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Somalie : fin de la période de famine mais la situation demeure désastreuse

Le Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), José Graziano da Silva à Dollow en Somalie du sud.
FAO/Simon Maina
Le Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), José Graziano da Silva à Dollow en Somalie du sud.

Somalie : fin de la période de famine mais la situation demeure désastreuse

Les Nations Unies ont annoncé la fin de la famine en Somalie mais ont mis en garde sur le fait que la faim demeurait une menace en raison des sécheresses récurrentes dans la Corne de l'Afrique.

Les Nations Unies ont annoncé vendredi la fin de la famine en Somalie mais ont mis en garde sur le fait qu'à moins de prendre des mesures à long terme visant à rétablir la sécurité alimentaire, la faim demeurait une menace en raison des sécheresses récurrentes dans la Corne de l'Afrique.

Selon les termes du nouveau rapport de l'Unité d'analyse de la sécurité alimentaire et de la nutrition de la FAO (FSNAU) et du Réseau de système d'alerte rapide sur les famines (FEWS NET) de l'agence USAID, le nombre de personnes ayant besoin d'une aide humanitaire d'urgence en Somalie a baissé, passant de 4 à 2,34 millions, soit 31% de la population. Au plus fort de la crise, près de 750.000 personnes étaient en danger de mort.

« Des pluies longtemps attendues, ainsi que la conjonction de contributions agricoles substantielles et de la réponse humanitaire déployée au cours des six derniers mois, sont les principales raisons de cette amélioration », a déclaré le nouveau Directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), José Graziano da Silva, lors d'une conférence de presse faisant suite à sa visite dans le sud de la Somalie.

Selon M. Graziano da Silva toutefois, « la crise n'est pas terminée. Seule la combinaison d'une bonne pluviométrie et d'actions à long terme continues et coordonnées, visant à renforcer la résilience des populations locales et liant programmes d'aide humanitaires et de développement, peut apporter une solution définitive à cette crise. Les sécheresses sont inévitables mais nous pouvons mettre en place des measures adéquates pour éviter qu'elles ne provoquent des famines. Trois mois nous séparent de la prochaine saison des pluies ».

M. Graziano da Silva a insisté sur le fait que la FAO allait intensifier ses efforts dans la Corne de l'Afrique. Il a également souligné que l'agriculture était un élément clé de paix et de stabilité dans la région.

Pour sa part, la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies aux affaires humanitaires, Valerie Amos, a salué l'annonce de la fin de la famine mais s’est dite toutefois préoccupée par le fait que « la situation reste critique pour au moins 2,34 millions de personnes en Somalie. »

« 1,7 million de personnes ont besoin de nourriture, d’eau potable, d’abris et d’autres formes d’assistance pour survivre. Les taux de mortalité restent parmi les plus élevés au monde », a-t-elle dit dans une déclaration à la presse. « Les progrès réalisés sont fragiles. Sans la poursuite d’un soutien généreux de la communauté internationale, ces gains pourraient être inversés. »

Selon le réseau FSNAU-FEWS, les précipitations normales entre octobre et décembre 2011, associées aux interventions agricoles et humanitaires, ont permis aux agriculteurs d'augmenter leur capacité de production et d'achat de nourriture.

Dans le cadre de son intervention d'urgence, la FAO a distribué semences et engrais aux agriculteurs somaliens. Dans les régions de Bay et Shabelle, ils ont tiré profit des pluies et des intrants fournis à la fois par la FAO et d'autres agences pour doubler leur production de maïs et de sorgho, réalisant leur meilleure récolte des dernières années.

La FAO a également remis en état 594 kilomètres de canaux d'irrigation et a traité 2,6 millions de têtes de bétail exposées au risque de maladies et d'infections dues à la sécheresse.

Au cours des six derniers mois, la FAO, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), le Programme alimentaire mondial (PAM) et d'autres organisations non-gouvernementales internationales ont mis en place des programmes dits "argent contre travail" et "tickets d'alimentation" plutôt que de compter uniquement sur des distributions de vivres. Les sommes en espèces ont permis aux familles d'acheter localement de la nourriture et de rester dans leur région d'origine tout en stimulant la reprise de l'économie et en contribuant à la réhabilitation des infrastructures locales d'agriculture et d'élevage.

La combinaison d'interventions agricoles et humanitaires a permis de réduire de manière significative les prix des céréales au niveau local dans les zones les plus vulnérables du sud, améliorant ainsi le pouvoir d'achat des ménages les plus pauvres. Dans les régions productrices de sorgho par exemple, la quantité de céréales pouvant être achetées avec un jour de travail est passée de 4 à 14 kilogrammes entre juillet et décembre 2011.

En dépit de cette augmentation, la dernière récolte n'a contribué qu'à hauteur de 10% aux besoins annuels en céréales, de telle sorte que les stocks ne seront suffisants que jusqu'à la période des semis suivante, entre avril et juin.

Le rapport a également mis en garde sur le fait qu'environ 325.000 enfants somaliens souffrant de malnutrition aigue étaient encore en situation de risque.

La crise actuelle affecte encore l'ensemble de la Corne de l'Afrique avec 9,5 millions de personnes ayant besoin d'une aide d'urgence en Somalie, au Kenya, en Ethiopie et à Djibouti, contre 13 millions au plus fort de la crise.

De son côté, le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a indiqué vendredi que des perspectives de rendement agricole avec la prochaine saison des pluies dans certaines régions de la Somalie ont poussé plusieurs centaines de réfugiés somaliens en Ethiopie et au Kenya à rentrer temporairement chez eux.

« Selon les estimations de notre opération en Somalie, quelque 7.000 réfugiés ont quitté le Kenya et l'Ethiopie en janvier, principalement pour rentrer dans les régions de Bay, Bakool, Gedo et Banadir qui avaient été affectées par la famine. Certains nous ont indiqué qu'ils rentraient en Somalie pour profiter de la prochaine saison des pluies et recommencer les cultures dans leurs villages. Ils ont également expliqué qu'ils laissaient derrière eux les femmes et les enfants dans les camps de réfugiés, tout en prévoyant de revenir au camp après les récoltes, car ils craignent l'insécurité en Somalie », a expliqué un porte-parole du HCR, Adrian Edwards, lors d’une conférence de presse à Genève.

Le personnel du HCR a mis en garde les réfugiés souhaitant rentrer sur les risques encourus en route. « Notre personnel en Somalie prévoit également de distribuer une assistance d'urgence aux rapatriés nécessiteux dans les villes frontalières de Dobley, Bulo Barwago, Diif et d'autres villages environnants », a précisé M. Edwards.

Le HCR maintient sa position selon laquelle tout retour en Somalie doit se faire en connaissance de cause et librement consenti. Par ailleurs, la situation dans le pays n'est pas encore propice à un rapatriement organisé. Alors que les conditions de sécheresse et de famine ont diminué en Somalie, l'insécurité continue à causer des déplacements de population à l'intérieur du pays. Plus de 49.000 Somaliens ont été déracinés en décembre et en janvier, et la moitié d'entre eux pour des raisons de sécurité. Selon les estimations du HCR, le nombre total de déplacés internes somaliens s'élève à 1,36 million de personnes.

Malgré les récents retours, l'afflux continue hors de la Somalie. Plus de 2000 personnes sont arrivées dans les camps de Dollo Ado au sud de l'Ethiopie en janvier 2012.