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Les femmes centrafricaines, victimes d'un conflit «oublié», s'alarme la Représentante spéciale Bangura

La Représentante spéciale sur la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits, Zainab Hawa Bangura.
ONU/Jean-Marc Ferré
La Représentante spéciale sur la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits, Zainab Hawa Bangura.

Les femmes centrafricaines, victimes d'un conflit «oublié», s'alarme la Représentante spéciale Bangura

La Représentante spéciale a en conclusion les efforts déployés par les Nations Unies pour favoriser l'émergence d'un commandement civil, se montrant optimiste quant aux suites qui seront données à sa visite. « Je suis convaincue que lorsque le Secrétaire général connaîtra en détail la situation, il agira sans tarder, avec force et détermination. »

De retour d'une visite en République centrafricaine, la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Zainab Hawa Bangura, a dressé un sombre tableau de la situation des femmes de ce pays, victimes d'un « conflit oublié ».

Au cours d'une visite qui s'est déroulée du 5 au 13 décembre, Bangura a rencontré le Président centrafricain, François Bozizé, des représentantes d'organisations de femmes, des responsables des forces de sécurité, ainsi que des donateurs internationaux. À cette occasion, a-t-elle affirmé, elle a pu identifier les facteurs à l'origine des violences sexuelles en République centrafricaine, au premier rang desquels l'impunité.

« L'État centrafricain n'est pas en mesure de contrôler son territoire, ouvrant ainsi la voie aux exactions des groupes armés qui disposent des femmes comme des pillards disposeraient de ressources naturelles », a dénoncé Mme Bangura. Ces groupes armés, dont l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), font régner la terreur dans certaines régions et forcent des villageois à vivre en autarcie dans les strictes limites de leur village, s'est-elle émue. À ces mercenaires rebelles, viennent s'ajouter les troupes tchadiennes pourtant venues aider le gouvernement centrafricain.

La Représentante spéciale a en effet rappelé que la République centrafricaine, en proie à un conflit armé depuis plusieurs décennies, était entourée de pays instables tels que la République démocratique du Congo (RDC), le Tchad et le Soudan. « Elle a besoin de l'assistance de la communauté internationale pour faire face à un dangereux voisinage », a plaidé la Représentante spéciale.

L'impunité dont jouissent les auteurs de violences sexuelles est également la résultante d'une absence de volonté politique de lancer des poursuites judiciaires, a-t-elle dénoncé, rejetant l'argument selon lequel il serait très difficile d'identifier l'appartenance des agresseurs à tel ou tel groupe armé. Les femmes centrafricaines connaissent le modus operandi de leurs agresseurs et leurs descriptions permettent d'évaluer le niveau de professionnalisme et de discipline et en conséquence, l'identité du groupe.

Rompant quelque peu avec le langage diplomatique de rigueur dans le cadre de missions officielles comme la sienne, Mme Bangura a affirmé avoir « menacé » le gouvernement central ainsi que les groupes armés de mesures de rétorsion diplomatique s'ils s'avéraient incapables d'agir. « Je n'hésiterais pas à faire en sorte qu'ils soient accusés nommément et pointés du doigt par le Conseil de sécurité », a-t-elle prévenu.

Par ailleurs, le dénuement des infrastructures et des services de santé est apparu à Mme Bangura comme présentant un caractère d'urgence criante. Dans certaines zones du pays, il n'y a qu'un seul médecin pour 80.000 patients. Les victimes d'agressions sexuelles n'ont personne vers qui se tourner. Il faut, a-t-elle plaidé, venir en aide à ce pays et à ses femmes, notamment par l'inclusion de la dimension « genre » dans le cadre d'un processus de désarmement mis en œuvre avec beaucoup de difficultés.

L'assistance doit être rapide et efficace et passer par un encouragement des parties en présence à reprendre le dialogue afin de mettre fin à ce « conflit oublié ». L'État centrafricain doit redevenir maître de son destin et ne plus être dépendant du rôle encore essentiel des troupes tchadiennes. Pour ce faire, a-t-elle estimé, le Bangui doit professionnaliser son armée pour ne plus craindre de coup d'État.