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Côte d'Ivoire : les deux camps soupçonnés de crimes contre l'humanité

Côte d'Ivoire : les deux camps soupçonnés de crimes contre l'humanité

Des familles réfugiées à la mission catholique de Duékoué, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, lors de la crise post-électorale.
Une Commission d'enquête internationale sur la Côte d'Ivoire était chargée d'enquêter sur les allégations de violations graves des droits de l'homme à la suite de l'élection présidentielle du 28 novembre 2010.

La Commission d'enquête internationale indépendante sur la Côte d'Ivoire, chargée d'enquêter sur les faits et les circonstances relatifs aux allégations de violations graves des droits de l'homme dans le pays à la suite de l'élection présidentielle du 28 novembre 2010, a conclu que des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre auraient été perpétrés par les deux camps rivaux.

Soumis jeudi au Président du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, le rapport sera discuté au Conseil le 15 juin 2011, à Genève.

Sur la base de ses investigations, la Commission conclut « que de nombreuses violations graves des droits de l'homme et du droit humanitaire international ont été commises en Côte d'Ivoire durant la période considérée ».

Le second tour de l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire en novembre 2010 a été remporté par Alassane Ouattara face au Président sortant Laurent Gbagbo mais ce dernier a refusé de reconnaître sa défaite et de quitter le pouvoir, déclenchant une crise politique et humanitaire qui a duré plusieurs mois. Laurent Gbagbo s'est finalement rendu aux forces loyales à Ouattara en avril 2011 et Alassane Ouattara a été officiellement investi Président de Côte d'Ivoire le 21 mai 2011.

« Certaines de ces violations pourraient constituer des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre. Ces violations ont été commises par les Forces de défense et de sécurité et leurs alliés (milices et mercenaires) puis, lors de leur contre-offensive et, depuis leur contrôle du pays, par les Forces républicaines de Côte d'Ivoire », explique la Commission dans un communiqué publié vendredi. Les Forces de défense et de sécurité étaient loyales à Laurent Gbagbo et les Forces républicaines de Côte d'Ivoire à Alassane Ouattara.

Créée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, la Commission d'enquête est présidée de Vitit Muntabhorn, de Thaïlande, et composée également de Suliman Baldo, du Soudan, et de Reine Alapini Gansou, du Bénin.

La Commission d'enquête s'est rendue en Côte d'Ivoire du 4 au 28 mai 2011. Outre Abidjan, elle s'est rendue dans l'ouest, le nord et le sud du pays et a visité en particulier les villes de Duékoué, Guiglo, Korogho, Odienné et San Pedro. Elle s'est aussi rendue au Libéria où elle s'est entretenue avec un grand nombre de réfugiés ivoiriens, des membres du gouvernement et des représentants du système des Nations Unies.

« Les contraintes de temps et de ressources n'ont permis qu'une estimation des pertes en vies humaines durant la crise. Néanmoins, sur la base des informations recueillies lors de ses visites de terrain et des recoupements qu'elle a pu effectuer, quelques 3.000 personnes ont pu être tuées », a précisé la Commission.

Pour les experts « l'instrumentalisation de la question de l'ethnicité, la manipulation de la jeunesse ivoirienne pour en faire des instruments de violence par les acteurs politiques ainsi que les questions non-résolues du foncier rural » constituent les causes profondes des violations graves et massives des droits de l'homme. Les élections auraient servi de « catalyseur à la violence », soulignent-t-ils.

La Commission a noté « que la plupart des personnes rencontrées souhaitent voir les communautés ivoiriennes continuer à vivre ensemble ».

Dans ce contexte, la Commission recommande, entre autres, au gouvernement ivoirien « de veiller à ce que les auteurs des violations des droits de l'homme et du droit humanitaire international soient traduits en justice », de conduire des enquêtes « exhaustives, impartiales et transparentes ».

Enfin la Commission recommande à la communauté internationale « d'appuyer les autorités gouvernementales, notamment du point de vue financier, dans leurs efforts pour lutter contre l'impunité et créer un état de droit ».