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Syrie : des crimes contre l'humanité pourraient avoir été commis, selon l'ONU

La Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay.
La Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay.

Syrie : des crimes contre l'humanité pourraient avoir été commis, selon l'ONU

Lors d'une session spéciale du Conseil des droits de l'homme Nations Unies lundi à Genève sur la situation en Syrie, la Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, a estimé que les violations systématiques des droits de l'homme par le gouvernement syrien contre des manifestants pacifiques dans plusieurs villes du pays pourraient constituer des crimes contre l'humanité.

Le Haut Commissariat aux droits de l'homme (HCDH) a publié le 18 août un rapport réalisé par une mission d'établissement des faits. Ce rapport a été présenté au Conseil de sécurité de l'ONU avec pour recommandation de référer la situation actuelle en Syrie à la Cour pénale internationale (CPI).

« La mission d'établissement des faits a découvert des violations systématiques et répandues des droits de l'homme, notamment des meurtres, des disparitions forcées, de la torture et des persécutions, commises par les forces de sécurité ou par l'armée syrienne. Bien que le rapport ne couvre que la période du 15 mars au 15 juillet 2011, les indications montrent que les violations continuent jusqu'à ce jour. Nous estimons que la nature de ces actes commis à grande échelle pourraient constituer des crimes contre l'humanité », a indiqué la Haut Commissaire.

La mission d'établissement des faits n'a pas obtenu la permission de venir en Syrie, mais a pu recueillir des témoignages crédibles, consistants et corroborés de la part de victimes, de témoins et de transfuges militaires dans les pays voisins de la Syrie. La mission a conclu que les forces de sécurité et militaires ont mis en œuvre une politique de « tirer pour tuer » malgré la nature largement pacifique des manifestations. La mission a documenté des exemples d'exécutions sommaires, suivies de tentatives de cacher les meurtres en creusant des charniers.

« Les autorités ont imposé le blocus de plusieurs villes à l'aide de véhicules militaires et d'artillerie lourde pour empêcher les habitants de se ravitailler en vivres et pour les priver de services de base. Les personnes blessées n'ont pas pu être soignées et parfois les hôpitaux publics ont été fermés avant les opérations militaires ou bien le personnel médical a été empêché d'accueillir les blessés. Une politique d'arrestation arbitraire de personnes suspectées d'avoir participé aux manifestations est en place, et l'usage de la torture est largement répandu. Plusieurs personnes sont mortes pendant leur détention, y compris des enfants, à cause de la torture », a déclaré Mme Pillay.

Dans ses contacts avec le HCDH, le gouvernement syrien a nié les accusations d'abus. Il reconnaît la mort de quelques 1.900 personnes mais il insiste qu'il s'agit majoritairement de membres des forces de sécurité tués par des « groupes armés » et que les manifestations sont organisées par des « terroristes et extrémistes ». Selon le rapport du HCDH, il s'agit au contraire de citoyens exerçant leurs droits légitimes à la parole et au rassemblement. Le gouvernement syrien a énuméré au HCDH une liste de réformes politiques, telles que la fin de l'état d'urgence, l'abolition du Tribunal suprême de sécurité de l'Etat et la libération de détenus politiques. Les bains de sang à Hama, Lattaquié et dans d'autres villes syriennes qui ont eu lieu depuis trois semaines sapent la crédibilité du gouvernement syrien et de ses annonces, selon Mme Pillay.

« J'appelle le gouvernement de Syrie à arrêter immédiatement et complètement la répression des manifestations pacifiques et assurer la libération immédiate et sans conditions de tous ceux qui sont détenus pour avoir participé à des manifestations pacifiques. Le gouvernement devrait également permettre le retour en toute sécurité et de façon volontaire de tous les réfugiés et personnes déplacées. Je me réjouis du déploiement de la première mission d'évaluation humanitaire qui a commencé le 20 août et je demande au gouvernement syrien d'accorder l'accès à tous les travailleurs humanitaires internationaux et j'exhorte le gouvernement syrien à accepter une enquête et une surveillance impartiale de la situation des droits de l'homme », a ajouté Mme Pillay.

A ce jour, plus de 2.200 personnes ont été tuées dans les protestations populaires qui ont commencé en mars. Malgré les assurances du Président syrien Bachar Al-Assad au Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon lors d'une conversation téléphonique mercredi que les opérations militaires étaient terminées, au moins cinq personnes ont été tuées jeudi et 34 vendredi et des chars sont toujours déployés autour des villes.

De son côté, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants Juan Méndez, a fait état d'un usage excessif de la force contre des civils non armés, d'attaques contre des installations médicales et du personnel soignant, de torture dans les centres de détention, et de disparitions forcées.

« La communauté internationale a le devoir de ne pas laisser ces violations impunies et d'évaluer si certaines de ces violations pourraient constituer des crimes contre l'humanité. Si nous voulons vraiment combattre les violations des droits de l'homme, nous ne pouvons pas rester aveugles face à ces actes. Nous pensons que ceux qui portent la plus grande responsabilité pour de telles violations, devraient être référés à la plus haute instance pour être poursuivis et jugés. Les auteurs de crimes doivent être tenus responsables et les victimes doivent être convenablement compensés », a déclaré le Rapporteur spécial.