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Libye : nouveaux témoignages de survivants d'un naufrage en Méditerranée

Libye : nouveaux témoignages de survivants d'un naufrage en Méditerranée

Des boat people remis aux autorités libyennes par la marine italienne.
Dans un camp situé à la frontière entre la Tunisie et la Libye, les équipes du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) ont recueilli les témoignages de migrants rescapés d'un naufrage de l'une des nombreuses embarcations de fortunes qui quittent la Libye afin de fuir les affrontements entre insurgés et les troupes loyales au dirigeant libyen Mouammar Qadhafi. L'agence a de nouveau exhorté les Etats à mettre en place un système de sauvetage en mer Méditerranée.

« Hier matin, des membres du personnel du HCR se sont entretenus avec trois Ethiopiens oromos qui nous ont dit faire partie des neufs rescapés d'un bateau transportant 72 personnes qui avait quitté Tripoli le 25 mars dernier », a déclaré une porte-parole du HCR, Melissa Fleming, lors d'une conférence de presse à Genève, en Suisse.

« L'un d'entre a indiqué que le bateau, de 12 mètres de long faisant cap sur l'Europe, était bondé au point que les passagers pouvaient à peine tenir debout. Les réserves en eau, en vivres et en carburant se sont épuisées et le bateau a dérivé pendant plus de deux semaines, avant de s'échouer sur une plage en Libye », a-t-elle ajouté.

Les équipes du HCR ont rencontré trois rescapés de ce bateau dans le camp de Choucha en Tunisie. L'un parle arabe et les autres s'expriment en oromo. Le HCR a pu discuter avec la personne qui parle l'arabe. Celle-ci a indiqué avoir payé aux passeurs la somme de 800 dollars pour effectuer la traversée. Les passagers devaient manœuvrer eux-mêmes le bateau.

Selon son témoignage, des bâtiments militaires seraient passés deux fois près de leur bateau sans s'arrêter et qu'un hélicoptère militaire avait effectué un largage de nourriture et d'eau potable. Le premier navire militaire aurait refusé leur demande de monter à bord. Le second aurait seulement pris des photos, a indiqué le survivant, qui n'a toutefois pas réussi à identifier le port d'attache de ces navires.

« Lorsque le stock d'eau potable s'est épuisé, les passagers ont bu de l'eau de mer et leur propre urine. Ils ont mangé du dentifrice. Les passagers sont décédés les uns après les autres. Il a expliqué que les rescapés attendaient un jour ou deux avant de jeter les corps à la mer. Il y avait 20 femmes et deux petits enfants à bord. Une femme accompagnée de son fils de deux ans est décédée deux jours avant son enfant. Le réfugié a décrit l'angoisse ressentie par le petit garçon après la mort de sa mère », a raconté Melissa Fleming.

Selon le HCR, après leur arrivée sur la plage près de Zliten, entre Tripoli et la frontière tunisienne, une femme est morte d'épuisement sur cette plage. Les 10 hommes rescapés ont marché jusqu'à Zliten où ils ont été arrêtés par la police libyenne. Ils ont été emmenés à l'hôpital puis en prison où ils ont reçu de l'eau, du lait et des dattes. Deux jours après, un autre survivant est mort.

« Après avoir supplié le personnel pénitentiaire de ramener les rescapés à l'hôpital, ils ont été conduits dans un hôpital de la ville d'Al-Khoum. Des médecins et des infirmières leur auraient donné de l'eau et les auraient enjoints de partir. Ils ont été de nouveau écroués puis transférés à la prison de Twesha, près de Tripoli. Finalement, des amis éthiopiens à Tripoli ont payé 900 dollars à la prison pour obtenir la libération de ces personnes, auxquelles le HCR fournit désormais une assistance en Tunisie », a conclu la porte-parole du HCR.