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Gros plan : soixante ans de visites guidées aux Nations Unies

Photo de groupe des guides de l’ONU au Siège, en 2007. Photo ONU/Mark Garten
Photo de groupe des guides de l’ONU au Siège, en 2007. Photo ONU/Mark Garten

Gros plan : soixante ans de visites guidées aux Nations Unies

Afin de marquer le 60ème anniversaire des visites guidées des Nations Unies, gros plan sur le travail de ceux et celles qui ont pour vocation de présenter l’ONU au public venu du monde entier pour visiter son Secrétariat.

Le Conseil de sécurité a-t-il adopté une nouvelle résolution afin de répondre à la crise qui sévit au Mali ?

Les prix des denrées alimentaires ont-ils augmenté au cours du mois écoulé et dans quelle mesure cette hausse a-t-elle un impact sur les populations les plus pauvres ?

Quelle est la dernière position en date du Secrétaire général sur le conflit en Syrie ?

Telles sont quelques-unes des questions auxquelles un guide du Siège des Nations Unies à New York doit pouvoir répondre lorsqu’elles lui sont posées par des visiteurs.

Chaque jour, à 9 heures 15 et à 10 heures, les guides de l’ONU participent à une réunion au cours de laquelle ils sont informés des derniers développements dans le domaines des relations internationales et en particulier de ce que l’Organisation fait, au Siège et dans le monde.

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un groupe de guides en costumes traditionnels devant le Siège de l’ONU. Photo ONU/Andrea Brizzi

En moyenne, un guide assure quotidiennement quatre heures de visites, parfois dans des langues différentes. En une heure exactement, les visiteurs ne verront pas seulement les salles de conférences dans lesquelles les principaux organes de l’ONU, tels que l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, se réunissent, mais auront un aperçu de la manière dont fonctionne le système des Nations Unies.

Depuis que la maison-mère à New York a été ouverte au public en novembre 1952, 40 millions de personnes l’ont visitée et, pour un grand nombre d’entre elles, leur interaction avec leur guide a été leur premier – et parfois, leur seul – contact direct avec un membre du personnel onusien.

« Une fois, j’ai calculé avec des collègues de travail que chaque année en moyenne, un guide parle avec 15.000 personnes pendant une heure au sujet des Nations Unies », confie Carmel Irandoust, qui travaille maintenant au Service du protocole et de la liaison. « Lorsque j’étais guide, j’ai compris que j’étais vraiment la voix et le visage de l’Organisation. »

Outre les salles emblématiques où se déroulent les débats et négociations intergouvernementales, les guides font découvrir les œuvres d’art, offertes par les États Membres, qui ornent les couloirs du Siège ou encore l’exposition permanente sur le désarmement, où il est possible de voir des mines antipersonnel ainsi que des restes décontaminés de l’explosion nucléaire d’Hiroshima et Nagasaki.

Réunion des guides de l'ONU.

Grâce à leur guide, les visiteurs apprennent les rudiments du maintien de la paix et sont informés des efforts déployés par l’ONU pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Ils ont également droit à un historique rapide du Secrétariat lui-même.

Toutefois, couvrir en une heure l’éventail des activités des Nations Unies exige des guides une créativité qui doit aller de pair avec une sensibilité politique quant aux sujets abordés, souvent délicats.

« J’ai toujours essayé d’être aussi objective que possible », affirme Mme Irandoust. « Un exemple qui me venait toujours à l’esprit pendant les visites et que j’aime beaucoup évoquer, c’est celui qui consiste à comparer le monde à un organisme humain. Le travail des Nations Unies est d’assurer l’unité de cet organisme et d’en guérir les blessures. Si une partie de votre corps vous fait souffrir, il est difficile de s’en débarrasser ou de l’amputer. Il serait inimaginable que le cerveau ou le cœur refusent d’aider une jambe ou une main douloureuse, cela n’aurait aucun sens. »

Chaque guide a un style différent, mais le consensus parmi eux est que les visites se suivent et ne se ressemblent pas et que la même information peut susciter des réactions très variables d’un visiteur à l’autre. Ce qui signifie aussi que les guides doivent être prêts à répondre à des questions parfois difficiles et à entendre des points de vue critiques sur le travail de l’Organisation.

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Un groupe d’enfants écoutent Afua Lokko, du Ghana, lors de leur visite guidée du Secrétariat. Photo ONU/Yutaka Nagata

Jacky Tong, un guide malaisien qui assure des visites en anglais et en mandarin, a mis ainsi au point une sorte de jeu de rôles pour expliquer aux visiteurs la manière dont fonctionne le maintien de la paix. « L’objectif est de faire comprendre aux gens la complexité du maintien de la paix en quelques minutes et de les faire passer d’une dimension unique aux dimensions multiples que ce concept implique en réalité », explique-t-il.

« Les questions les plus difficiles portent sur le Conseil de sécurité », reconnaît Maty Fall, du Sénégal, qui assure des visites en français et en anglais. « Les gens peuvent se montrer très critiques quant à la composition du Conseil et au fait que cinq membres permanents ont un droit de veto. »

Pour sa part, Madoka Koide, qui travaille désormais au Bureau du Porte-parole du Secrétaire général, se souvient que les questions les plus problématiques étaient celles qui lui étaient posées à la fin de la visite sur un large éventail de sujets.

« Quelqu’un demanderait quelque chose du style ‘S’il y a les Nations Unies, pourquoi y a-t-il toujours des guerres dans le monde ?’, et vous vous demandez comment répondre à une telle question en 30 secondes, avant que ne débute la visite suivante. »

Ala guide Kateryna Bieliaieva parle de l’exposition sur le désarmement.

Si ces situations peuvent paraître stressantes, beaucoup de guides les voient comme l’un des aspects les plus passionnants et les moins routiniers de leur travail.

« Pendant mes années de guide, j’ai fait rire et pleurer des gens », se souvient Heidy Martinez, actuellement employée par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). « Cela fait plaisir de savoir qu’à l’issue de leur visite, de nombreux touristes ont changé d’avis sur l’Organisation et, même s’ils ont oublié les détails, qu’ils ont intégré le message. »

Les guides peuvent par la suite occuper des postes très divers au sein de l’Organisation, mais la plupart s’accordent à reconnaître que cette première expérience les a aidés dans leurs fonctions actuelles. Beaucoup se lient aussi d’amitié entre eux, dans le cadre d’un travail qui se fait en étroite coopération.

« C’est un secret de Polichinelle de dire que nous nous amusons beaucoup », déclare la Chef du Groupe des visites, qui fait partie du Département de l’information (DPI), Elisabeth Waechter. « J’estime avoir de la chanche de travailler avec une équipe aussi jeune, dynamique, énergique, multiculturelle, multilingue et enthousiaste. Pour de nombreux guides, le Groupe est comme une seconde famille où se forment des amitiés d’une vie. »

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Abbie Krasne, une ancienne guide de l’ONU. Photo : ONU/A. Krasne

« Depuis leur création en 1952, les guides jouent un rôle déterminant dans la sensibilisation de l’opinion publique aux activités des Nations Unies et nous prenons tous très au sérieux ce rôle d’ambassadeur », ajoute-t-elle.

Abbie Krasne, qui était guide en 1954, a tout récemment rendu visite à la nouvelle génération pour partager avec eux certaines de ses expériences de « pionnière ». « Beaucoup de choses ont changé et rien n’a changé », juge-t-elle, affirmant que l’une des nouveautés les plus marquantes reste l’ouverture tardive de la fonction aux hommes, en 1977.

« Être guide était alors considéré comme très glamour », explique Mme Krasne. « Mais, à bien des égards, nous avions l’impression de recevoir une éducation supérieure en relations internationales, dans une atmosphère toujours très cordiale ».

Cette retraitée souriante se souvient de l’ex Première dame des États-Unis – et championne des droits humains et civiques – Eleanor Roosevelt, qu’elle avait rencontrée lorsque celle-ci avait voulu faire visiter les Nations Unies à son fils. Il y avait aussi selon elle le sentiment grisant de faire partie d’une nouvelle organisation « chargée d’assumer d’immenses responsabilités ».

Selon Mme Krasne, les défis d’aujourd’hui sont plus complexes que ceux d’hier. « Mais je continue de croire que l’ONU est extrêmement importante, dans la mesure où c’est la seule enceinte où les nations peuvent se réunir et débattre des questions qui les préoccupent. »

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Une guide présente l’une des nombreuses tapisseries qui ornent les murs du Siège de l’ONU. Photo ONU/PAS

Si certaines choses n’ont pas changé, les guides interagissent aussi désormais avec les « visiteurs virtuels » de l’ONU dans le cadre d’échanges sur les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter, ou avec ceux qui se sont rendus au Siège et désirent poursuivre la conversation après leur visite.

« Nous voulons montrer au public que nous sommes ouverts, impliqués et sociables », souligne Kateryna Bieliaieva, particulièrement active sur Twitter. « L’ONU est très vaste et semble inapprochable pour beaucoup d’entre eux, mais il suffit de mentionner l’existence d’un compte Twitter pour qu’ils soient intéressés ».

Les visites ont également évolué au fil des années pour répondre aux attentes de différents publics. Par exemple, des visites sont réservées aux personnes handicapées, tandis que des d’autres, plus thématiques, mettent l’accent sur l’architecture et la collection d’art du Siège des Nations Unies, devenu un véritable musée grâce aux donations généreuses des États Membres.

En outre, la venue de plus en plus fréquente des enfants, parmi les visiteurs les plus enthousiastes, a poussé le groupe à concevoir pour eux une visite sur mesure.

« Les enfants sont généralement bouche bée lorsqu’ils apprennent que le Codex alimentarius de la FAO – l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture – répertorie les frites congelées et différentes sortes de chocolats ou que l’Union postale internationale envoie chaque année des lettres au Père Noël », s’amuse Suhail Khan, une guide indienne passée au Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit.

Le 15 novembre, les guides d’hier et d’aujourd’hui se réuniront au Siège des Nations Unies afin de marquer le 60ème anniversaire de la création de leurs corps de métier, leur donnant ainsi l’occasion de reprendre contact avec d’anciens collègues et d’entendre en personne des témoignages sur la manière dont les choses ont évolué – ou pas.

« La seule chose qui ne changera jamais », estime Mme Waechter, « c’est le dévouement des guides des Nations Unies à fournir des informations pertinentes sur les travaux de l’Organisation à un très large public et je suis enthousiasmée à l’idée de réfléchir ensemble à de nouveaux moyens de nous acquitter de notre mandat. »