L'actualité mondiale Un regard humain

HCDH: les femmes, premières victimes des violations systématiques des droits humains dans le Nord du Mali

Une réfugiée malienne à Mangaize, dans le nord du Niger.
HCR/H. Caux
Une réfugiée malienne à Mangaize, dans le nord du Niger.

HCDH: les femmes, premières victimes des violations systématiques des droits humains dans le Nord du Mali

Le Sous-Secrétaire général de l'ONU aux droits de l'homme a affirmé mardi que le nord du Mali, aujourd'hui contrôlé par des groupes armés dont certains sont liés à Al-Qaïda, est devenu le théâtre de violations systématiques des droits humains, en particulier à l'encontre des femmes.

À l'issue d'une visite de quatre jours au Mali, Ivan Simonović a précisé que les exactions se poursuivaient dans le nord du pays, quoique leur caractère, leur prévalence et leur nature aient changé de façon significative depuis le début du conflit.

Au début du conflit, quand les rebelles Touarègues du Mouvement pour la Libération de l'Azawad (MNLA) ont pris le contrôle du nord, des cas d'exécutions sommaires de militaires, des viols, des pillages, des déplacements forcés de populations et des recrutements forcés de mineurs ont été enregistrés.

« Ces cas constituaient d'effroyables violations des droits de l'homme », a déclaré M. Simonović. « Toutefois, les violations étaient plutôt sporadiques. Depuis que les groupes islamistes tels qu'Ansar Dine, le MUJAO (Mouvement pour l'unité du djihad en Afrique occidentale) et AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique) ont pris le contrôle du nord, nous assistons à des exactions de nature différente. La restriction des droits civils et politiques s'accentue sévèrement, en raison de l'imposition d'une interprétation radicale de la charia et des peines cruelles et inhumaines sont systématiquement appliquées, telles que des exécutions, des amputations et des lapidations. »

Au moins trois exécutions, huit amputations et deux flagellations auraient eu lieu au cours de ces derniers mois. Des cas de mariages forcés seraient devenus fréquents et les femmes seraient vendues et forcées à se remarier, ce qui pourrait constituer une forme de viol et d'exploitation sexuelle. M. Simonović a rapporté qu'une des personnes qu'il avait interrogées avait déclaré que « dans le nord, les femmes étaient non seulement à vendre, mais à vil prix et pouvaient être achetées pour moins de 1.000 dollars ».

Durant sa mission, le Sous-Secrétaire général a mis un accent particulier sur les violations des droits des femmes. « Les femmes sont les premières victimes de la crise actuelle et ont été principalement affectées par la situation au nord. Leur droit au travail, à l'éducation, leur droit d'accès aux services sociaux de base ont été sérieusement compromis ».

L'une des femmes déplacées que M. Simonović a interrogées dans la ville de Mopti, à quelque 450 kilomètres au nord-est de la capitale, Bamako, a déclaré qu'elle ne pouvait plus retourner chez elle à Gao, où elle était commerçante avant le conflit, car selon l'interprétation radicale de la charia des groupes islamistes, les femmes ne sont pas autorisées à travailler, ce qui les prive de toute forme d'autonomie. Plus inquiétant encore est le fait que des listes de femmes ayant eu des enfants hors mariage, ou se trouvant enceintes sans être mariées, seraient en train d'être établies par les groupes extrémistes islamistes qui contrôlent le nord.

«Ceci pourrait indiquer que des femmes sont exposées au risque imminent d'être victimes de peines cruelles et inhumaines », a relevé le responsable onusien.

Les enfants ont aussi souffert en raison du conflit. Suite à la fermeture des écoles dans le nord, après la fuite de nombreux enseignants, les enfants ont été privés de leur droit à l'éducation. L'extrême pauvreté, le chômage et la sous-scolarisation continuent de pousser les jeunes à rejoindre les groupes extrémistes. L'un des témoins a informé M. Simonović du cas particulièrement grave de trois enfants qui auraient été mutilés en manipulant des engins explosifs rudimentaires.

Concernant la situation dans le sud du pays, M. Simonović a noté qu'au moins 30 personnes ayant pris part au contre-coup d'État d'avril 2012 étaient en détention depuis lors. Aucune charge n'aurait été retenue contre plusieurs d'entre eux. Des cas de torture et d'emprisonnement dans des conditions inhumaines ont été signalés et le sort d'une vingtaine de soldats impliqués dans le contre-coup d'État reste inconnu.

« Il est important que les autorités enquêtent sur ces cas de disparitions, conformément aux critères internationaux en matière de droits de l'homme ». M. Simonović a reçu l'assurance de la part du Ministre malien de la Justice que des investigations approfondies seraient entreprises rapidement.

« Toutefois, les violations actuelles sont, dans une large mesure, les symptômes de l'irrespect chronique des droits de l'homme qui a prévalu au Mali dans le passé », a déclaré M. Simonović. « Il est nécessaire de traiter ces causes, telles que la corruption généralisée, la mauvaise gestion des deniers publics, les inégalités sociales et le népotisme, pour ne citer que celles-ci. »

Le Sous-Secrétaire général a insisté sur la nécessité d'enquêter sur les récentes violations des droits humains, aussi bien dans le nord que dans le sud, et a estimé essentiel que leurs auteurs soient amenés à rendre des comptes, ce qui est une condition indispensable à la réconciliation et à la cohésion sociale.

Il a aussi noté que tout soutien de l'ONU aux forces de sécurité maliennes, tout comme à n'importe quelle autre force de sécurité non onusienne, devait être conforme aux principes de précaution de l'ONU en matière de droits de l'homme, qui interdisent aux Nations Unies de soutenir des forces de sécurité qui ont été impliquées dans des violations graves de ces droits.

Enfin, M. Simonović a déclaré que dans le but de faire progresser la cause des droits des femmes et les rendre autonomes, il était essentiel que des mesures soient prises afin de promouvoir leur participation dans la vie publique. Il s'est dit encouragé par le fait que le Premier Ministre a reconnu que les femmes ont un rôle important à jouer dans la construction de la paix et la réconciliation, aussi bien que dans la prospérité économique du pays. « Pour y parvenir, de façon concrète, il serait souhaitable d'introduire un quota de 30% pour les femmes au Parlement dans le cadre des prochaines élections législatives », a déclaré M. Simonović.