L'actualité mondiale Un regard humain

Tunisie: un Rapporteur spécial de l'ONU plaide pour faire de la justice transitionnelle un nouveau paradigme

Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff.
Violaine Martin
Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff.

Tunisie: un Rapporteur spécial de l'ONU plaide pour faire de la justice transitionnelle un nouveau paradigme

Le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff, a salué vendredi les progrès accomplis par le gouvernement tunisien pour mettre en œuvre des mesures de justice transitionnelle ces deux dernières années, en particulier pour la recherche de la vérité et les réparations. Il l'a toutefois invité à poursuivre ses efforts dans les domaines des poursuites et des réformes des secteurs judiciaire et sécuritaire.

«Je salue les efforts du gouvernement tunisien pour créer un cadre juridique faisant référence aux quatre dimensions de la justice transitionnelle, à savoir la vérité, la justice, les réparations et les garanties de non-répétition», a déclaré l'expert indépendant des Nations Unies au terme de sa première visite officielle en Tunisie.

« Cependant, le processus de justice transitionnelle dans ce pays se heurte encore à des défis importants », souligne M. de Greiff dans un communiqué de presse. Parmi ces défis, l'expert indépendant a évoqué « l'absence d'une approche holistique appliquant de manière simultanée les quatre dimensions pour éviter la fragmentation du processus en différents efforts destinés à faire face à des violations particulières ou liées à des périodes spécifiques».

La recommandation principale de l'expert est d'inviter la Tunisie à inscrire plus clairement le concept de droits de l'homme au cœur des efforts de justice transitionnelle. « Seul le fait qu'il y ait eu une violation des droits de l'homme est pertinente – et suffisante – pour justifier réparation », explique-t-il.

«Prendre des mesures efficaces pour faire face aux abus commis par le passé exige un mécanisme de coordination institutionnelle», poursuit M. de Greiff. « Je propose par conséquent qu'un organe de coordination interministérielle soit institué […] pour garantir que des services adéquats seront fournis aux victimes ».

Le Rapporteur spécial a en outre recommandé aux autorités tunisiennes de se doter d'une approche respectueuse de la parité dans le domaine des mesures de justice transitionnelle.

Pour M. de Greiff, cette visite a eu lieu à un moment crucial, non seulement parce que la Tunisie est engagée dans une transition vers une société fondée sur la règle du droit, mais aussi parce qu'un processus d'élaboration de la Constitution et de l'adoption d'une loi sur la justice transitionnelle y est en cours.

«Comme dans tous les processus de cet ordre, la société civile nationale a joué un rôle essentiel pour faire remonter, souvent à grands frais, cette question en tête des préoccupations de l'État. Elle a par ailleurs contribué à faire de la justice transitionnelle une notion beaucoup plus familière qu'elle ne l'était quelques années auparavant », s'est félicité le Rapporteur spécial.

Au cours de son déplacement, M. de Greiff s'est rendu à Tunis, Sidi Bouzid, Gafsa et Redeyef, où il a eu l'occasion de s'entretenir avec des représentants gouvernementaux et locaux, des pouvoirs législatif et judiciaire, des fonctionnaires de police, ainsi qu'avec un large éventail d'acteurs de la société civile et de victimes de violations massives des droits de l'homme. Il a aussi rencontré les corps diplomatiques et équipes de l'ONU stationnés dans ce pays du Maghreb.

En 2013, le Rapporteur spécial fera rapport sur sa mission au Conseil de droits de l'homme.