moins sur les compétences qu'ils apportent », a poursuivi Mme Johnson.

L'équipe indépendante a par conséquent proposé dans son rapport un nouveau modèle opérationnel qui mettrait l'accent sur le renforcement des institutions et des capacités spécialisées, plutôt que sur le nombre de personnes déployées.

Le rapport constate par ailleurs que les processus de la Division de la police et de l'UNPOL restent trop influencés par une culture militaire de maintien de la paix. Il suggère ainsi que l'UNPOL, sans devenir une agence de développement, devrait adopter une approche plus basée sur le développement.

En outre, l'étude indique que les éléments de police ont exprimé de profondes inquiétudes au sujet du manque d'orientation sur le terrain de la part du Siège.

« En réalité, la capacité et les ressources actuelles de la Division de la police sont insuffisantes et n'ont pas augmenté au rythme des tâches supplémentaires et de la complexité accrue des mandats de police dans les opérations de paix », déclare le rapport.

Le rapport insiste par conséquent sur la nécessité de réaliser un changement de paradigme dans le modèle opérationnel de l'UNPOL, y compris en mettant la police au centre de la paix, de la stabilité et du développement.

« Si nous oublions les institutions de contrôle, le Ministère de l'intérieur et d'autres qui permettent d'exercer un contrôle sur la police, les réformes ne vont pas aboutir », a toutefois mis en garde Mme Johnson. « Il doit y avoir une approche globale. A cette fin, les capacités civiles sont nécessaires et urgentes au sein des missions de police », a-t-elle ajouté.

Prenant le Soudan du Sud en exemple, Mme Johnson a noté que « s'il y avait eu un mandat de police plus fort et si le nouveau modèle opérationnel avait été en place avant la crise, la police nationale du Soudan du Sud aurait peut-être été en mesure de mieux résister aux tensions ethniques et de ne pas autant s'impliquer dans ce conflit ».

Afin de mettre en œuvre un nouveau modèle opérationnel pour la Division de la police et l'UNPOL, le rapport préconise plusieurs mesures clés, y compris élever le poste de Conseiller pour les questions de police au rang de Sous-Secrétaire général de l'ONU.

En outre, le niveau actuel des effectifs de la Division de la police doit être augmenté, préconise le rapport, afin qu'il soit proportionnel au rôle accru joué par la police dans les opérations de paix.

Le rapport recommande également que la planification des opérations de paix et de leurs mandats de police soit basée sur une analyse politique et technique approfondie du contexte sur le terrain.