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Mali : toute action militaire dans le nord du pays doit éviter d'aggraver une situation déjà précaire, prévient Jan Eliasson

De l'huile de cuisine et de la nourriture sont remis à des personnes déplacées dans le nord du Mali, dans le refuge de Mopti. PNUD/Nicolas Meulders
De l'huile de cuisine et de la nourriture sont remis à des personnes déplacées dans le nord du Mali, dans le refuge de Mopti. PNUD/Nicolas Meulders

Mali : toute action militaire dans le nord du pays doit éviter d'aggraver une situation déjà précaire, prévient Jan Eliasson

La communauté internationale doit aider les autorités maliennes à lancer un processus politique crédible qui tienne des causes profondes de la crise sévissant dans ce pays, et leur offrir toute l'assistance souhaitable sur le plan militaire pour aider à reconquérir le nord du territoire, a déclaré, vendredi, le Vice-Secrétaire général de l'ONU, Jan Eliasson.

Il a également prévenu que toute intervention devait s'abstenir « d'exacerber les tensions existantes ni d'aggraver une situation humanitaire déjà précaire ».

M. Eliasson a tenu ces propos lors d'une réunion de l'Union africaine, de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et du Groupe de suivi et de soutien des Nations Unies au Mali, réunion qui s'est tenue aujourd'hui à Bamako, en Afrique de l'Ouest.

« Toute action militaire doit se faire à l'appui d'une stratégie politique et de la réunification du pays. Et pour que la communauté internationale légitime une force militaire internationale, les droits humains et le droit humanitaire doivent être scrupuleusement respectés », a expliqué M. Eliasson.

« L'objectif de ce processus politique est de forger une vision nationale et inclusive pour l'avenir du Mali. Ceci exige une feuille de route pour la transition, de manière à ce que les préparatifs puissent débuter », a-t-il ajouté.

Actuellement dirigé par le Président par intérim, Dioncounda Traoré, le Mali fait face à une série de défis sur les fronts sécuritaire, politique et humanitaire depuis le début de l'année. Des combats entre forces gouvernementales et rebelles touaregs ont éclaté dans le pays au début du mois de janvier. Depuis, des islamistes radicaux ont pris le contrôle de la partie nord du pays, où ils appliquent une interprétation extrême de la charia, ainsi que des restrictions prenant en particulier pour cible les femmes.

Depuis que les groupes islamistes tels qu'Ansar Dine, le MUJAO (Mouvement pour l'unité du djihad en Afrique occidentale) et AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique) ont pris le contrôle du nord, « nous assistons à des exactions telles que des restrictions des droits civils et politiques […] et des peines cruelles et inhumaines sont systématiquement appliquées : exécutions, amputations et lapidations », avait indiqué, le 9 octobre dernier, le Sous-Secrétaire général des Nations Unies aux droits de l'homme, Ivan Šimonovic.

L'instabilité et l'insécurité résultant de ces affrontements, ainsi que la prolifération de groupes armés dans la région, de la sècheresse et de l'instabilité politique au lendemain du coup d'état militaire de mars 2012, ont poussé plus de 250.000 Maliens à fuir dans les pays voisins, sans compter les 174.000 autres déplacés internes.

Aujourd'hui, à Bamako, le Vice-Secrétaire général a estimé que tout processus politique au Mali devait permettre aux autorités de transition de s'engager dans des pourparlers avec les groupes rebelles du nord, qui ont des doléances légitimes, leurs communautés ayant été marginalisées et négligées pendant des années.

« Il est impératif que ces groupes cessent tout contact avec les organisations terroristes, conformément aux exigences de la résolution 2071 du Conseil de sécurité », a indiqué M. Eliasson, qui ajouté que les forces militaires devaient s'abstenir d'interférer dans l'arène politique.

Adoptée vendredi dernier, cette résolution donne 45 jours à la CEDEAO pour préciser les modalités d'une opération militaire, que le Conseil de sécurité se dit prêt à envisager au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Le Secrétaire général Ban Ki-moon est quant à lui chargé de soutenir le processus politique malien et de « mettre des spécialistes de la planification militaire et des questions de sécurité à disposition de la CEDEAO et de l'Union africaine pour mener à bien la planification conjointe qui permettrait à cette force internationale de voir le jour ».

« Le travail déjà accompli par les autorités maliennes, la CEDEAO et l'Union africaine constitue une base déjà solide pour nos efforts conjoints », a reconnu M. Eliasson, qui a ajouté que l'ONU était prête à soutenir un dialogue national et une assistance pour renforcer les capacités nationales de négociations politiques.

« Nous sommes également en train de déployer des spécialistes de la planification militaire et de la réforme du secteur de sécurité à Bamako », a-t-il ajouté, avant de dire que les forces de défense et de sécurité maliennes devaient se trouver à l'avant-garde du combat contre le terrorisme et la criminalité dans le nord du pays.

« Une première étape déterminante sera de soutenir la réorganisation de ces forces, comme le demandent les autorités maliennes », a-t-il souligné. Il a noté que, conformément à l'appel du Conseil de sécurité, une réforme globale du secteur de la sécurité devait figurer au cœur des efforts de la communauté internationale pour consolider les institutions maliennes, avec pour point focal l'Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Sahel, l'ancien Premier Ministre italien, Romano Prodi, qui était également présent à la réunion de Bamako.