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Algérie : un expert de l'ONU inquiet des restrictions visant la société civile

Le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de rassemblement pacifique et d'association, Maina Kiai. Photo ONU/Jean Marc Ferré
Le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de rassemblement pacifique et d'association, Maina Kiai. Photo ONU/Jean Marc Ferré

Algérie : un expert de l'ONU inquiet des restrictions visant la société civile

Le Rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de réunion et d'association pacifiques, Maina Kiai, a exhorté vendredi les autorités algériennes à saisir l'opportunité offerte par les prochaines élections législatives pour assurer que les nouvelles dispositions réglementant les organisations de la société civile, adoptées fin 2011, répondent aux exigences du droit international des droits de l'homme.

« Les élections législatives, prévues le jeudi 10 mai 2012, doivent répondre aux demandes légitimes de la société civile et faire respecter la liberté d'association. Alors que le printemps arabe invite à un élargissement de la place octroyée à la société civile, il est tout à fait regrettable que l'Algérie se singularise par un retour en arrière dans le domaine de la liberté d'association, en limitant plus rigoureusement le périmètre d'action ou l'accès au financement des associations », a indiqué M. Kiai dans un communiqué de presse.

L'expert des droits de l'homme a fait part de ses préoccupations concernant les dispositions de la loi sur les associations, promulguée en décembre 2011, qui impose de nouveaux contrôles et restrictions sur la création et le financement des associations.

Selon la nouvelle loi, la formation de toute association est désormais soumise à l'accord préalable des autorités, qui peuvent à présent refuser une demande d'enregistrement sans avoir besoin de recourir à un juge.

« Cette situation constitue un recul important par rapport à la loi de 1990 qui était en vigueur jusque-là. Cela est inquiétant puisque la loi prévoit une peine d'emprisonnement et une lourde amende pour quiconque opère au nom d'une association non enregistrée ou agréée, suspendue ou dissoute », a souligné M. Kiai.

La nouvelle loi prévoit que l'objet et les buts des activités des associations ne devront pas être « contraires aux valeurs nationales » et que toute « ingérence dans les affaires internes du pays » entraînera la suspension ou la dissolution de l'association concernée.

Faisant écho aux préoccupations formulées par la Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navy Pillay, M. Kiai a souligné que « ces dispositions étaient particulièrement vagues et sujettes à des interprétations abusives. Elles portent un coup grave à la jouissance du droit à la liberté d'association. Les associations constituent un moyen de première importance permettant à la population d'exprimer ses aspirations. Elles doivent pouvoir, et ont même la responsabilité morale, de s'intéresser à la vie politique intérieure de leur propre pays. »

Le Rapporteur spécial a également attiré l'attention sur les restrictions relatives à l'accès des associations au financement étranger. Les associations algériennes seront privées de recevoir des fonds de toutes légations diplomatiques ou organisations non gouvernementales étrangères, « en dehors des relations de coopération dûment établies ».

« Il est à craindre que de telles dispositions soient utilisées pour entraver le travail des associations, notamment celles de défense des droits de l'homme. L'accès au financement ne devrait pas être strictement restreint », a souligné M. Kiai.

L'expert indépendant des Nations Unies a exhorté les autorités algériennes à prendre pleinement en compte les préoccupations soulevées par les ONG concernant cette loi, et il a appelé les partis politiques en course pour les élections législatives à s'engager à réviser la loi sur les associations.

« J'ai sollicité une invitation officielle pour conduire une visite en Algérie et je compte sur une réponse positive à cette demande. Je me tiens dès à présent à l'entière disposition des autorités algériennes pour toute coopération technique dont elles auraient besoin pour s'assurer que la loi sur les associations et son application soient conformes aux standards du droit international », a fait savoir M. Kiai.