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Côte d'Ivoire : l'ONU encourage Ouattara à ouvrir la page de la réconciliation

Côte d'Ivoire : l'ONU encourage Ouattara à ouvrir la page de la réconciliation

Alassane Ouattara, Président de Côte d'Ivoire lors du vote pour l'élection présidentielle en 2010.
Deux jours après la reddition de l'ancien Président Laurent Gbagbo aux forces loyales au Président Alassane Ouattara en Côte d'Ivoire, le Représentant spécial de l'ONU pour ce pays, YJ Choi, a présenté mercredi devant le Conseil de sécurité les principaux défis que les Ivoiriens doivent relever d'urgence, notamment la finalisation de la formation du gouvernement, la réforme du secteur de la sécurité et l'organisation d'élections législatives.

« En terme de mesures concrètes qui doivent être prises urgemment : le serment du Président Ouattara et la finalisation de la formation de son gouvernement. Pendant la crise, le Président Ouattara n'a pu nommer que 13 ministres sur 30 ministères. Il est nécessaire que les postes gouvernementaux soient pourvus », a souligné le Représentant spécial devant les membres du Conseil de sécurité.

« L'autre priorité est la mise en œuvre du programme de désarmement, démobilisation et réintégration et la réforme du secteur de la sécurité. Le Président Ouattara a fusionné les Forces armées des Forces Nouvelles (FAFN) et les Forces de défense et de sécurité (FDS) afin de créer les Forces Républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), ce qui constitue une importante étape. Une grande quantité d'armes et un grand nombre de FDS et de membres de milices sont toujours en circulation », a-t-il ajouté.

Pour le Représentant spécial, la réunification et la question de la démobilisation des différentes forces armées et la réforme du secteur de la sécurité sont intimement liées. Enfin, il a souligné l'importance de l'organisation d'élections législatives nécessaires au renforcement des institutions démocratiques du pays.

Il a assuré que l'Opération des Nations Unies pour la Côte d'Ivoire (ONUCI) soutiendrait le pays dans son effort pour se relever de la crise.

« Simultanément, l'ONUCI est en train de concentrer ses efforts sur la sécurisation afin d'empêcher un vide sécuritaire, en collectant les armes et en désarmant les ancien FDS qui se sont rendus ainsi que d'autres forces irrégulières tout en sécurisant les installations stratégiques comme le port, l'aéroport, les ponts, le palais et la résidence, et en protégeant les civils y compris l'entourage de Laurent Gbagbo contre les représailles », a précisé Y J Choi.

Selon lui, le 11 avril, le jour de l'arrestation de Laurent Gbagbo, doit rester dans les mémoires comme « la fin d'un régime de la démagogie et de la perversion orwellienne qui a essayé de se cramponner au pouvoir par des moyens militaires ».

Il a rappelé que la crise ivoirienne a été affrontée « principalement par les Ivoiriens eux-mêmes », aidés par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union africaine (UA) et le Conseil de sécurité de l'ONU.

« Je reste plein d'espoir : le peuple ivoirien a organisé l'une des élections les plus impressionnantes ; ils sont parvenus à résoudre principalement par eux-mêmes la crise postélectorale qui a permis de faire prévaloir la volonté du peuple; et maintenant ils vont marcher vers la réconciliation nationale et la reconstruction avec l'assistance de la communauté internationale », a-t-il conclu.

Intervenant aussi devant le Conseil de sécurité, la Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, a rappelé que le Conseil des droits de l'homme avait créé une Commission d'enquête indépendante. Présidée par Vitit Muntabhorn de Thaïlande et composée de Suliman Baldo du Soudan et de Reine Alapini Gansou du Bénin, la Commission devra présenter les conclusions de son enquête en juin prochain.

« Le processus de justice transitionnelle doit être global et interconnecté y compris la transparence dans l'enquête et les poursuites. Ces engagements doivent être tenus. Mon bureau se tient prêt à assister le Président Ouattara et son gouvernement dans le développement de la justice transitionnelle pour le pays », a déclaré Navi Pillay devant les membres du Conseil. Elle a rappelé que le Président Ouattara avait promis de créer une Commission Vérité et Réconciliation.

Elle a aussi rappelé que la mission du Haut commissariat aux droits de l'homme avait trouvé des informations sur place faisant état de violations majeures des droits de l'homme notamment « des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, de la torture et des violences sexuelles à Abidjan et dans le reste du pays ».

La division des droits de l'homme de l'ONUCI a estimé qu'environ 400 personnes ont été tuées depuis la mi-décembre 2010. Navi Pillay a également indiqué que 28.000 personnes avaient été contraintes de fuir la ville de Duékoué, située à l'ouest du pays. Au moins 500 personnes ont été tuées lors des affrontements dans cette zone. A Carrefour, un quartier de Duékoué, 229 corps ont été trouvés, la plupart étant des jeunes hommes portant des habits de civils.

« Les responsables doivent rendre compte des crimes qu'ils ont commis sans que l'on prête attention à leur affiliation », a martelé Navi Pillay, soulignant que la paix était inextricablement liée à la justice et au respect des droits de l'homme.

La Secrétaire générale adjointe des Nations Unies aux affaires humanitaires, Valerie Amos, a indiqué pour sa part devant le Conseil de sécurité que malgré l'arrestation de Laurent Gbagbo, la situation humanitaire restait précaire.

Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA), plus de 5 millions de personnes sont vulnérables à Abidjan, où des quartiers entiers manquent d'eau, de nourriture, d'électricité et d'accès aux soins de santé de base. Plus de 800.000 enfants n'ont plus accès à l'éducation, a-t-elle précisé.

Au moins 130.000 personnes seraient déplacées uniquement à Abidjan et 800.000 auraient fui vers le nord du pays. Plus de 130.000 personnes sont réfugiées au Libéria, selon le Haut des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

« Et nous ne devons pas ignorer l'impact psychologique grave que ces semaines de violences vont avoir. Les populations sont très traumatisées. Elles ont été témoins de terribles violences et beaucoup ont été directement prises pour cible », a souligné Valerie Amos.

« Nous estimons qu'environ 300 millions de dollars sont nécessaires pour financer les priorités humanitaires. A ce jour, 57 millions de dollars ont été collectés soit 15% seulement de ce qui est réclamé », a dit la Chef de l'humanitaire de l'ONU. « J'espère que les Etats membres vont redoubler leurs efforts et répondre aux besoins de la Côte d'Ivoire et de la région », a conclu Valerie Amos.

A l'issue de la réunion, le Conseil de sécurité a salué, dans une déclaration à la presse de la Présidence du Conseil, le fait que le Président Ouattara soit « désormais en position d'assumer toutes ses responsabilités en tant que Chef de l'Etat, conformément à la Constitution ivoirienne et à la volonté du peuple ivoirien exprimée aux élections présidentielles du 28 novembre 2010 et reconnue par la communauté internationale. »

Les membres du Conseil « encouragent le Président Ouattara à former un gouvernement large et inclusif » et appellent « tous les Ivoiriens à s'abstenir de représailles, de revanche et de provocations, à exercer un maximum de retenue et à travailler ensemble pour promouvoir la réconciliation nationale et restaurer une paix durable à travers le dialogue et la consultation ».

Ils « saluent l'engagement du Président Ouattara à enquêter sur les violations présumées des droits de l'homme et réaffirment que les responsables de tels abus, sans tenir compte de leur affiliation, doivent rendre des comptes. » Ils saluent également l'appel du Président Ouattara à la réconciliation en Côte d'Ivoire et sa décision d'établir une Commission Vérité et Réconciliation.

Le Conseil de sécurité appelle le gouvernement ivoirien à garantir la sécurité de Laurent Gbagbo et un traitement juste. Il se

dit inquiet des informations faisant état de violences à Abidjan et appelle tous les combattants armés illégaux à rendre leurs

armes immédiatement aux autorités compétentes.