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L'Égypte risque de s'éloigner des idéaux des droits de l'homme ayant inspiré sa révolution, prévient Pillay

La Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Navi Pillay.
ONU/Jean-Marc Ferré
La Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Navi Pillay.

L'Égypte risque de s'éloigner des idéaux des droits de l'homme ayant inspiré sa révolution, prévient Pillay

La Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, a exhorté lundi le gouvernement égyptien à soumettre la version actuelle d'un projet de loi sur les organisations de la société civile à un examen des experts des droits de l'homme égyptiens et internationaux pour vérifier, avant son adoption, la conformité de ce texte aux normes internationales.

« Si une loi restreignant significativement les activités des organisations de la société civile venait à être adoptée, alors même que la contribution positive de ces organisations est indispensable à la construction du pays en tant que démocratie inclusive, elle porterait un nouveau coup aux espoirs et aspirations nés de la révolution égyptienne de 2011 », prévient Mme Pillay dans un communiqué de presse.

« C'est un moment crucial, marqué par des préoccupations croissantes à de nombreux égards. Parmi elles, figurent la nouvelle Constitution et les conditions dans lesquelles elle a été adoptée, les efforts apparents pour limiter l'autorité et l'indépendance du système judiciaire et maintenant ce projet de loi, qui risque de mettre la société civile sous la coupe des ministères chargés de la sécurité – des ministères responsables de violations des droits de l'homme par le passé et qui ont intérêt à minimiser leur surveillance », assure-t-elle.

La Haut Commissaire affirme que la nouvelle Constitution risque de donner des pouvoirs excessifs à l'exécutif au détriment du judiciaire, en prévoyant la nomination directe des juges de la Haute Cour constitutionnelle par le Président.

Mme Pillay dit suivre de près les récents développements dans le pays, notamment les poursuites engagées contre des manifestants, des journalistes et d'autres activistes, parmi lesquels le célèbre satiriste politique, Bassem Youssef.

« Alors même que se déroulent ces procès, de nombreux membres des forces de sécurité responsables de très graves violations des droits de l'homme, y compris des assassinats, des tortures, des viols et d'autres formes violations sexuelles contre des manifestants et des mauvais traitements à l'encontre de détenus, n'ont pas été inquiétés ni traduits en justice », déplore Mme Pillay.

Le HCDH a affirmé avoir soumis ses remarques et ses propositions détaillées concernant le projet de loi sur la société civile, qui est déjà passé par plusieurs étapes. De nombreuses inquiétudes subsistent puisque le dernier projet en date ignore très largement les contributions des organisations locales et internationales des droits de l'homme.

« Si ce projet est adopté, il imposera une série de restrictions draconiennes aux organisations de la société civile, en particulier celles spécialisées dans les droits de l'homme », insiste Navi Pillay. « Il semble qu'il y ait un véritable risque qu'il entrave le fonctionnement libre et efficace de la société civile et qu'il entre en conflit avec les obligations internationales de l'Egypte relatives à la liberté d'association ».

« La transparence est également un problème », a-t-elle déclaré. « À ce jour, aucune des versions auxquelles nous avons eu accès n'est à la hauteur des obligations de l'Égypte en matière de droits de l'homme, et notamment celles contenues dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques que l'Égypte a ratifié ».

« J'espère sincèrement que les normes internationales seront pleinement reflétées dans la version finale. Comme je l'ai indiqué au gouvernement à plusieurs reprises, mon organisation est prête à offrir son assistance pour faciliter la réalisation de cet objectif. »

« Les gouvernements qui tentent d'entraver ce genre d'activités, en contrôlant par exemple l'accès aux financements, en donnant des pouvoirs considérables de contrôle aux services de sécurité, et en imposant des contraintes excessives aux organisations internationales de défense des droits de l'homme – éléments qui figurent tous dans les différents projets de cette loi – risquent de déraper très rapidement vers l'autoritarisme, même si ce n'était pas leur intention initiale », conclut Navi Pillay.